Comptes rendus

Étude SONIC : données probantes à l’appui d’une nouvelle démarche dans le traitement de la maladie de Crohn
Prise en charge de la fibrillation auriculaire : les nouveaux traitements

Plaidoyer en faveur du recours précoce au traitement d’association dans la polyarthrite rhumatoïde : revue des données sur l’inhibition du TNFa

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

ABSTRACTS in PERSPECTIVE fondée sur des communications présentées à la 72e Assemblée annuelle de

San Francisco, Californie / 24-29 octobre 2008

COMMENTAIRE ÉDITORIAL PAR :

Michael R. Starr, MD, FRCPC

Division de rhumatologie, Hôpital général de Montréal, Professeur adjoint de médecine, Université McGill, Montréal (Québec)

La polyarthrite rhumatoïde (PR) afflige plus de deux millions d’adultes aux États-Unis, ce qui se traduit par des taux élevés de morbidité et d’incapacité malgré les progrès récents dans le diagnostic et le traitement. Environ 40 % des patients atteints de PR qui ont un emploi cessent de travailler dans les cinq ans suivant le diagnostic.

Bien que la PR soit incurable, un diagnostic précoce et un traitement énergique peuvent améliorer le pronostic chez un grand nombre de patients. Le Dr Vappu Rantalaiho, Hôpital universitaire de Tampere, Finlande, a fait état des derniers résultats sur la stratégie de traitement initiale FIN-RACo (Finnish Rheumatoid Arthritis Combination Therapy), reposant sur l’association de trois agents de rémission plus de la prednisolone. L’analyse à 11 ans révèle que le traitement intensif initial a freiné la progression radiologique d’une façon significativement plus marquée (p=0,039) que le traitement initial par un seul agent de rémission. En outre, le groupe FIN-RACo comptait à 11 ans trois fois plus de patients exempts d’érosions que le groupe monothérapie.

Au fil des études biologiques et cliniques réalisées depuis dix ans, il est apparu que le facteur de nécrose tumorale (TNF) joue un rôle majeur dans la pathogenèse de la PR. Ces découvertes ont conduit à la mise au point d’une série d’agents biologiques ciblant le TNF inaugurée par l’infliximab. De nombreuses évaluations cliniques montrent que les inhibiteurs du TNF, ou anti-TNF, utilisés dans la PR sont efficaces pour soulager la douleur, ralentir le processus morbide et améliorer la qualité de vie. Bien que non exempts d’effets indésirables, les anti-TNF sont généralement sûrs et bien tolérés.

Inhibition du TNF dans la PR débutante

La méthode de traitement classique de la PR débutante repose sur la monothérapie suivie d’une intensification graduelle du traitement. Or, de très nombreuses données montrent qu’il est avantageux de recourir d’emblée à un schéma associant le méthotrexate à un anti-TNFa plutôt qu’à la monothérapie avec intensification progressive. L’étude française GUEPARD a attesté les avantages du traitement d’association comportant un anti-TNFa. Après randomisation, des patients atteints d’une PR récente ont reçu initialement du méthotrexate seul ou avec de l’adalimumab. Le traitement visait à atteindre un faible niveau d’activité morbide, défini par un score DAS (Disease Activity Scale) 28 VS (vitesse de sédimentation) <3,2. Si ce critère était maintenu pendant trois mois, l’anti-TNFa était retiré. Le traitement d’association a fait preuve d’un début d’action plus rapide, ce qui s’est traduit par une différence significative quant au pourcentage de patients ayant atteint un faible niveau d’activité (p=0,001) et à l’aire sous la courbe de l’activité de la maladie (p<0,0001) à 12 semaines. Les deux stratégies ont cependant donné lieu à des taux similaires d’obtention d’un faible niveau d’activité à 52 semaines.

La Dre Désirée van der Heijde, Centre médical de l’Université de Leyde, Pays-Bas, a présenté les résultats à cinq ans d’une autre étude menée chez des patients atteints d’une PR débutante traitée d’emblée par une association méthotrexate/anti-TNF. Les patients ont reçu du méthotrexate ou de l’adalimumab en monothérapie ou en association durant les deux ans de la phase randomisée de l’étude, puis de l’adalimumab en mode ouvert pendant trois autres années. À cinq ans, la moitié des patients traités d’emblée par l’association ne présentaient pas de progression radiologique, comparativement au tiers des patients sous monothérapie durant les deux premières années. En outre, la proportion de patients sans progression radiologique, en rémission clinique et sans déficit fonctionnel s’élevait à 35 % dans le groupe bithérapie vs 13 à 14 % dans les groupes monothérapie.

