Comptes rendus

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Progrès dans notre compréhension des processus pathologiques et du traitement de l’insuffisance rénale chronique et des maladies cardiovasculaires connexes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès mondial de néphrologie 2011

Vancouver, Colombie-Britannique / 8-12 avril 2011

Par Steve Pridgeon

Le Dr Michael Shlipak, University of California, San Francisco, a analysé les maladies cardiovasculaires (CV) associées à l’insuffisance rénale chronique (IRC) à l’aide de la cystatine C, dont le taux évolue linéairement avec le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) pour un éventail beaucoup plus vaste de valeurs que la créatinine. Il en résulte une analyse plus exacte du lien entre le DFGe et les maladies CV, depuis un taux de filtration normal jusqu’à l’IRC avancée. En étudiant des sujets âgés (75 ans en moyenne; N=4444), le Dr Shlipak a constaté que la mortalité CV doublait par rapport aux valeurs de départ en présence d’un DFGe que l’on considère annonciateur d’une maladie CV, soit 60-80 mL/min/1,73 m2, et qu’elle triplait ou presque en présence d’un DFGe <45 mL/min/1,73 m2. Cependant, bien qu’il ait observé une incidence élevée d’insuffisance cardiaque en présence d’un DFGe de 60-80 mL/min/1,73 m2 et que l’incidence ait continué d’augmenter à mesure que progressait l’IRC, l’incidence des infarctus du myocarde (IM) augmentait de manière significative uniquement en deçà d’un DFGe de 45 mL/min/ 1,73 m2. De même, l’incidence des AVC et de la maladie artérielle périphérique (MAP) augmentait seulement chez les patients dont le DFGe était faible. En présence d’un DFGe à la baisse, peu importe l’ampleur de cette baisse, l’hypertrophie ventriculaire gauche et l’insuffisance cardiaque représentaient une plus grande part des maladies CV, alors que le lien entre l’athérosclérose et l’IRC était étroit uniquement en présence d’une IRC avancée, souligne le Dr Shlipak.

Le bilan lipidique des patients atteints d’IRC est souvent atypique : cholestérol total et C-LDL normaux, C-HDL faible, triglycérides élevés. «L’IRC est associée à une profonde perturbation du métabolisme lipidique», confirme le Dr Nosratola Vaziri, University of California, Irvine. Non seulement le C-HDL est-il faible, explique-t-il, mais ses propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires sont environ 3 fois plus faibles qu’en temps normal. De plus, ses recherches montrent que le C-LDL des insuffisants rénaux est 2,5 à 3 fois plus pro-inflammatoire et pro-athérogène que dans la population générale. «La combinaison des deux est évidemment catastrophique sur le plan de l’athérogénicité», poursuit le Dr Vaziri.

Traitement de l’IRC

Plusieurs types de traitement semblent efficaces pour prévenir la progression de l’IRC, affirme le Dr Johannes Mann, Friedrich-Alexander-Universität, Erlangen, Allemagne. Chez les patients protéinuriques, la diminution de la tension artérielle (TA) sous l’effet d’un inhibiteur de l’ECA ou d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) a diminué le risque de survenue de divers paramètres, notamment la mort, l’insuffisance rénale terminale (IRT) et le doublement de la créatinine sérique. La diminution de la TA n’a été associée à aucun bénéfice en présence d’un rapport protéines/créatinine urinaire <0,22, quoique ce groupe n’ait pas été exposé à un risque élevé de progression. «Les inhibiteurs de l’ECA et les ARA sont la pierre angulaire de la prise en charge de l’IRC, à plus forte raison si la protéinurie est importante», souligne le Dr Mann. Des données probantes attestent la pertinence d’une TA <130/80 mm Hg, ajoute-t-il.

Les résultats de l’étude SHARP ont montré que la baisse du C-LDL sous simvastatine + ézétimibe s’était révélée efficace pour réduire l’incidence des événements CV d’origine athéroscléreuse chez des patients qui n’avaient d’autre indication pour le traitement hypolipidémiant qu’une maladie rénale chronique.

