Comptes rendus

Plaidoyer en faveur du recours précoce au traitement d’association dans la polyarthrite rhumatoïde : revue des données sur l’inhibition du TNFa
L’inhibition de l’IL-6 dans la polyarthrite rhumatoïde : une analyse des données récentes

Prise en charge de la fibrillation auriculaire : les nouveaux traitements

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - 81es Séances scientifiques de l’American Heart Association (AHA)

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 9-12 novembre 2008

Revu et corrigé par :

Paul Dorian, MD

Professeur titulaire de médecine, Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario

La morbidité et la mortalité associées à la fibrillation auriculaire (FA) sont appréciables et coûteuses. La FA multiplie par deux le risque de mortalité d’origine cardiaque, affirme le Dr Kenneth Ellenbogen, professeur titulaire de cardiologie et directeur du service d’électrophysiologie cardiaque, Virginia Commonwealth University Health System, Richmond. Même après prise en compte des accidents vasculaires cérébraux (AVC), la FA réduit les chances de survie dans de nombreuses populations. Qui plus est, une FA risque d’apparaître chez la moitié des patients atteints d’insuffisance cardiaque (IC) systolique ou diastolique. Dans une étude citée par le Dr Ellenbogen, les sujets en FA avec fraction d’éjection (FÉ) réduite étaient exposés à un risque à trois ans de 40 % de décès ou d’hospitalisation causé par un problème cardiovasculaire (CV), ce qui n’est pas rien.

ÉPIDÉMIOLOGIE ET PRISE EN CHARGE DE LA FA

L’équipe de l’étude CHARM (Candesartan in Heart Failure - Assessment of Reduction in Mortality and Morbidity) a également démontré que la présence initiale de FA laissait présager une issue plus défavorable chez des insuffisants cardiaques, que la FÉ ait été conservée ou réduite au départ. La complication la plus redoutée et la plus coûteuse de la FA est la thromboembolie. Il est notoire que la FA constitue une cause importante d’AVC chez les personnes âgées; de fait, elle multiplie par au moins cinq le risque d’AVC. En outre, non seulement l’AVC est-il plus sévère en présence de FA, mais il se solde aussi plus souvent par la mort du patient. Et le risque d’AVC demeure, même si le patient ne se rend pas compte qu’il est en FA. On estime que de 15 à 20 % des AVC sont liés à la FA, ce qui entraîne des coûts approximatifs de 10 à 13 milliards de dollars par année aux États-Unis (en dollars américains de 2008).

La prise en charge de la FA commande l’évaluation du risque d’AVC à l’aide du score CHADS<sub>2</sub>, d’une part, et la prise d’un anticoagulant lorsque ce traitement est indiqué, d’autre part, explique le Dr Ellenbogen. Le score CHADS<sub>2</sub> est établi comme suit : IC (1 point), hypertension (1 point), <u>></u>75 ans (1 point), diabète (1 point), antécédents d’AVC ou d’ischémie cérébrale transitoire (ICT) (2 points). Si le score CHADS<sub>2</sub> témoigne d’un faible risque, on prescrit de l’AAS à titre prophylactique; toutefois, les patients exposés à un risque élevé devront être soumis à une anticoagulation par la warfarine.

On doit individualiser le traitement de la FA dans le respect des lignes directrices en vigueur. Nous savons tous à quel point il est difficile, malheureusement, de restaurer et de maintenir le rythme sinusal (RS) chez un patient en FA; à défaut de contrôler le rythme, on se contente donc souvent de contrôler la fréquence. Lorsque la fréquence cardiaque échappe elle aussi à l’action des médicaments ou que les antiarythmiques provoquent des effets indésirables intolérables, on peut, selon les lignes directrices, envisager une ablation par cathéter. Toutefois, cette solution ne saurait être considérée comme un traitement de première intention, sauf dans de rares cas. Enfin, selon les auteurs des lignes directrices, l’ablation par cathéter peut être indiquée chez certains patients en FA qui souffrent d’IC ou présentent une FÉ réduite et sont aux prises avec des symptômes.

