Comptes rendus

Réévaluation de l’étude MERIT : répercussions d’un test de tropisme plus sensible
Traitement précoce de la sclérose en plaques : regard sur l’étude BENEFIT

Prise en charge actuelle d’un SCA avec sus-décalage du segment ST : l’optimisation des résultats repose sur une intervention au moment opportun

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Canadian Cardiovascular Congress

Toronto, Ontario / 25-29 octobre 2008

En médecine clinique, les antiplaquettaires oraux comptent aujourd’hui parmi les agents les plus utilisés, souligne le Dr John Eikelboom, professeur agrégé de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario, et on ne doit pas sous-estimer leur contribution à une issue favorable. Les antiplaquettaires actuels ont toutefois plusieurs lacunes, notamment un long délai d’action. Ce problème est moins aigu dans le cas de l’AAS, le délai d’obtention du plein effet antiplaquettaire de 300 mg d’AAS soluble ou en comprimé à croquer n’étant que d’environ une heure. Dans le cas du clopidogrel, il faut compter de trois à cinq jours pour que la dose d’entretien exerce un effet antiplaquettaire stable, d’où la nécessité d’une dose d’attaque. Cependant, il semble qu’une dose d’attaque supérieure à la dose standard de 300 mg permette une inhibition plus rapide et plus complète de la fonction plaquettaire, comme l’a montré l’essai ALBION, lors duquel des doses de 600 mg et de 900 mg ont donné de meilleurs résultats à cet égard que la dose de 300 mg.

Cela dit, prévient le Dr Eikelboom, «une dose d’attaque élevée n’élimine pas nécessairement le problème de la variabilité de la réponse plaquettaire, l’effet antiplaquettaire étant aussi déterminé dans une large mesure par des facteurs génétiques». De plus, souligne-t-il, comme de nombreuses études ont établi un lien entre une inhibition incomplète de la fonction plaquettaire et une issue défavorable, la variabilité de la réponse au traitement est une considération clinique importante. L’irréversibilité de l’effet antiplaquettaire du clopidogrel n’est pas toujours un désavantage, puisque le patient demeurera protégé s’il oublie une dose; par contre, c’est un désavantage si le patient doit être opéré, le risque hémorragique accru sous clopidogrel étant alors plus difficile à maîtriser.

Objectif principal du traitement d’un IM aigu

Le rétablissement rapide, complet et durable du débit sanguin coronarien – soit mécaniquement par une intervention coronarienne percutanée (ICP), soit par l’administration d’un traitement médicamenteux – est l’objectif premier du traitement d’un IM aigu.

À l’heure actuelle, environ 30 % des patients subissant un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (IM ST+) ne reçoivent aucun traitement de reperfusion, note le Dr Mouhieddin Traboulsi, professeur de clinique en médecine, University of Calgary, Alberta. «Le message important à retenir est qu’une reperfusion, peu importe le type, s’impose dans tous les cas où l’on soupçonne un IM ST+», dit-il. Des études ont montré que si l’on réussit à pratiquer une ICP en moins de 90 minutes, le taux de mortalité associé à l’IM ST+ n’est que de 3 %. En revanche, un délai supérieur à 120 minutes double le taux de mortalité ou presque. Il en va de même pour la thrombolyse, l’issue étant d’autant plus favorable que le délai entre les premiers secours médicaux et la thrombolyse est court. Le diagnostic précoce de l’IM ST+ à l’électrocardiographie (ECG) est essentiel si l’on aspire à raccourcir le délai d’intervention, poursuit-il.

Dans l’établissement où exerce le Dr Traboulsi, par exemple, l’urgentologue, le cardiologue et l’équipe soignante des urgences peuvent accéder en ligne aux résultats de l’ECG, ce qui accélère la confirmation du diagnostic d’un IM ST+. On peut alors faire les appels nécessaires pour activer la préparation de la salle de cathétérisme et du personnel soignant. «Grâce à ces techniques, nous avons réduit significativement l’intervalle entre les premiers secours médicaux et l’ICP, à un point tel que nous amenons 80 % des patients en salle de cathétérisme en moins de 90 minutes», précise-t-il.

Selon la mise à jour récente des recommandations conjointes de l’American Heart Association et de l’American College of Cardiology, le traitement d’un IM ST+ nécessite l’administration du clopidogrel et d’un thrombolytique. Chez un patient âgé de moins de 75 ans, le clopidogrel doit être administré à raison d’une dose d’attaque de 300 mg, puis d’une dose d’entretien de 75 mg pendant une période de 14 jours à un mois. Chez un patient âgé de plus de 75 ans, par contre, on ne doit pas administrer de dose d’attaque. Si le clopidogrel n’a pas fait l’objet d’une évaluation formelle dans le contexte d’une ICP primaire pour un IM ST+, il est tout de même fortement recommandé, seule la dose d’attaque étant encore controversée.