Deux petites études ouvertes ont montré que le traitement de l’acidose métabolique à l’aide de bicarbonate de sodium (2 g) était associé à une ampleur de l’effet étonnamment très marquée. Dans l’une d’elles (N=134), seulement 6 % des patients traités souffraient d’IRT après 2 ans, vs 33 % des témoins. L’apport alimentaire de protéines s’était aussi amélioré de façon significative. En raison de l’innocuité et du bénéfice marqué apparent de ce traitement, le Dr Mann en recommande l’ajout d’ici à ce que nous ayons des études plus décisives.

Dans un petit essai (N=56) sur l’allopurinol, on a enregistré une légère augmentation du DFGe (1 mL/min/1,73 m2) après 2 ans, vs une chute de 3 mL/min/1,73 m2 dans le groupe témoin. L’essai a aussi objectivé une diminution marquée du risque d’événement CV, poursuit le Dr Mann.

Le Dr Hans-Henrik Parving, Aarhus Universitet, Danemark, a pour sa part souligné l’importance d’une démarche multifactorielle. L’étude Steno-2 (N=160) visait à évaluer le traitement de multiples facteurs de risque modifiables chez des patients présentant un diabète de type 2 et une microalbuminurie persistante. Les interventions suivantes ont été mises de l’avant : inhibiteur de l’ECA (ou ARA si l’inhibition de l’ECA était contre-indiquée), suppléments de vitamines et de minéraux, AAS, restriction de l’apport alimentaire en lipides, exercice et aide antitabagique. D’autres traitements hypoglycémiants, antihypertenseurs et hypolipidémiants étaient ajoutés au besoin. Après un suivi exceptionnellement long de 13 ans, le Dr Parving a constaté que les traitements au laser, les néphropathies et les neuropathies autonomes avaient diminué respectivement de 50 %, >60 % et 50 % chez les sujets de l’étude, comparativement aux sujets qui recevaient le traitement de référence. Après 8 ans, il a observé une diminution de 50 % du risque relatif d’événement CV majeur, réduction qui se maintenait à 13 ans. Au terme du suivi de 13 ans, la dialyse était devenue nécessaire en raison de l’IRT chez six patients du groupe témoin vs un seul du groupe de traitement. «Au bout du compte, nous avons réussi à démontrer que si le patient présente un diabète de type 2 et une microalbuminurie, il est possible d’éviter l’IRT», affirme le Dr Parving. Le taux de risque de mortalité était de 0,54 (p=0,015), mais ce bénéfice n’est devenu apparent qu’après une dizaine d’années, d’où l’importance d’un suivi à long terme. «Vous comprendrez que si nous avions mis fin à l’étude après 4 ou 5 ans de suivi, vous m’auriez dit : «il n’y a pas d’effet sur la mortalité, Dr Parving, et ce n’est pas efficace». Il fallait attendre», conclut-il.

Diminution du C-LDL en présence d’IRC

Au vu des résultats non concluants des études 4D et AURORA, on a conçu l’essai SHARP (N=9438) soigneusement afin de déterminer si un schéma visant à abaisser le C-LDL de façon marquée pouvait avoir un effet vasculaire salutaire chez les patients atteints d’IRC, explique le Dr David Wheeler, University College London, Royaume-Uni. Les chercheurs ont opté pour l’association simvastatine + ézétimibe afin d’obtenir une diminution marquée du C-LDL sans avoir à s’inquiéter des conséquences d’une forte dose de statine. Le profil de risque cardiaque du patient atteint d’IRC est atypique, précise le Dr Wheeler. Il n’y a pas de lien évident entre le cholestérol sérique et le risque CV, sans oublier que le type de maladie vasculaire est aussi atypique, l’athérosclérose n’étant pas en cause dans la majorité des cas.