AF-CHF : SOUS-ÉTUDE SUR LE MAINTIEN DU RS

Bien que le maintien du RS constitue un objectif souhaitable du traitement de la FA, les résultats d’une sous-étude présentée par le Dr Mario Talajic, professeur titulaire de médecine, Université de Montréal, et Institut de Cardiologie de Montréal, Québec, indiquent que l’atteinte de cet objectif n’augmente pas les chances de survie chez les insuffisants cardiaques en FA. Dans l’essai AF-CHF (Atrial Fibrillation and Congestive Heart Failure), 1376 insuffisants cardiaques en FA et dont la FÉ moyenne s’établissait à 27 % ont été affectés au hasard à des stratégies soit de contrôle du rythme, soit de contrôle de la fréquence cardiaque. L’analyse principale n’a pas révélé d’écart entre les deux groupes au chapitre des décès d’origine CV, paramètre principal de l’essai AF-CHF : 27 % dans le groupe «contrôle du rythme» vs 25 % dans le groupe «contrôle de la fréquence» après un suivi médian de 37 mois.

Cependant, fait observer le Dr Talajic, 15 % de la cohorte a changé de groupe. Par ailleurs, la FA est réapparue chez de nombreux sujets du groupe «contrôle du rythme», tandis que les sujets du groupe «contrôle de la fréquence» ne sont pas tous demeurés en FA. Les chercheurs ont donc étudié le lien entre RS et survie dans une analyse en traitement reçu portant uniquement sur les patients qui n’ont pas changé de groupe.

Les résultats relatifs au paramètre principal ont été fort semblables dans les deux groupes, ce dernier s’étant concrétisé chez 24,9 % des patients du groupe «contrôle du rythme» et 28,4 % des patients du groupe «contrôle de la fréquence». En ce qui concerne le temps passé en RS pendant l’essai, la médiane se situe à 61 %, et la distribution est bimodale : ainsi, le RS s’est maintenu pendant 81 à 100 % du temps chez de nombreux sujets, mais un nombre considérable de sujets ont également passé très peu de temps en RS.

Par ailleurs, aucune différence significative entre les groupes ne ressort de la comparaison de l’incidence des décès d’origine CV chez les sujets souvent en RS vs les sujets rarement en RS, le paramètre principal s’étant concrétisé chez 25 % des sujets de chaque groupe. Seule constatation positive de l’étude AF-CHF : la warfarine a été associée à une amélioration de la survie.

ÉTUDE ATHENA

Les principaux résultats de l’étude ATHENA ont été dévoilés en mai 2008, lors du congrès de la Heart Rhythm Society. Au congrès annuel de l’American Heart Association, tenu récemment, le Dr Robert Page, University of Washington, Seattle, a présenté les résultats d’autres analyses de cet essai, le plus vaste jamais réalisé chez des patients en FA ou en flutter auriculaire (FLA). Les participants à l’essai ATHENA ont été randomisés comme suit : 2301 patients dans le groupe dronédarone à 400 mg 2 f.p.j. et 2327 dans le groupe placebo. Tous présentaient des antécédents de FA, mais 25 % seulement de la cohorte était en FA au début de l’étude. Les sujets devaient être âgés de <u>></u>75 ans, ou encore avoir <u>></u>70 ans et présenter au moins un des facteurs de risque que voici : hypertension, diabète, antécédents d’AVC ou d’ICT, oreillette gauche >50 mm ou FÉ <40 %. Au départ, 21 % de l’effectif présentait une IC de classe II ou III selon la NYHA et 82 % recevait déjà un agent bradycardisant.

Le suivi a duré 12 mois au minimum et 21 mois en moyenne. À l’égard du paramètre principal (mixte : hospitalisation pour causes CV ou décès toutes causes confondues), on a enregistré une réduction du risque relatif (RRR) de 24 % en faveur de la dronédarone (p<0,001). Les effets indésirables apparus pendant le traitement ont été semblables dans les deux groupes; la créatininémie s’est élevée légèrement dans le groupe dronédarone, non pas en raison d’une variation de la filtration glomérulaire, précise le Dr Page, mais bien d’un problème sécrétoire au niveau des tubules rénaux.

