Comptes rendus

Traitement des maladies inflammatoires de l’intestin : problèmes concrets, solutions pratiques
Augmenter la dose ou changer de traitement? Gestion de la perte de réponse dans les maladies inflammatoires de l’intestin

Optimisation du traitement antipsychotique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 49e Assemblée annuelle de l’American College of Neuropsychopharmacology (ACNP)

Miami, Floride / 5-9 décembre 2010

En général, dans le traitement de la schizophrénie, on préfère maintenant les antipsychotiques de deuxième génération (atypiques) aux neuroleptiques classiques. Nombre d’agents atypiques, apparemment plus polyvalents et mieux tolérés que les agents de première génération, sont aussi approuvés pour le traitement du trouble bipolaire. Si tous les antipsychotiques, tant typiques qu’atypiques, agissent sur le récepteur dopaminergique D<sub>2</sub> (RDD2), l’efficacité clinique des agents atypiques, comparativement à celle des agents typiques, semble découler d’une activité plus complexe au niveau des récepteurs des neurotransmetteurs et notamment d’une activité généralement plus marquée au niveau du récepteur sérotoninergique de type 2 (5-HT<sub>2</sub>). De plus en plus, on se tourne vers l’activité au niveau des récepteurs pour prévoir l’activité clinique et même pour déterminer la posologie.

Individualisation de la posologie

Le meilleur exemple récent provient d’une série d’études sur la ziprasidone, antipsychotique atypique homologué pour le traitement de la schizophrénie et du trouble bipolaire qui est connu pour son faible risque relatif de gain pondéral. On ne sait pas avec certitude si le profil bénéfice:risque favorable de cet antipsychotique découle de son activité au niveau des récepteurs de certains neurotransmetteurs bien précis, mais il est clair qu’il exerce une activité robuste au niveau du RDD2 à l’instar d’autres agents typiques et atypiques. De nouvelles études dans lesquelles cette activité a été mesurée pourraient nous être utiles pour définir la posologie optimale de cet agent.

«Nous nous sommes intéressés à l’occupation des récepteurs cérébraux sur une période de 24 heures plutôt qu’aux taux plasmatiques, car nous savons que la demi-vie est relativement courte», affirme le Dr Steven Potkin, directeur de la recherche clinique, de la psychiatrie et du comportement humain, University of California, Irvine School of Medicine, qui présentait les résultats de l’étude. «De nombreux cliniciens prescrivent la ziprasidone une fois par jour, mais on ignore si ce schéma posologique est efficace puisqu’il n’a pas été étudié formellement. Nous nous demandions si l’occupation des récepteurs allait étayer cette pratique.»

Lors de cette étude, 13 patients atteints de schizophrénie ont été randomisés de façon à recevoir de la ziprasidone en monothérapie à raison de 60 mg 2 fois/jour, de 80 mg 2 fois/jour, ou de 120 mg 2 fois/jour. Tous les patients ont été traités durant au moins 2 semaines. L’activité au niveau des récepteurs a été évaluée à l’aide de la tomographie par émission de positons (TEP); plus précisément, les chercheurs ont étudié la distribution cérébrale d’un marqueur, le 18F-fallypride, avec une caméra haute résolution 5, 12 et 24 heures après la dernière dose afin de générer une courbe de l’activité en fonction du temps sur 24 heures. Leur objectif étant de déterminer le taux d’occupation des récepteurs, les chercheurs ont eu recours à deux modèles de référence pour estimer le rapport des distributions volumiques à partir de l’analyse graphique des données de TEP.

Selon la méthode d’analyse de Logan, le taux d’occupation des RDD2 a atteint 83 % à 5 heures, 80 % à 12 heures et 71 % à 24 heures dans le noyau caudé, et 81 %, 78 % et 69 % dans le putamen, respectivement. Les résultats étaient similaires dans le thalamus et l’amygdale. Par contre, les taux d’occupation dans le noyau accumbens étaient légèrement plus faibles que dans les autres zones (74 %, 70 % et 59 %). Les chercheurs ont obtenu des résultats semblables avec la méthode multilinéaire.

«Au moment où l’on croyait les taux sanguins de ziprasidone voisins de zéro, le taux d’occupation des récepteurs cérébraux était encore substantiel, ce qui étaye le concept d’une seule prise par jour», affirme le Dr Potkin, qui souligne au passage l’absence de lien entre le taux d’occupation des récepteurs et la dose. «En termes de taux d’occupation, il n’y avait vraiment aucune différence entre la dose de 120 mg/jour et celle de 240 mg/jour, dit-il. L’analyse a en effet montré que certains patients avaient le même taux d’occupation des RDD2, qu’ils aient reçu 240 ou 120 mg/jour, ce qui veut dire que la dose doit être individualisée. Certains patients auront besoin de seulement 80 mg/jour au départ, mais d’autres auront besoin de doses encore plus fortes que les doses actuellement recommandées», avance-t-il.

Variabilité des effets indésirables selon la maladie

Si l’on part du principe que l’activité de la ziprasidone au niveau des récepteurs des neurotransmetteurs est le principal déterminant du bénéfice clinique qui lui est associé, la même démarche s’appliquera probablement à d’autres antipsychotiques. De plus, l’étude de l’activité des antipsychotiques dans le système nerveux central (SNC) – par opposition au dosage sérique – sera probablement utile pour la détermination des risques. C’est ce qui ressort d’une étude moins élaborée dans laquelle on a comparé des patients atteints de schizophrénie, de manie bipolaire ou de dépression bipolaire. Même si cette étude ne reposait pas sur la TEP, elle a montré que le tableau d’effets indésirables d’un même agent variait selon la maladie traitée. Même si l’antipsychotique utilisé dans cette étude (ziprasidone) s’est révélé efficace dans les trois troubles psychiatriques, on suppose que la variabilité des effets indésirables tient au moins en partie à son activité spécifique au niveau des récepteurs de certains neurotransmetteurs.