Les différences observées entre les évaluations de la maladie que font cliniciens et patients ont donné lieu à des débats sur la pertinence d’accorder une plus grande place à la perception du patient. Le point de vue du patient était justement au centre d’un compte rendu des résultats d’une étude comparative randomisée sur le méthotrexate utilisé avec ou sans étanercept en traitement initial de la PR active débutante. Après 52 semaines de suivi, la bithérapie initiale était associée à des résultats significativement meilleurs aux chapitres de l’évaluation de l’état de santé (p<0,05 à p<0,001), de l’état de santé perçu par le patient (p<0,01 à p<0,001) ainsi que de la fatigue perçue par le patient (p<0,05 à p<0,001). Les huit sous-scores du questionnaire SF-36 favorisaient aussi le traitement d’association, la différence étant significative pour les sous-scores fonctionnement physique (p<0,001), vitalité (p=0,02), douleur physique (p<0,001) et rôle émotionnel (p=0,02). Présentées par le Dr Patrick Durez, Université catholique de Louvain, Belgique, ces données font également ressortir que, même aux stades les plus précoces, la PR est responsable de déficiences fonctionnelles physiques et mentales considérables. Un compte rendu antérieur de cette étude révélait que presque deux fois plus de patients sous traitement d’association avaient obtenu une rémission, définie par un score DAS 28 <2,6.

Traitement réglé sur le score DAS et rémission sans traitement

Outre qu’il permet une maîtrise rapide de la maladie, le traitement intensif de la PR débutante par un protocole axé sur un anti-TNF optimise les chances de rémission, selon un suivi récent de l’étude BeST (Behandel Strategieën). La Dre Naomi Klarenbeek, Centre médical de l’Université de Leyde, a fait état des données à cinq ans sur la stratégie de traitement guidée par le score DAS en vue d’une maîtrise rigoureuse de la maladie. Les résultats à deux ans avaient démontré la supériorité du traitement d’association initial par rapport aux démarches standard, et les résultats à cinq ans attestent la persistance de ces bénéfices. Comme l’indique la Dre Klarenbeek, un patient sur cinq traités par le méthotrexate/infliximab a atteint le critère de rémission sans traitement (score DAS <1,6), soit le taux le plus élevé des quatre groupes de traitement. Le traitement initial par le méthotrexate/infliximab a également mieux préservé la capacité fonctionnelle, mesurée par le score HAQ (Health Assessment Questionnaire) — avantage qui était significatif (p=0,01 à p<0,001 vs tous les autres groupes). Enfin, de tous les schémas de traitement, c’est également ce dernier qui a le mieux prévenu la progression radiologique.

Les patients de l’étude BeSt avaient été traités selon une stratégie guidée par le score DAS qui visait une maîtrise serrée et durable de la maladie, c’est-à-dire l’atteinte et le maintien d’un score DAS =2,4. Dans l’étude sur la comparaison de deux stratégies de traitement de la PR débutante décrite par la Dre Diane van der Woude, Centre médical de l’Université de Leyde, l’objectif du traitement était la rémission sans traitement, définie par un score DAS <1,6 maintenu pendant au moins un an après la cessation de tous les agents de rémission traditionnels. Les investigateurs ont comparé les résultats observés dans la cohorte BeSt avec les données provenant des dossiers de patients traités de façon classique dans une clinique de PR débutante. Les deux stratégies ont conduit à des taux similaires de rémission sans traitement durable. Toutefois, la stratégie guidée par le score DAS a triplé les chances de rémission soutenue sans médicament chez les patients exposés à un risque élevé de progression (défini par la présence d’anticorps anti-CCP2). Cette stratégie est donc plus susceptible de mener à une rémission soutenue sans médicament que la stratégie standard en présence de caractéristiques pronostiques défavorables.