Au terme d’une nouvelle analyse des effets du traitement actif vs ceux du placebo sur le rythme, on a noté une baisse de 25 % de la «FA en tout temps» chez les participants en RS au début de l’essai. Le délai de survenue de la première récidive chez ces mêmes patients a été de 498 jours dans le groupe placebo vs 737 jours dans le groupe dronédarone. Toutes les cardioversions ont été consignées de manière prospective chez les sujets en FA lors de chaque ECG, qui forment le groupe «FA permanente». Dans ce groupe, on a observé une nette diminution de la proportion de patients soumis à une cardioversion, soit 33 % chez les témoins sous placebo contre 27 % chez les patients sous dronédarone (p=0,01). Notons ici que la FA dite «permanente» n’est peut-être pas si permanente qu’on pourrait le croire, souligne le Dr Page. De fait, on a enregistré, pour l’ensemble de l’essai, une incidence de FA permanente de 12,7 % dans le groupe placebo et de 7,7 % dans le groupe dronédarone, ce qui laisse supposer qu’un nombre moins élevé de sujets sont demeurés en FA permanente pendant l’essai dans le groupe sous traitement actif que dans le groupe placebo (p<0,001).

Qu’en est-il de l’effet du traitement actif sur la fréquence cardiaque? La fréquence cardiaque moyenne a atteint 87 bpm dans le groupe placebo par rapport à 78 bpm dans le groupe sous traitement actif; l’écart est donc significatif (p<0,001). Bien que les chiffres soient plutôt timides, on note une diminution des hospitalisations pour causes CV et des décès toutes causes confondues chez les sujets de l’essai ATHENA n’ayant pourtant pas retrouvé ou maintenu un RS et qui, de ce fait, sont demeurés en FA du début à la fin de l’étude. À la lumière de cette nouvelle analyse, avance le Dr Page, il y a lieu de penser que les résultats obtenus dans ATHENA ne sont peut-être pas strictement attribuables au contrôle du rythme cardiaque, mais pourraient découler également d’autres effets du médicament.

Une analyse distincte des taux et des motifs d’hospitalisation au sein de l’effectif d’ATHENA a fait ressortir d’autres propriétés intéressantes de la dronédarone, bloqueur de multiples canaux. Comme nous l’apprend le Dr Christian Torp-Pedersen, professeur titulaire de médecine interne, Université de Copenhague, Danemark, et porte-parole du comité directeur de l’étude ATHENA, le traitement actif a prolongé de 25 %, par rapport au placebo, le délai de survenue de la première hospitalisation pour cause CV (p<0,001). On constate sans étonnement qu’une bonne partie des hospitalisations pendant l’étude ATHENA étaient liées à la FA : 510 dans le groupe placebo vs 335 dans le groupe dronédarone, ce qui équivaut à une RRR de 27 % (p<0,001) en faveur du traitement actif. Les hospitalisations pour cause d’IC ont été moins nombreuses chez les sujets sous traitement actif, à savoir 132 dans le groupe placebo et 112 dans le groupe dronédarone; il en va de même des hospitalisations pour cause de syndrome coronarien aigu : 89 patients vs 62 patients dans les groupes placebo et dronédarone, respectivement.

Si l’on calcule le nombre total de jours d’hospitalisation pour causes CV, on obtient les résultats que voici chez les sujets soumis au traitement actif par rapport aux témoins sous placebo : 35 % moins de jours d’hospitalisation au total (p<0,001); 47 % moins de jours en soins critiques ou intensifs (p=0,015); 45 % moins de jours en soins intermédiaires (p<0,001) et 30 % moins de jours en soins standard (p<0,001). À en juger par cette analyse, le système de soins de santé économiserait, pour chaque tranche de 1000 patients traités par la dronédarone pendant un an, 1020 jours d’hospitalisation pour causes CV.

