Comptes rendus

Questions contemporaines dans la sclérose en plaques : nouvelles perspectives et stratégies
Regard sur l’amélioration du traitement par dialyse et la mise à jour des lignes directrices de la K/DOQI

Prise en charge des anomalies minérales et osseuses associées à l’insuffisance rénale chronique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Séances cliniques de la National Kidney Foundation du printemps 2006

Chicago, Illinois / 19-23 avril 2006

De l’avis général des conférenciers, l’«immense majorité» des patients en dialyse se voient forcés de compter sur un chélateur de phosphate, en partie parce qu’ils n’ont pas de fonction rénale résiduelle, et en partie parce que l’hémodialyse classique n’est pas effectuée assez souvent pour éliminer la charge de phosphore alimentaire accumulée par le patient en une semaine. En revanche, les conférenciers avaient des opinions partagées sur la façon dont les chélateurs de phosphate doivent être utilisés pour traiter les anomalies du métabolisme minéral dans les stades précoces de l’insuffisance rénale chronique (IRC).

Le cas discuté portait sur un jeune homme atteint d’une IRC de stade 3 qui présentait une élévation du taux de parathormone (PTH), mais dont la calcémie et la phosphorémie étaient normales.

Comme l’explique le Dr Hartmut Malluche, titulaire de la chaire de néphrologie Robert G. «Robin» Luke, University of Kentucky, Lexington, l’hyperparathyroïdie est la «réponse physiologique» à la réduction de la masse néphronique. Lorsque la réduction du nombre de néphrons fonctionnels atteint un seuil critique, «l’organisme cherche naturellement à éviter l’hyperphosphatémie, si bien qu’il a besoin de plus de PTH pour augmenter l’excrétion fractionnelle de phosphore effectuée par chaque néphron restant», indique-t-il. Le Dr Rajnish Mehrotra, professeur agrégé de médecine, David Geffen School of Medicine, UCLA, Torrence, Californie, fait également valoir que, même si le taux de phosphore demeure alors «normal», il peut néanmoins y avoir rétention de phosphore chez les patients présentant une IRC débutante.

Des données indiquent que le phosphore enclenche l’hyperparathyroïdie secondaire dans l’IRC débutante. L’élévation du taux de PTH mobilise à son tour le calcium et le phosphore osseux, faisant ainsi augmenter les taux de ces deux minéraux. Un autre élément vient encore compliquer le tableau : à mesure que la fonction rénale décline, le taux de la 1,25-dihydroxyvitamine D3, ou calcitriol — forme la plus active de la vitamine D — baisse lui aussi graduellement, ce qui se traduit par une très forte prévalence du déficit en 1,25-dihydroxyvitamine D3 chez les patients ayant une IRC débutante, en particulier s’il existe un diabète concomitant.

«Cette baisse précède toute élévation de la phosphorémie», de préciser le Dr William Goodman, professeur titulaire de médecine, David Geffen School of Medicine. Les anomalies du métabolisme de la vitamine D ont, elles-mêmes, un effet défavorable sur le transport intestinal du calcium. Par conséquent, croit le Dr Goodman, la sécrétion accrue de PTH dans les premiers stades de l’IRC est une réponse physiologique appropriée qui contribue à maintenir l’équilibre de la calcémie. Chez les sujets sains comme chez les patients ayant une IRC légère à modérée, la surcharge de phosphore perturbe la synthèse rénale de 1,25-dihydroxyvitamine D3, alors que la restriction des apports en phosphore l’augmente.

Les données publiées portent à croire que, même si la phosphorémie est normale, la restriction de l’apport en phosphore par la modification de l’alimentation ou par l’utilisation de chélateurs de phosphate stimule la synthèse de 1,25-dihydroxyvitamine D3 et aide à prévenir les complications osseuses. L’augmentation du taux de 1,25-dihydroxyvitamine D3 est compatible avec la réduction subséquente du taux plasmatique de PTH, «de sorte que c’est de la variation du taux circulant de 1,25-dihydroxyvitamine D3 que dépend la diminution de la sécrétion de PTH, et non du phosphore en soi», explique le Dr Goodman.

