Comptes rendus

Le vaccin contre le VPH dans le contexte de la santé mondiale
Plaidoyer en faveur du recours précoce au traitement d’association dans la polyarthrite rhumatoïde : revue des données sur l’inhibition du TNFa

Étude SONIC : données probantes à l’appui d’une nouvelle démarche dans le traitement de la maladie de Crohn

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Semaine européenne de gastro-entérologie (UEGW)

Vienne, Autriche / 19-22 octobre 2008

Des essais cliniques antérieurs avaient déjà établi que les agents biologiques, comme l’infliximab, sont appropriés pour le traitement de la maladie de Crohn en cas d’échec des immunomodulateurs tels que l’azathioprine. Toutefois, jusqu’à présent, on n’avait pas déterminé si le passage plus précoce à un agent biologique pouvait améliorer l’issue. C’est pour répondre à cette question précise que l’on a mis sur pied l’étude SONIC (Study Of patients with crohn’s disease Naive to Immunomodulators and biologiC therapy), au cours de laquelle des patients présentant une corticodépendance ou ne répondant pas à la corticothérapie ont été randomisés en vue de recevoir un immunomodulateur, l’infliximab ou l’association de ces deux traitements. Pour être admissibles à l’étude, les patients ne devaient jamais avoir reçu d’immunomodulateur non stéroïdien. De plus, ils devaient satisfaire à au moins un des quatre critères suivants : échec du 5-ASA (défini par une réponse insuffisante à une dose d’au moins 2,4 g/jour administrée pendant au moins quatre semaines), échec du budésonide (défini par une réponse insuffisante à une dose d’au moins 6 mg/jour administrée pendant au moins quatre semaines), antécédents d’au moins deux cycles de corticothérapie au cours de la dernière année ou corticodépendance.

L’étude a confirmé qu’il est plus efficace de passer directement à l’infliximab que d’essayer d’abord l’azathioprine (immunomodulateur). Cette nouvelle étude fournit une partie des données probantes recherchées pour la prise de décisions thérapeutiques factuelles.

«L’étude apporte des données susceptibles de remettre en question la démarche thérapeutique actuelle. Les résultats démontrent que le recours plus précoce à l’infliximab dans l’algorithme de traitement augmente la proportion de patients qui obtiennent une rémission sans corticothérapie de même que la proportion de patients qui obtiennent une cicatrisation complète de la muqueuse», signale l’investigateur principal de l’étude, le Dr Jean-Frédéric Colombel, professeur titulaire d’hépato-gastro-entérologie, Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille, France.

Lors de l’étude SONIC, les patients atteints d’une forme modérée ou sévère de la maladie de Crohn ont été randomisés dans trois groupes : infliximab (inhibiteur du facteur de nécrose tumorale alpha) plus placebo, azathioprine plus placebo, ou infliximab plus azathioprine. Après 26 semaines, la proportion de patients ayant obtenu une rémission sans recours aux corticostéroïdes était de 56,8 % dans le groupe bithérapie, de 44,4 % dans le groupe infliximab et de 30,6 % dans le groupe azathioprine. Par rapport à l’azathioprine seule, l’avantage associé à l’infliximab (p=0,009) ou à la bithérapie (p<0,001) était hautement significatif du point de vue statistique (Figure 1).

Figure 1. Étude SONIC : Rémission clinique sans corticothérapie à 26 semaines


Au total, 508 patients ont été répartis également dans les trois groupes de traitement. L’azathioprine a été administrée par voie orale à la dose de 2,5 mg/kg/jour. L’infliximab a été administré en perfusion à la dose de 5 mg/kg les semaines 0, 2 et 6, puis toutes les huit semaines. Les mêmes doses de chaque traitement actif ont été utilisées dans la bithérapie.

Dans cette population comportant une proportion à peu près égale d’hommes et de femmes, l’ancienneté médiane de la maladie était de 2,3 ans, l’âge médian, de 34 ans et le poids médian, de 70 kg. Le score médian selon l’indice d’activité de la maladie de Crohn (CDAI, pour Crohn’s Disease Activity Index) se chiffrait à environ 275 points. Le taux médian de protéine C-réactive était de 1,0 mg/L. Au moment de l’admission, un peu plus de la moitié des patients prenaient du 5-ASA, 28 % prenaient un stéroïde systémique tel que la prednisone et 14 % prenaient du budésonide.

