Comptes rendus

Le point sur les résultats cliniques des essais sur les vaccins antiméningococciques
Optimisation du traitement antipsychotique

Traitement des maladies inflammatoires de l’intestin : problèmes concrets, solutions pratiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 2010 Advances in Inflammatory Bowel Diseases

Hollywood, Floride / 9-12 décembre 2010

La maladie de Crohn (MC) et la colite ulcéreuse (CU), toutes deux difficiles à traiter et souvent réfractaires, sont source de douleurs et de souffrances. Au cours des dernières décennies, cependant, l’avènement de traitements plus efficaces contre ces maladies inflammatoires de l’intestin (MII) a révolutionné les soins aux patients. En particulier, les agents biologiques qui ciblent le facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFa) ont aidé de nombreux patients à parvenir à une rémission durable alors que d’autres traitements ont échoué à cet égard. Cela dit, comme l’ont précisé les conférenciers, les biothérapies ciblant cette cytokine ne sont pas la panacée, et tant les patients que les médecins doivent avoir des attentes réalistes quant aux bénéfices qui leur sont associés et comprendre comment en optimiser l’utilisation.

Facteurs de risque modifiables

De plus en plus, les chercheurs cliniciens essaient de cerner les facteurs de risque propres au patient qui pourraient influer sur la réponse au traitement, l’objectif ultime étant d’optimiser le traitement chez chaque patient. Par exemple, le Dr Ira Shafran et Mme Patricia Burgunder, ARNP, Shafran Gastroenterology Center, Winter Park, Floride, ont constaté que certains facteurs de risque modifiables propres au patient et certains facteurs de risque propres à la maladie étaient associés à la réponse au traitement par l’infliximab dans la MC. Après avoir analysé leurs 12 années d’expérience avec cet anti-TNF, ils ont conclu que le tabagisme, la présence de fibrosténoses, une atteinte limitée à l’intestin grêle et l’administration dans un centre de perfusions annonçaient une non-réponse initiale à l’infliximab. Ils ont aussi constaté que la perte de réponse durant le traitement d’entretien était plus probable chez les fumeuses dont la maladie touchait à la fois l’intestin grêle et le côlon. C’est donc dire que l’abandon du tabac pourrait aider à prolonger la rémission.

L’IL-17 est prédictive de la rémission dans la CU

D’autres chercheurs essaient de cerner les facteurs prédictifs d’une issue favorable après le traitement d’induction par l’infliximab dans la CU. La Dre Trine Olsen, Laboratoire de gastro-entérologie, Institut de médecine clinique, Université de Tromsø, Norvège, et ses collaborateurs ont évalué 62 patients atteints de CU modérée ou sévère qui avaient reçu 5 mg/kg d’infliximab au départ, puis à 2 et 6 semaines. Les chercheurs se sont penchés sur les scores UCDAI (UC Disease Activity Index), y compris les sous-scores endoscopiques, tant avant qu’après le traitement.

Le modèle d’analyse multivariée de régression logistique leur a permis de conclure que ni l’âge, ni le sexe, ni les taux de facteur de croissance transformant-bêta (TGF-a) ou d’interleukine (IL)-6 ou d’IL-23 n’étaient prédictifs de la cicatrisation de la muqueuse ou de la rémission clinique. Par contre, ils ont objectivé un lien indépendant entre le taux d’IL-17 avant le traitement et la rémission clinique, le risque relatif approché (OR) atteignant 2,5 (p=0,01).

«Nous avons évalué divers gènes candidats et constaté que le taux d’ARNm de l’IL-17 dans la muqueuse colorectale avant le traitement était le seul facteur indépendant prédictif de la rémission (OR 2,45; p<0,01)», écrivent les auteurs dans leur communication par affiche.

Cicatrisation de la muqueuse

Des chercheurs du Canada ont rapporté que l’infliximab avait favorisé la cicatrisation de la muqueuse chez des patients atteints de CU aiguë et que la cicatrisation avait suivi une progression proximo-distale distinctive.

La Dre Cynthia H. Seow, professeure adjointe, Département de médecine et des sciences de la santé communautaire, University of Calgary, Alberta, et ses collaborateurs de Calgary et de Toronto (University of Toronto Mount Sinai Hospital), en Ontario, ont étudié 105 patients atteints de CU aiguë dont le score Mayo d’activité de la maladie était de 26 au départ. Les patients ont reçu un traitement d’induction par l’infliximab en trois doses, et les répondeurs ont continué d’être perfusés dans le cadre d’un traitement d’entretien. Les patients ont subi une coloscopie au départ, puis une seconde après 6 semaines de traitement ou avant une colectomie. Les auteurs ont calculé le sous-score endoscopique Mayo au niveau du rectum, du sigmoïde, du côlon descendant, du colon transverse, du côlon ascendant et du cæcum. Deux médecins indépendants ont passé les clichés en revue et attribué un score Mayo à l’endoscopie. Une amélioration du score endoscopique se définissait par la réduction d’au moins 1 point par rapport au score initial. La muqueuse était considérée comme normale lorsque toutes les lésions avaient disparu.

À l’endoscopie, les chercheurs ont constaté une amélioration chez 49 % des patients et une cicatrisation complète de la muqueuse chez 13 % des patients. Chez les autres (38 %), la muqueuse semblait inchangée. Parmi ces derniers patients, 65 % ont subi une colectomie, vs 28 % de ceux qui avaient bénéficié d’une amélioration ou d’une cicatrisation complète. Parmi les répondeurs, l’amélioration suivait une progression proximo-distale chez 63 % des patients, alors que l’amélioration était comparable dans tous les segments chez 37 % des patients.