Ce dernier fait également valoir que les patients dont l’IRC est de stade peu avancé sont fondamentalement différents de ceux qui sont en dialyse, en grande partie parce que ces patients disposent encore d’une fonction rénale résiduelle et qu’ils peuvent excréter le phosphore. Dans les cas d’IRC légère à modérée, la phosphorémie est habituellement normale, et la calcémie se situe ordinairement dans les limites inférieures de la normale, ajoute-t-il; le fait que les patients dont l’IRC est légère excrètent relativement peu de calcium dénote que le rein essaie de conserver le calcium. «Je ne conteste pas le bien-fondé de la restriction des apports en phosphate et de l’utilisation de chélateurs de phosphate en présence d’une hyperphosphatémie», de préciser le Dr Goodman.

Toutefois, l’élévation du taux plasmatique de PTH aux premiers stades d’une IRC, «constitue vraiment un indice biochimique de la déficience de l’apport alimentaire de calcium ou de l’absorption du calcium par la muqueuse gastro-intestinale. Ainsi, l’une des interventions physiologiques que l’on pourrait envisager pour corriger ce déséquilibre lors d’une IRC débutante serait de prescrire la prise modérée de suppléments de calcium afin de favoriser une certaine augmentation de l’absorption digestive de calcium, et un traitement par la vitamine D ou l’un des nouveaux analogues de la vitamine D. Ce faisant, on se trouve à cibler en premier lieu ce qui fait augmenter le taux plasmatique de PTH, à savoir l’absorption insuffisante de calcium par la muqueuse gastro-intestinale», poursuit-il.

Le Dr Malluche pense lui aussi que, dès qu’un patient devient hyperphosphorémique, «on doit administrer un chélateur de phosphate». Cela dit, il estime également que des «arguments très convaincants» peuvent être invoqués à l’appui de l’instauration plus précoce du traitement par un chélateur de phosphate dans l’évolution de la maladie si la restriction alimentaire ne permet pas de maîtriser l’élévation du taux de PTH.

«Il ne faut pas oublier que si l’on prescrit la 1,25-dihydroxyvitamine D3, on se trouve à augmenter l’absorption intestinale de phosphate et, en fait, à accentuer le bilan phosphorique positif», rappelle le Dr Malluche. Si le patient a besoin d’excréter un surplus de phosphore, il faut envisager de recourir aux chélateurs de phosphate lorsque la restriction alimentaire s’avère inefficace.»

Chélateur de phosphate

Quel type de chélateur de phosphate est le plus approprié dans les cas où l’IRC s’accompagne d’un diabète, de la persistance d’un taux élevé de PTH malgré un traitement à la vitamine D, et d’une phosphorémie et d’une calcémie également élevées? Telle fut l’une des questions discutées par les conférenciers dont la préoccupation, dans ce cas, était de corriger les anomalies minérales sans aggraver les calcifications vasculaires sous-jacentes, qui sont particulièrement répandues chez les patients atteints d’IRC et de diabète. Comme on l’a fait observer, les calcifications vasculaires sont clairement liées à la maladie cardiovasculaire (CV) – première cause de mortalité chez les patients en IRC – et pourraient être exacerbées par les doses supraphysiologiques de calcium qui sont habituellement nécessaires pour fixer suffisamment d’ions phosphoriques.

Les données à l’appui de l’utilisation de chélateurs de phosphate sans calcium sont limitées, mais une étude prospective – intitulée Treat-To-Goal – a montré que les calcifications vasculaires ne s’étaient pas aggravées au cours d’un suivi d’un an effectué auprès de patients dialysés traités par le sevelamer, alors qu’elles avaient de fait progressé chez les patients traités par un chélateur de phosphate à base de calcium. «En théorie, l’emploi du carbonate de lanthanum pourrait avoir un effet bénéfique similaire étant donné qu’il est lui aussi exempt de calcium», de noter le Dr Goodman, bien que cela n’ait pas encore été démontré dans une étude prospective.