Le risque relatif d’effets indésirables de ces agents, comme les symptômes extrapyramidaux ou le gain pondéral, varie selon la maladie, affirme le Dr Keming Gao, professeur adjoint, Case Western Reserve University School of Medicine, Cleveland, Ohio. Par exemple, «[si] les patients atteints de manie bipolaire sont plus vulnérables aux symptômes extrapyramidaux que les patients atteints de schizophrénie lorsqu’ils reçoivent de l’halopéridol ou un antipsychotique atypique, le risque d’abandon imputable aux effets indésirables et à la somnolence sous quétiapine [vs placebo] était plus élevé chez les patients atteints de dépression bipolaire que chez les patients atteints de schizophrénie ou de manie».

Dans le cadre d’une analyse des profils de risque de la ziprasidone dans différents troubles psychiatriques, des chercheurs ont compilé les données de 9 essais de courte durée menés à double insu avec placebo sur la ziprasidone administrée en monothérapie à des doses variant entre 5 mg et 100 mg 2 fois/jour. Deux essais regroupaient plus de 900 patients atteints de dépression bipolaire, alors que trois réunissaient plus de 500 patients atteints de manie bipolaire et quatre autres, plus de 900 patients atteints de schizophrénie.

Le risque de somnolence était significativement plus élevé sous ziprasidone que sous placebo chez les patients atteints de dépression bipolaire ou de manie bipolaire, mais l’augmentation était significative seulement à la dose maximale (=80 mg) chez les patients atteints de schizophrénie. Sur le plan du risque de gain pondéral =7 % du poids corporel, les chercheurs n’ont noté aucune différence significative dans la dépression bipolaire ou la manie bipolaire par rapport au placebo. Dans la schizophrénie, le risque était modérément plus élevé que sous placebo, mais l’écart n’était pas significatif à la dose maximale (100 mg).

Les analyses d’efficacité de ces essais étayent les indications actuelles de la ziprasidone, à savoir le traitement de la schizophrénie, le traitement à court terme des épisodes maniaques ou mixtes associés au trouble bipolaire de type 1 et le traitement d’entretien du trouble bipolaire de type I avec le lithium ou le valproate. La variabilité des effets indésirables de cet agent atypique selon le trouble psychiatrique traité incite à explorer la traduction clinique de l’activité au niveau des récepteurs des neurotransmetteurs. Peut-être sera-t-il ainsi possible d’individualiser la prise en charge d’après le diagnostic sous-jacent et la réponse individuelle au traitement antipsychotique.

Détermination de la réponse

De nouvelles données ayant permis de dégager cinq trajectoires de réponse au traitement antipsychotique chez des patients atteints de schizophrénie chronique sont venues étayer l’hypothèse de différences quant à l’activité au niveau des récepteurs des neurotransmetteurs. Sous la direction de la Dre Virginia L. Stauffer, Zucker Hillside Hospital, New Hyde Park, New York, l’analyse de six essais cliniques sur l’olanzapine, la ziprasidone, la rispéridone, la quétiapine et l’aripiprazole – qui regroupaient au total 1900 patients – a permis d’isoler ces cinq trajectoires.

L’évaluation par la modélisation de distributions mixtes a révélé que la vaste majorité des patients (90,6 %) étaient de classe 2, laquelle se caractérise par une maladie de sévérité modérée au départ (score total de 90 sur l’échelle PANSS [Positive and Negative Syndrome Scale]), une amélioration moyenne de 20 % à 4 semaines, et peu d’amélioration par la suite. Les patients de classe 1 – chez qui on observait une schizophrénie sévère au départ (score PANSS total=124), mais une réponse dès la 3e semaine (diminution de 51 % du score PANSS total moyen) – ne représentaient que 2,4 % de l’effectif total. Les patients de classe 3 et 4 – qui ont eu une réponse initiale négligeable ou une perte de réponse subséquente – ne représentaient que 3 % de l’effectif total. Enfin, les patients de classe 5 – chez qui on a observé une maladie marquée à sévère au départ (score PANSS total=113), une réponse initiale tardive (amélioration de 11 % sur 8 semaines), mais une amélioration notable (28 %) au cours des 4 semaines restantes – représentaient 4,1 % de l’effectif.

Les cinq classes différaient significativement sur les plans suivants : sexe, âge, race, sévérité initiale de la maladie, types de symptômes, poids, symptômes extrapyramidaux et taux d’abandon (p<0,05 dans tous les cas). De l’avis de la Dre Stauffer et de son équipe, la compréhension de ces schémas de réponse pourrait être cliniquement utile, car ils pourraient aussi être révélateurs de l’activité antipsychotique s’ils correspondaient à des profils d’activité au niveau des récepteurs. Des études visant à évaluer le lien entre l’activité au niveau des récepteurs et la maîtrise des symptômes pourraient être la prochaine étape de l’optimisation de la prise en charge du patient.

Résumé

On soupçonnait depuis longtemps que l’activité des antipsychotiques au niveau des récepteurs des neurotransmetteurs expliquait la majeure partie de leurs bénéfices et quelques-uns de leurs risques. Grâce à des techniques d’imagerie de pointe, on commence à penser qu’il vaudrait mieux déterminer la posologie d’un antipsychotique d’après son activité dans le SNC que d’après ses seuls taux sériques. Les nouveaux antipsychotiques atypiques, surtout ceux qui risquent peu d’entraîner les effets indésirables les plus redoutés, tels les symptômes extrapyramidaux et le gain pondéral, nous donnent l’occasion de réaliser des études qui permettront de cerner leurs modes d’action.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.