Comptes rendus

Puissance soutenue de l’antibiothérapie contre les infections multirésistantes
La rémission soutenue, un objectif réaliste dans la schizophrénie

Observance du traitement de la colite ulcéreuse : la clé de meilleurs résultats à long terme

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Digestive Disease Week 2006

Los Angeles, Californie / 20-25 mai 2006

La prise en charge de la colite ulcéreuse (CU) est parfois qualifiée d’effort visant à ralentir la progression vers des complications graves. Selon diverses études sur l’évolution naturelle de la maladie, la proportion de patients ayant besoin de traitements réservés au stade modéré à sévère, comme l’infliximab, la cyclosporine et la chirurgie, augmente avec le temps, mais une vaste proportion de patients dont la maladie est légère à modérée à la consultation initiale n’ont jamais de complications majeures ni n’ont besoin de traitements réservés aux cas sévères. L’observance du traitement par le 5-aminosalicylate (5-AAS), l’agent le plus prescrit au stade léger à modéré, pourrait être un élément essentiel de la maîtrise soutenue.

Maladie généralement quiescente à un an

«Le risque d’évolution incontrôlée de la maladie chez les patients sous traitement un an après le diagnostic est plus faible qu’on le croit généralement», affirme le Dr Gary R. Lichtenstein, directeur, Inflammatory Bowel Disease Program, University of Pennsylvania, Philadelphie. Il reconnaît que la maladie est modérée à sévère après un an chez 20 % des patients, mais la maladie est déjà sévère au moment du diagnostic ou la réponse au traitement initial est sous-optimale chez un grand nombre d’entre eux. Chez les patients dont la maladie est légère à modérée lorsqu’elle est diagnostiquée, des données substantielles montrent que l’inobservance du traitement est un facteur de risque de la rechute. Les taux de rechute sont plus élevés en dehors du cadre des essais cliniques, l’essai clinique étant propice à une surveillance plus étroite et aux encouragements. Ainsi dans ce contexte, la proportion de patients prenant leur médicament à la fréquence et aux doses prescrites s’en trouve donc augmentée.

Compte tenu du risque d’inobservance, surtout chez les patients dont la motivation pourrait s’effriter une fois les symptômes maîtrisés, la simplification des schémas posologiques, la modification du comportement et l’éducation pourraient revêtir une importance aussi grande que le traitement lui-même. Bien que l’inobservance du traitement soit loin d’être un problème exclusif à la CU, ses conséquences sont particulièrement sévères. Lors d’une étude, le taux de rémission chez les patients fidèles à leur traitement par la mésalamine (5-AAS) demeurait supérieur à 90 % après 24 mois, alors qu’il était d’environ 40 % chez ceux qui ne l’étaient pas (p<0,001).

«Les interventions du médecin, tant pharmacologiques que non pharmacologiques, peuvent améliorer l’observance du traitement, et cela a des retombées très importantes sur l’issue des maladies inflammatoires de l’intestin», soutient la Dre Sunanda V. Kane, unité de gastroentérologie et professeure agrégée de médecine, University of Chicago, Illinois. «C’est une chose à laquelle nous devons être plus sensibilisés si nous aspirons à améliorer les résultats.»

Simplification de la posologie

Parmi les stratégies pharmacologiques, la plus importante pourrait être la mise au point d’agents à libération prolongée et à une prise par jour qui facilitent l’observance. Lors d’une étude dans laquelle on comparait la mésalamine à une prise par jour avec la mésalamine à la posologie usuelle et dont les résultats ont été publiés par la Dre Kane en 2003, l’observance était de 100 % pour le schéma à une prise par jour après trois mois vs 70 % pour le schéma traditionnel (p=0,04). Bien que l’avantage du schéma à une prise par jour ait diminué avec le temps, les effets indésirables – autre facteur clé de l’observance – pourraient y avoir été pour quelque chose.

Plus récemment, une préparation expérimentale de mésalamine à libération prolongée et à une prise par jour – qui évite les pics et les creux des concentrations du médicament pouvant exacerber les effets indésirables – s’est révélée prometteuse pour la simplification du traitement et la diminution des effets indésirables. Lors d’une étude de phase III qui visait à évaluer deux doses de cet agent (SPD476), les effets indésirables étaient comparables dans les deux groupes.

«Deux études de phase III comparatives, multicentriques, randomisées et à double insu ont été réalisées chez 423 patients souffrant de CU modérément active et évaluable, explique le Dr Lichtenstein. Le traitement dosé à 4,8 g/jour a autorisé un avantage statistiquement significatif par rapport à la dose de 2,4 g/jour sur le plan de l’efficacité, mais les deux doses avaient des profils d’innocuité similaires et ont été bien tolérées.»

Dans l’un des essais, on a comparé les deux doses du SPD476 (comprimé qui utilise un nouveau système de libération à matrices multiples pour prolonger et optimiser la libération de l’agent actif dans l’ensemble du côlon) avec un placebo. L’autre essai était également comparatif avec placebo mais portait sur une préparation traditionnelle de mésalamine dont la dose quotidienne totale (2,4 g/jour) était fractionnée en trois prises. Le traitement fortement dosé s’est révélé efficace chez 72 % des patients alors que l’autre traitement l’a été chez 58 % des patients. Dans l’étude qui incluait un groupe mésalamine à posologie usuelle, le taux de rémission – le paramètre principal – a été respectivement de 40,5 % et de 41,2 % dans les groupes à faible et à forte dose, de 32,6 % dans le groupe mésalamine t.i.d. et de 22,1 % dans le groupe placebo. Bien que l’avantage du SPD476 par rapport à la mésalamine t.i.d. n’ait pas atteint le seuil de signification statistique, la mésalamine t.i.d., contrairement au SPD476, n’était pas significativement supérieure au placebo.