Durant l’étude, la prise concomitante d’un stéroïde était laissée à la discrétion du médecin traitant pour tous les groupes de traitement, mais la dose ne devait pas dépasser 40 mg en équivalent de prednisone. À 14 semaines, les patients qui prenaient un stéroïde devaient obligatoirement commencer à en diminuer la dose au rythme de 5 mg (en équivalent de prednisone) par semaine.

Le paramètre principal de rémission sans corticothérapie était défini par l’obtention d’un score CDAI de moins de 150 points en l’absence de tout traitement par un stéroïde systémique, comme la prednisone, au cours des trois semaines précédentes (en outre, le budésonide, qui était autorisé, ne devait pas avoir été administré à une dose de 6 mg ou plus depuis au moins trois semaines). La cicatrisation de la muqueuse était définie par l’absence complète d’ulcérations de la muqueuse du côlon ou de l’iléon terminal confirmée à l’examen par vidéo-endoscopie.

L’infliximab, en mono ou en bithérapie, a été avantageux sur les plans du paramètre principal, à savoir la rémission sans recours aux corticostéroïdes, et des paramètres secondaires, comme la cicatrisation complète de la muqueuse. Plus précisément, une cicatrisation complète de la muqueuse a été objectivée chez 43,9 % des sujets sous bithérapie, 30,1 % des sujets sous infliximab seul et 16,5 % des sujets sous azathioprine seule, au dire du Dr Paul J. Rutgeerts, professeur titulaire de médecine, Université de Louvain, Belgique. Là encore, il s’agissait d’une différence statistiquement significative (infliximab seul vs azathioprine seule, p=0,023; bithérapie vs azathioprine seule, p<0,001).

L’efficacité supérieure des schémas comportant de l’infliximab n’a pas été obtenue au prix d’une exacerbation des problèmes d’innocuité ou de tolérabilité. En fait, même si le taux global d’effets indésirables était similaire pour les trois traitements, la proportion de sujets ayant subi au moins un effet indésirable grave était plus élevée dans le groupe azathioprine seule (24,2 %) que dans les groupes infliximab seul (16 %) ou bithérapie (14 %). De même, la proportion de patients ayant contracté une infection grave était de 5 % dans le groupe azathioprine, de 2,5 % dans le groupe infliximab et de 3,4 % dans le groupe bithérapie. Comme le précise le Dr Colombel, on a relevé un cas de tuberculose dans le groupe bithérapie et deux cas de cancer du côlon dans le groupe azathioprine. Le seul décès enregistré est survenu après une colectomie chez un patient du groupe azathioprine seule.

«On n’a observé aucune tendance à la hausse du risque d’infection grave dans le groupe sous agent biologique. Au contraire, c’est dans le groupe azathioprine que le taux d’infections était plus élevé», fait observer le Dr Colombel, soulignant que les problèmes d’innocuité ne semblent pas être une variable importante pour différencier ces stratégies.

Implications de l’étude SONIC

Réexaminant les décisions thérapeutiques qui peuvent maintenant être considérées comme factuelles, le Dr Colombel a expliqué que l’on avait précédemment établi que l’administration d’infliximab, seul ou en association avec l’azathioprine, est une stratégie supérieure à l’utilisation d’autres immunomodulateurs plus incisifs, tel le méthotrexate, chez les patients dont la maladie n’est plus suffisamment maîtrisée par l’azathioprine seule. Chez de tels patients que l’on a fait passer à une association infliximab et azathioprine, le Dr Colombel recommande de retirer l’azathioprine du schéma de traitement après six mois.

À présent, nous possédons également des données comparatives qui plaident en faveur de l’utilisation de l’infliximab chez les sujets ne répondant plus suffisamment à la corticothérapie mais n’ayant pas reçu au préalable d’azathioprine à titre de stratégie d’intensification du traitement. Pour ces patients, les résultats de l’étude SONIC démontrent que l’infliximab, seul ou associé à l’azathioprine, fait mieux que l’azathioprine en monothérapie au chapitre des principaux paramètres d’évaluation que sont la rémission sans corticothérapie et la cicatrisation complète de la muqueuse. Étant donné que l’association infliximab et azathioprine s’est montrée légèrement plus active que l’infliximab en monothérapie, le Dr Colombel indique qu’il aurait tendance à favoriser l’association en présence d’un score CDAI élevé ou d’autres facteurs de risque dénotant le besoin d’un traitement plus énergique. Sinon, il s’en tiendrait à une monothérapie par l’infliximab.