Ces résultats donnent tout lieu de croire que «l’évaluation endoscopique reposant sur la sigmoïdoscopie flexible pourrait ne pas donner une bonne idée de l’effet du traitement par l’infliximab sur la cicatrisation de la muqueuse. L’ajout d’un traitement topique pourrait être associé à un bénéfice clinique dans les cas où le traitement par l’infliximab serait autrement considéré comme un échec», soulignent-ils.

Maladie de Behçet avec atteinte intestinale

La maladie de Behçet avec atteinte intestinale – qui se caractérise par une inflammation et des ulcérations de l’intestin ainsi que par des symptômes digestifs souvent sévères – se traite souvent à l’aide de corticostéroïdes. Cependant, comme l’ont rapporté des chercheurs du Japon dans une communication par affiche, l’infliximab s’est révélé efficace chez plus de 80 % des non-répondeurs à la corticothérapie.

Le Dr Hiroshi Fujita, École de médecine et de dentisterie de l’Université de Kagoshima, et ses collaborateurs ont fait part des résultats de leur étude chez 23 patients souffrant de la maladie de Behçet avec atteinte intestinale : «Bien que [la corticothérapie] soit largement utilisée dans la maladie de Behçet avec atteinte intestinale, elle s’est révélée efficace chez seulement la moitié des sujets de l’étude. En revanche, l’infliximab a été efficace chez 83 % des non-répondeurs à la corticothérapie. L’infliximab est une option qui permettrait une amélioration rapide et le maintien de la rémission dans la maladie de Behçet avec atteinte intestinale réfractaire. Nous devrons accumuler des données sur un effectif de plus grande taille afin de valider l’efficacité du traitement par l’infliximab.»

Un taux élevé de TNF annonce une récidive

Les mêmes chercheurs ont mesuré le taux de TNFa dans la muqueuse chez 39 patients atteints de MC afin de déterminer s’il était prédictif d’une rémission durable après l’arrêt du traitement. Ils ont constaté que 21 patients étaient parvenus à la rémission, 14 après l’induction et 7 après 16 à 32 semaines de traitement. Au sein de ce sous-groupe de 21 patients, 14 récidives sont survenues. Parmi les patients dont le taux de TNFa était <12 000 copies/µg, la récidive est survenue 32 semaines (médiane) après l’arrêt du traitement, alors que chez ceux dont le taux était >12 000 copies/µg, elle est survenue en 12 semaines (médiane). Il semble donc qu’un taux anormalement élevé de cette cytokine «puisse influer sur l’intervalle précédant la récidive et servir de critère d’évaluation du moment où le traitement par l’adalimumab devrait prendre fin», font-ils valoir.

La persévérance rapporte

L’objectif ultime du traitement, c’est d’infléchir le cours naturel des MII, affirme le Dr Stephen B. Hanauer, professeur de médecine et de pharmacologie clinique, titulaire de la chaire Joseph B. Kirsner et chef de la Division de gastroentérologie et de nutrition, University of Chicago Medical Center, Illinois. Au soulagement des symptômes et à la rémission prolongée s’ajoute alors la prévention ou la réparation de l’atteinte structurale.

Le traitement d’entretien est une mesure à envisager pour atteindre cet objectif ultime, précisent Chureen Carter, PharmD, Horsham, Pennsylvanie, et ses collaborateurs, qui ont analysé rétrospectivement les demandes de remboursement de 448 patients ayant reçu un traitement d’entretien continu par l’infliximab pendant au moins 1 an. La poursuite du traitement anti-TNF a influé sur les hospitalisations pour cause de MC, la durée du séjour à l’hôpital et le coût de l’hospitalisation.

En tout, 344 patients (76,8 %) ont poursuivi leur traitement par l’infliximab (ratio de possession de médicaments de 80 % ou plus), contrairement aux 104 autres (23,2 %). Les auteurs ont constaté que les patients persévérants avaient été significativement moins nombreux à être hospitalisés pour cause de MC : 9,0 % vs 16,3 % des patients non persévérants (p=0,034). En outre, parmi les patients hospitalisés, les coûts moyen et médian de l’hospitalisation étaient significativement moins élevés chez les persévérants (13 704 et 9938 $US) que chez les non-persévérants (40 822 et 28 864 $US) (p=0,002). Enfin, les durées moyenne et médiane du séjour à l’hôpital étaient significativement plus brèves chez les patients persévérants : 5,48 et 5,0 jours, vs 13,12 et 8,0 jours (p=0,010).

«La poursuite du traitement d’entretien par l’infliximab pendant 12 mois a été associée à un taux plus faible d’hospitalisation pour cause de MC. Chez les patients hospitalisés, la persévérance a été associée à une diminution du coût d’hospitalisation pour cause de MC et de la durée du séjour. Les cliniciens doivent surveiller leurs patients atteints de MC afin que le traitement par l’infliximab soit conforme au schème de référence», soulignent les auteurs.

Résumé

Les MII demeurent incurables, mais les énormes progrès réalisés au cours des dernières décennies permettent aujourd’hui aux chercheurs et aux cliniciens de mieux maîtriser ces maladies chroniques souvent débilitantes. La recherche en cours et future vise non seulement à maîtriser la maladie, mais aussi à infléchir son évolution naturelle.

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