Il est essentiel de repérer les patients menacés d’une progression rapide pour instaurer le traitement approprié. Le Dr Nathan Vastesaeger, Leyde, Pays-Bas, a utilisé les données d’une étude sur la PR débutante pour élaborer un modèle matriciel d’évaluation du risque permettant de prévoir la progression rapide. Les trois facteurs prédictifs initiaux les plus puissants étaient le nombre d’articulations tuméfiées, le taux de protéine C-réactive et la présence du facteur rhumatoïde. Appliquant sa matrice aux données d’une étude portant sur des patients atteints d’une PR réfractaire au méthotrexate, le Dr Vastesaeger a calculé que, chez les patients de la catégorie de risque la plus élevée pour ces trois marqueurs, il faudrait traiter seulement trois sujets par l’association méthotrexate/infliximab pour éviter un cas de progression rapide sous méthotrexate seul.

Persistance de l’observance et échec du traitement

Les essais randomisés sur les anti-TNF ont surtout été effectués chez des patients n’ayant jamais reçu d’agent biologique. Dans la pratique clinique, il n’est pas rare de passer d’un anti-TNF à l’autre. Le Dr Jeffrey Greenberg, New York University, et ses collègues ont comparé les taux de réponse au traitement par un anti-TNF chez des patients ayant déjà été traités par des agents biologiques (passage à un autre agent à une ou deux reprises) et chez des patients jamais traités par ces agents. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les sujets sans antécédents de biothérapie qui ont obtenu le meilleur taux de réponse. Les patients n’ayant jamais reçu d’anti-TNF étaient en outre significativement moins susceptibles d’abandonner le traitement. L’étude a mis au jour des différences entre les divers anti-TNF au chapitre de la persistance de l’observance thérapeutique. Chez les patients n’ayant jamais reçu d’agent biologique, l’infliximab était associé à un taux d’abandon du traitement significativement moins élevé que l’adalimumab ou l’étanercept (taux de risque [HR] : 0,74; IC à 95 % : 0,61-0,89).

Efficience du traitement par les anti-TNF

Les données de l’étude BeSt ont servi de base à une analyse coût-efficacité présentée par le Dr Michael Ganz, Lexington, Massachusetts. L’analyse avait pour objet de comparer l’efficience du traitement initial par l’association méthotrexate/infliximab à celle des monothérapies séquentielles par des agents de rémission traditionnels. Le coût cumulatif du schéma association initiale était plus élevé, en grande partie à cause du coût plus élevé durant la première année de traitement. Sur une période de cinq ans, les patients traités initialement par le méthotrexate/ infliximab ont bénéficié d’une amélioration plus marquée de l’indicateur QALY (années de vie sans invalidité). La première année, le coût par QALY associé à ce schéma était considérablement plus élevé. Toutefois, ce coût a beaucoup baissé la deuxième année; puis, de la troisième à la cinquième année, il était similaire pour les deux stratégies et équivalait à environ la moitié de la norme d’efficience de 30 000 £ utilisée au Royaume-Uni. Selon le Dr Ganz et ses collègues, le bénéfice supérieur apporté par le traitement d’association compense le coût initial plus élevé.

Arsenal thérapeutique grandissant

Chez de nombreux patients, la PR demeure active malgré la prise de méthotrexate. Le Dr Edward Keystone, University of Toronto, Ontario, a fait état des données d’un essai clinique randomisé sur le traitement d’appoint par le golimumab, dernier-né des anti-TNF. Des patients dont la maladie n’était pas adéquatement maîtrisée par le méthotrexate ont été randomisés en vue de recevoir l’un des trois schémas suivants : méthotrexate plus placebo; golimumab à 100 mg plus placebo; ou golimumab à 50 ou 100 mg plus méthotrexate. En 24 semaines, le traitement associant l’anti-TNF au méthotrexate a atténué les signes et les symptômes de la PR et amélioré la capacité fonctionnelle physique de façon significativement plus marquée que le schéma méthotrexate plus placebo. Le schéma golimumab plus placebo s’est révélé supérieur au schéma méthotrexate plus placebo, mais l’écart n’était pas significatif.

Résumé

La pertinence du traitement rapide de la PR est indiscutable. Bien que le diagnostic précoce reste à améliorer, toutes les études confirment que le traitement précoce par une association d’agents comprenant un anti-TNFa ralentit la progression radiologique et procure un bénéfice significativement plus marqué que les autres stratégies sur les plans du fonctionnement physique, de la fatigue et de l’état de santé général. L’étude BeSt a démontré que l’obtention d’une rémission sans traitement est réalisable, ajoutant encore ainsi à l’intérêt du traitement d’association axé sur un anti-TNFa.

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