Le nouvel agent n’a nullement modifié les taux d’hospitalisation pour des motifs autres que les ennuis CV, fait digne de mention, puisque ses effets indésirables n’ont manifestement pas donné lieu à une hausse du taux d’hospitalisation pour causes CV. Dans l’essai AFFIRM, rappelle le Dr Torp-Pedersen, le traitement antiarythmique, qui reposait en grande partie sur l’amiodarone, n’a pas amené un taux d’hospitalisation moins élevé que le traitement de comparaison. Ainsi, la diminution des hospitalisations mise au jour dans la présente analyse d’ATHENA vient s’ajouter à la diminution de la mortalité démontrée dans cette étude, la première du genre ayant révélé une amélioration du résultat clinique dans la FA grâce au traitement antiarythmique.

BLOCAGE DES CANAUX IONIQUES

Certes, la dronédarone apparaît comme un nouvel antiarythmique prometteur dans la FA et le FLA; cependant, elle ne constitue pas le seul et unique agent susceptible d’améliorer l’issue clinique. Comme le souligne le Dr Peter Kowey, professeur titulaire de médecine et de pharmacologie clinique, Jefferson Medical College, Thomas Jefferson University, Philadelphie, Pennsylvanie, le vernakalant, bloqueur des canaux ioniques unique en son genre, exerce sur la conduction une action inhibitrice dépendante de la fréquence. On l’a mis à l’essai dans plusieurs études pour la régularisation rapide de la FA, après le traitement intraveineux.

Des études récentes indiquent que le vernakalant n’exerce pas d’effets indésirables hémodynamiques et qu’à une posologie de 500 mg 2 f.p.j. par voie orale, il a prolongé de manière significative le délai de récidive de la FA et permis un retour au RS chez plus de la moitié de la cohorte. Par ailleurs, on étudie actuellement, dans des modèles précliniques, la modulation des jonctions communicantes, l’hypothèse étant que les agents utilisés exercent une action antiarythmique en restaurant, dans des états pathologiques, la conduction intercellulaire.

AUTRES STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES

Il va sans dire que l’idéal est la prévention soit du premier épisode de FA, soit des récidives. Une analyse documentaire présentée par le Dr Carl Pepine, professeur titulaire de médecine, University of Florida College of Medicine, Gainesville, a révélé que 50 % des sujets de l’étude de Framingham ayant développé une FA avaient des antécédents d’hypertension; on pourrait en conclure qu’une maîtrise optimale de la tension artérielle peut réduire le risque de FA. Plusieurs études sur l’inhibition du système rénine-angiotensine démontrent que les inhibiteurs de l’ECA et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine préviennent l’apparition de la FA dans des populations fort diverses. Par contre, dans l’étude de Maggioni et al. présentée au congrès de 2008 de l’AHA, le valsartan fortement dosé n’a pas prévenu les réapparitions de la FA dans la population GISSI/AF.

De même, à en juger par une autre série d’études, les statines semblent prévenir soit le premier épisode de FA, soit la réapparition du problème. Pour l’instant, on ne saurait dire avec certitude si les acides gras oméga-3 préviennent la FA, car certaines études font ressortir un bénéfice et d’autres non. En revanche, précise le Dr Pepine, une activité physique régulière, légère ou modérée, semble avoir un véritable effet préventif. Les cliniciens ont donc une autre bonne raison de recommander aux patients soucieux de leur santé CV la pratique régulière d’une activité physique.

RÉSUMÉ

La FA est la plus commune des arythmies cardiaques soutenues. Elle amène une morbidité et une mortalité appréciables, en plus d’être coûteuse pour la société. À ce jour, les antiarythmiques sont demeurés loin de la perfection, se révélant souvent inadéquats pour le maintien du rythme sinusal. Des analyses récentes portant sur un nouveau bloqueur de multiples canaux nous autorisent toutefois à penser qu’on peut infléchir l’évolution clinique de la FA en intervenant en temps opportun. En sa qualité de premier antiarythmique ayant fait reculer l’incidence des événements majeurs, cet agent enrichirait sans contredit l’arsenal anti-FA.

Note : Au moment où le présent article a été mis sous presse, la dronédarone n’était pas commercialisée au Canada.

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