La quiescence de la maladie pourrait favoriser l’inobservance

La nécessité d’une simplification de la posologie du 5-AAS dans la CU légère à modérée est étayée par les résultats d’une enquête auprès de patients ayant montré que l’efficacité est une arme à deux tranchants. Certes, le soulagement des symptômes est assurément la priorité, mais l’observance du traitement a tendance à diminuer lorsque les symptômes sont maîtrisés, d’où un risque de rechute. De l’avis des répondants d’un sondage effectué auprès des membres de la Crohn’s and Colitis Foundation of America, organisme qui attire probablement des personnes désireuses de savoir comment maîtriser leur maladie, seulement le tiers des patients environ ont affirmé qu’ils ne rataient jamais de dose. La plupart des autres répondants ont déclaré qu’ils oubliaient de prendre leur médicament seulement une fois par semaine ou moins souvent, mais environ 10 % ont reconnu qu’ils omettaient leur médicament plus souvent encore.

Cela dit, les taux d’adhérence rapportés par les patients eux-mêmes ne semblent pas fiables, estime la Dre Kane, qui est l’auteure de publications sur la question. Elle a cité un essai dans lequel 98 patients à qui on avait prescrit la mésalamine avaient été interrogés quant à leur observance du traitement et à d’autres caractéristiques comme l’indice d’activité de la maladie. Des échantillons aléatoires d’urines ont servi à l’analyse des concentrations de 5-AAS. Lorsque les déclarations des patients ont été mises en parallèle avec les analyses d’urines, aucun lien n’a pu être observé. Les résultats incluaient des patients qui prenaient plus de comprimés que ce qu’ils rapportaient alors que d’autres en prenaient moins.

«Il n’y avait absolument aucune corrélation entre l’observance rapportée par le patient et la quantité de médicament que celui-ci ingérait, la seule exception étant les patients qui ont admis ne jamais prendre leurs médicaments. Ces patients sont les seuls chez qui les déclarations étaient exactes», de poursuivre la Dre Kane.

L’inobservance entraîne cinq fois plus de rechutes

La recherche effectuée par la Dre Kane et son équipe a mis en évidence un taux élevé de rechute chez les patients qui ne respectaient pas leur traitement. Selon une analyse multivariée, le taux de risque (TR) d’une rechute chez les patients inobservants a plus que quintuplé (5,47, IC à 95 %; 2,26-13,22; p=0,001). Les autres facteurs de risque d’une rechute identifiés dans cette étude étaient une première rémission sous traitement remontant à moins de 12 mois (TR de 2,65) et des antécédents familiaux positifs (TR de 2,42). Lors d’une étude distincte, la Dre Kane a constaté que, chez les patients dont la CU était quiescente, l’inobservance était due à de simples oublis (60 %) plutôt qu’à la non-perception d’un bienfait (20,4 %), à la crainte d’effets indésirables (3,4 %) ou au coût (3,4 %). À son avis, de bons conseils du médecin sur l’importance de l’adhérence au traitement, même dans les périodes où la maladie est quiescente, pourraient faire une différence. À cet effet, elle a d’ailleurs cité une étude qu’elle a réalisée chez 21 patients qui prenaient leur traitement environ la moitié du temps seulement.

«Six mois après un entretien avec le médecin [qui avait expliqué l’importance critique de l’adhérence au traitement], 10 patients respectaient mieux leur traitement et prenaient plus de 80 % du traitement prescrit. Dans le cadre de ce suivi, un seul des 10 patients dont l’observance s’était améliorée a eu une rechute clinique, par comparaison à quatre des 11 qui ont continué d’être inobservants», souligne la Dre Kane. Citant le Dr Everett Koop, ex-Surgeon General aux États-Unis, la Dre Kane a déclaré : «Les médicaments ne peuvent pas agir chez les patients qui ne les prennent pas.»

Un schéma oral à base de 5-AAS ne permet pas de maîtriser la maladie légère à modérée chez tous les patients, mais les données semblent indiquer qu’un plus grand nombre de patients pourraient demeurer en rémission, même lorsqu’ils reçoivent un traitement à une prise par jour, s’ils sont bien informés et motivés à demeurer observants en l’absence d’activité de la maladie. L’objectif du maintien de la rémission ne se limite peut-être pas au soulagement des symptômes et à la qualité de vie. En effet, le Dr Lichtenstein a cité des données indiquant que le maintien d’une muqueuse bien cicatrisée pourrait améliorer l’issue à long terme.

«Avec le temps, la diminution de l’inflammation fait consensus, et je crois que cela devient notre objectif clinique», fait remarquer le Dr William J. Sandborn, professeur titulaire de médecine, Mayo Clinic College of Medicine, Rochester, Minnesota. Il prévient toutefois que la sévérité des manifestations cliniques de la maladie et les paramètres endoscopiques ne sont pas nécessairement corrélés, ce qui plaide également en faveur de l’observance du traitement même en l’absence de symptômes cliniques.

Résumé

Chez de nombreux patients souffrant de CU légère à modérée, la clé d’une rémission plus longue n’est peut-être pas un traitement plus puissant, mais bien une meilleure observance des traitements existants. Les données à l’appui du rôle critique de l’inobservance dans les rechutes, surtout chez les patients dont la maladie est quiescente, confirment la nécessité de traitements plus simples et mieux tolérés. Pour autant qu’ils s’accompagnent d’une bonne éducation du patient qui favorisera sa motivation, les schémas à une prise par jour pourraient contribuer étroitement à favoriser l’observance et, par conséquent, à améliorer les résultats.

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