Double traitement antiplaquettaire

Comme l’indique le Dr Shaun Goodman, professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario, nous avons des données à l’appui des bénéfices à court et à long terme du double traitement antiplaquettaire chez les patients qui subissent une ICP motivée par un SCA. «Néanmoins, nombreux sont les patients sous traitement antiplaquettaire standard qui présentent un événement athérothrombotique récidivant», fait-il remarquer. De là à nous demander si une inhibition plus complète et moins variable de l’agrégation plaquettaire pouvait prévenir les événements ischémiques cliniques et si un schéma permettant d’atteindre cet objectif était aussi sûr que le traitement de référence, il n’y avait qu’un pas.

C’est à cette question que tentait de répondre l’essai TRITON-TIMI 38. Des patients en proie à un SCA qui recevaient de l’AAS comme traitement de fond ont été randomisés de façon à recevoir soit une dose d’attaque de 300 mg de clopidogrel suivie d’une dose d’entretien de 75 mg, soit une dose d’attaque de 60 mg de prasugrel suivie d’une dose d’entretien de 10 mg. Parmi les 13 600 sujets de l’étude, 75 % avaient eu un IM sans sus-décalage du segment ST (ST-) ou un angor instable, tandis que les 25 % restants avaient été victimes d’un IM ST+. Environ le quart des sujets souffraient également de diabète.

La quasi-totalité des patients ont subi une ICP. L’utilisation antérieure d’un inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa était un critère d’exclusion, explique le souligne le Dr Goodman. Après un suivi d’une durée moyenne de 15 mois, l’incidence du paramètre principal mixte (décès d’origine CV, IM et AVC) était plus faible dans le groupe prasugrel : 9,9 % vs 12,1 % dans le groupe clopidogrel (p<0,001), tout comme l’incidence des IM non mortels (7,3 % vs 9,5 %, respectivement) (p<0,001) (Tableau 1).

Tableau 1. Analyse à 15 mois des principaux paramètres d’évaluation de l’efficacité dans la cohorte générale


Les hémorragies qualifiées de majeures selon les critères TIMI ont été plus fréquentes dans le groupe prasugrel (2,4 % vs 1,8 % dans le groupe clopidogrel), tout comme les hémorragies intracrâniennes (six patients dans le groupe prasugrel vs aucun dans le groupe clopidogrel). Cependant, les hémorragies intracrâniennes sont survenues uniquement chez les patients qui avaient des antécédents d’ischémie cérébrale transitoire (ICT) ou d’AVC. «Avec du recul, force nous est de conclure que c’était une mauvaise idée d’inclure dans l’étude des patients qui avaient des antécédents d’ICT ou d’AVC», fait-il valoir. De même, les patients âgés de 75 ans ou plus et ceux qui pesaient moins de 60 kg n’ont pas bénéficié d’un traitement par le prasugrel. Fait intéressant à souligner, le prasugrel a été plus bénéfique que le clopidogrel chez les victimes d’un IM ST+ ainsi que chez les patients diabétiques, et le risque hémorragique n’a été majoré dans aucune de ces deux cohortes. C’est donc dire que le bénéfice clinique net associé au prasugrel a été plus marqué dans les populations exposées à un risque plus élevé d’événement. Il ressort des résultats de l’étude que l’on pourrait envisager le prasugrel dans le contexte d’une ICP primaire ainsi que chez les patients en proie à un SCA qui arrivent en salle de cathétérisme pour y subir une ICP, mais qui n’ont pas encore reçu de clopidogrel. On pourrait aussi l’envisager chez les patients à risque élevé de thrombose sur tuteur, par exemple les patients porteurs de lésions longues et les patients diabétiques.

Par ailleurs, le Dr Goodman déconseille de mettre fin au double traitement antiplaquettaire, une étude récente ayant indiqué que les taux de mortalité et d’IM augmentent à l’arrêt du traitement, tant chez les patients qui ont reçu un thrombolytique que chez ceux qui ont subi une ICP pour un SCA. Soixante pour cent des événements surviennent dans un délai de 90 jours. «Ces données soulignent donc l’importance d’instaurer un double traitement antiplaquettaire et de le poursuivre», précise-t-il.

Perspectives d’avenir

Le Dr Pierre Théroux, professeur titulaire de médecine, Université de Montréal, Québec, a fait un tour d’horizon des autres antiplaquettaires en développement. L’un deux, l’AZD6140, est un inhibiteur réversible direct du récepteur P2Y<sub>12</sub> qui se caractérise par un délai d’action d’au plus deux heures. Son avantage principal est son action de courte durée, les plaquettes revenant progressivement à leur nombre normal en 36 à 48 heures parallèlement aux concentrations décroissantes du médicament. Le cangrélor est un autre agent expérimental qui se caractérise par une action immédiate et un retour à la normale de la fonction plaquettaire en moins d’une heure. Le SCH530348, antagoniste des récepteurs plaquettaires PAR-1, et le terutroban, antagoniste des récepteurs TP endothéliaux, sont aussi en développement.

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