«L’algorithme de traitement que nous avions précisait quoi faire chez les patients ayant reçu l’azathioprine sans succès. Les résultats de l’étude SONIC sur l’infliximab nous indiquent maintenant quelle stratégie envisager chez les patients qui n’ont pas encore reçu d’azathioprine mais que la corticothérapie n’aide plus suffisamment», fait valoir le Dr Colombel, qui a présenté un algorithme de traitement intégrant la nouvelle stratégie de traitement (Figure 2).

Obtention d’une cicatrisation de la muqueuse et d’une rémission sans corticothérapie

Comme dans beaucoup d’études récentes sur les maladies inflammatoires de l’intestin (MII), la cicatrisation complète de la muqueuse faisait partie des paramètres d’évaluation de l’essai SONIC en raison de son importance pronostique. Citant des études menées tant sur la maladie de Crohn que sur la colite ulcéreuse qui ont montré une association entre la cicatrisation complète de la muqueuse et une réduction du taux de résections — l’une des complications les plus redoutées des MII — le Dr Remo Panaccione, directeur, Inflammatory Bowel Disease Clinic, University of Calgary, Alberta, confirme la pertinence des deux objectifs – la rémission sans corticothérapie et la cicatrisation complète de la muqueuse – fondée sur leur valeur prédictive d’un meilleur pronostic à long terme.

«Selon moi, le recours précoce à des traitements permettant une cicatrisation complète de la muqueuse va modifier le cours évolutif naturel des MII», avance le Dr Panaccione, citant plusieurs études à l’appui de ce raisonnement. À son avis, l’utilisation chronique de stéroïdes pour conserver la maîtrise des MII «n’est dorénavant plus acceptable» et le temps est venu de «viser au-delà de la simple rémission symptomatique». Qui plus est, ajoute-t-il, l’occasion d’infléchir le cours évolutif naturel de la maladie au moyen d’agents biologiques pourrait disparaître aux stades avancés de l’affection.

«Tout porte à croire qu’il existe une fenêtre à l’intérieur de laquelle l’action des agents biologiques est optimale, dit-il. Je pense qu’il est temps de changer notre conception du traitement.»

Le Dr Rutgeerts réaffirme que «la cicatrisation complète de la muqueuse est la nouvelle cible thérapeutique» puisque ce résultat s’avère prédictif d’une maîtrise à long terme de la maladie. Bien que les patients soient avant tout préoccupés de la rémission de leurs symptômes, ce dernier maintient qu’on peut réduire les risques les plus importants découlant de la progression de la maladie, y compris la colectomie, en instaurant précocement un traitement énergique en vue de la maîtriser.

Le rôle des biothérapies est presque en constante évolution depuis leur introduction il y a plus de dix ans. Esquissant leur trajectoire, le Dr Walter Reinisch, directeur, groupe d’étude autrichien sur les MII, faculté de médecine, Université de Vienne, rappelle que le protocole initial de ces traitements consistait à administrer épisodiquement une dose unique chez les patients hautement réfractaires. À présent, on recommande d’administrer l’infliximab en traitement d’induction à zéro, deux et six semaines, puis toutes les huit semaines afin de maintenir la réponse jusqu’à l’obtention de la cicatrisation complète de la muqueuse, et d’envisager d’intervenir aux stades plus précoces, le taux de réponse étant alors plus élevé.

«La suppression des symptômes ne suffit pas. Les données de nombreux essais démontrent que l’obtention d’une cicatrisation complète de la muqueuse accroît les chances d’une rémission durable. Nous devons reconsidérer les cas où ces agents devraient être utilisés en élaborant un algorithme de traitement fondé sur les données probantes», souligne le Dr Reinisch.

Résumé

L’étude SONIC sur l’infliximab a permis d’étayer sur des données probantes une section de l’algorithme de traitement de la maladie de Crohn. Selon ces données, l’infliximab, en monothérapie ou en association avec l’azathioprine, améliore le pronostic de façon plus marquée que l’azathioprine seule après l’échec de la corticothérapie. En passant directement à un traitement axé sur l’infliximab, les patients atteints de la maladie de Crohn qui ne répondent plus aux stéroïdes ont plus de chances d’obtenir une rémission sans corticothérapie et une cicatrisation complète de la muqueuse. Cette étude comble un important manque de données et modifiera sans doute la démarche thérapeutique standard dans la maladie de Crohn.

Figure 2. Algor
la maladie de Crohn

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