Ainsi, le paramètre principal mixte de l’essai SHARP regroupait divers événements athéroscléreux majeurs, notamment la mort d’origine coronarienne, l’IM, l’AVC non hémorragique ou tout geste de revascularisation. Les événements vasculaires majeurs, paramètre plus vaste, constituaient un paramètre secondaire. Les résultats ont objectivé une diminution de 16,5 % du risque de survenue du paramètre principal (p=0,0022). Le bénéfice était indépendant du bilan lipidique initial des patients. Après 1 an, l’association ézétimibe + simvastatine avait abaissé le C-LDL de 1,07 mg/dL (0,03 mmol/L), comparativement au placebo. «Le tiers de cette baisse était attribuable à l’ézétimibe, note le Dr Wheeler. Nous n’aurions pas observé de baisse aussi marquée sans l’ajout de l’ézétimibe dans ce schéma.» Après 2,5 ans, le taux de C-LDL se chiffrait à 0,84 mg/dL (0,02 mmol/L) comparativement au placebo, ce qui représente une amélioration de 32 % (p<0,0001). Cependant, souligne le Dr Wheeler, l’observance était médiocre dans cet essai; en effet, environ les deux tiers seulement des patients adhéraient toujours au protocole à mi-chemin durant l’essai. Si le taux d’observance avait été plus élevé, le taux de C-LDL aurait été encore plus bas et les résultats cardiaques auraient été encore meilleurs. Le Dr Wheeler estime par extrapolation qu’une observance parfaite aurait permis à 5 ans une diminution de 30 événements athéroscléreux majeurs par tranche de 1000 patients non dialysés et une diminution de 40 événements athéroscléreux majeurs par tranche de 1000 patients dialysés.

Le rôle de l’alimentation

Certains aliments peuvent influer de manière significative sur la progression de l’IRC. Une alimentation riche en poisson permet un apport élevé en acides gras polyinsaturés (AGPI), surtout en acides gras oméga-3, que l’on considère comme bénéfiques pour la santé vasculaire. La Dre Julie Lin, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts, a présenté les résultats d’une étude de cohorte longitudinale, étude d’observation qui regroupait 3256 femmes caucasiennes. L’âge moyen au départ, en 2000, était de 56 ans. Ces femmes formaient un sous-groupe de la Nurse’s Health Study qui a débuté en 1976 et dont l’effectif total était de 121 000 femmes. Au départ, 205 femmes présentaient une microalbuminurie. Après 11 ans d’observation, les chercheurs ont rapporté une baisse du DFGe >30 % chez 381 participantes (11,7 %). Après prise en compte de multiples variables, le risque relatif approché (OR, pour odds ratio) de diminution du DFGe de =30 % chez les femmes qui mangeaient 2 repas de poisson par semaine, comparativement à celles qui en mangeaient <1 par semaine, était de 0,71 (IC à 95 % : 0,5-1,0). La Dre Lin a aussi fait état d’OR significatifs pour un apport élevé vs faible en sodium (OR 1,61) et pour =2 portions de boisson gazeuse par jour vs <1 portion/mois (OR 1,86). À son avis, la progression moindre de l’insuffisance rénale associée à la consommation de poisson pourrait découler des propriétés anti-inflammatoires des AGPI ou de la diminution de la TA associée aux AGPI.

Plusieurs autres communications traitaient des effets de l’alimentation sur les maladies rénales. Une étude en particulier a révélé qu’à long terme, une alimentation à forte teneur en sodium augmentait la TA et nuisait à la fonction rénale au sein de la population générale, et non seulement chez les individus «sensibles au sel». Une autre analyse, qui reposait sur des études chez l’animal, a indiqué que les lésions rénales associées à l’ingestion de fructose pendant de longues périodes étaient causées par l’élévation de l’acide urique.

Résumé

Du fait que nous comprenons mieux les processus qui mènent à la fois à l’IRC et aux maladies CV ainsi que les processus pathologiques à l’origine des maladies CV chez les insuffisants rénaux, nous avons des arguments plus solides pour définir les stratégies de prévention et de traitement, notre objectif ultime étant d’optimiser les résultats chez les patients atteints de maladie rénale. Les résultats d'une étude présentée au congrès ont montré que la baisse marquée du C-LDL sous l'effet d'un traitement hypolipidémiant à base de simvastatine et d'ézétimibe contribuait à améliorer l'issue cardiaque chez des patients atteints d'IRC.

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