Cela dit, poursuit-il, le choix d’un chélateur de phosphate peut influer sur la progression des calcifications une fois que celles-ci sont présentes, mais on ne sait pas exactement comment les calcifications vasculaires s’installent de prime abord. Les anomalies phosphocalciques jouent assurément un rôle dans les calcifications vasculaires. Comme les conférenciers l’ont souligné, une fois que le plasma devient sursaturé de l’un ou l’autre minéral, il y a précipitation et il se forme des dépôts des minéraux en excès dans les tissus mous, y compris les vaisseaux sanguins.

Les modèles de cellules en culture donnent à penser que les cellules cultivées en présence d’une forte concentration de phosphore pourraient développer un phénotype qui les amène à se comporter comme si elles se trouvaient dans l’os, ce qui contribuerait aussi aux calcifications vasculaires. Le Dr Mehrotra souligne également que les anomalies du métabolisme minéral sont prédictives de la morbidité et de la mortalité CV et que, sur le plan de la majoration du risque, l’augmentation maximale du risque CV est associée à une phosphorémie croissante.

«Il n’existe peut-être pas d’étude qui démontre que la diminution de la phosphorémie réduit le risque de mortalité, note-t-il, mais intuitivement, je dirais que cela est vraisemblable.» Comme le confirme le Dr Malluche, les lignes directrices de la Kidney Disease Outcomes Quality Initiative (K/DOQI) de la National Kidney Foundation recommandent que, lorsque des chélateurs à base de calcium sont employés, l’apport total de calcium – y compris l’apport alimentaire – ne dépasse pas 2 g par jour, de façon qu’il y ait seulement à peu près 1200 mg de calcium de disponible pour la chélation du phosphate.

«On ne peut pas fixer beaucoup d’ions phosphore avec une telle quantité de calcium, si bien qu’il sera nécessaire d’utiliser un autre chélateur de phosphate puissant», de souligner le Dr Malluche. Les conférenciers s’entendent par ailleurs pour dire que les chélateurs de phosphate à base de calcium ne sont pas appropriés pour les patients dont la calcémie est déjà élevée, ou pour les patients qui reçoivent un traitement à la vitamine D et dont la calcémie se situe dans les limites supérieures de la normale ou est carrément élevée.

«Le choix du chélateur de phosphate va être influencé d’une façon très significativement par les autres anomalies biochimiques», prévient le Dr Goodman.

Réduire la charge journalière de comprimés

Le dernier cas, du reste assez fréquemment observé, dont ont discuté les panélistes portait sur un jeune patient dialysé atteint d’hypertension mais ne présentant aucune autre comorbidité. À 30 comprimés par jour, «la charge médicamenteuse pesant sur ce patient est extraordinairement élevée, souligne le Dr Mehrotra, ajoutant que, chez les patients en insuffisance rénale terminale [IRT], ce sont les chélateurs de phosphate qui imposent le fardeau le plus lourd quant au nombre de comprimés à prendre». Il a en tout cas été démontré que l’emploi du carbonate de lanthanum avait réduit le nombre de comprimés à prendre chez les patients qui étaient traités par un chélateur de phosphate calcique ou par le sevelamer. Lors d’une interview, le Dr Goodman a de plus indiqué que cet agent pourrait être aussi puissant que les anciens chélateurs à base d’aluminium et qu’il est plus puissant que le carbonate de calcium ou l’acétate de calcium. Il est probable que cette puissance permette une réduction du nombre de comprimés à ingérer et se traduise idéalement par une meilleure observance.

Dans le cadre d’une présentation par affiches, le Dr Nirupama Vemuri, South Florida Nephrology Group, Coral Springs, a fait état des résultats d’une étude regroupant 2763 patients en IRT recevant un chélateur de phosphate pour traiter une hyperphosphatémie. On a modifié le traitement de ces patients en les faisant passer au carbonate de lanthanum, administré à une dose initiale de 1500 mg/jour divisée entre les repas de la journée. La dose a été portée à un maximum de 3750 mg/jour sur une période de 12 semaines. L’objectif était d’atteindre les taux sériques de phosphore cibles recommandés dans les lignes directrices de la K/DOQI, soit une phosphorémie comprise entre 3,5 et 5,5 mg/dL.

Après 12 et 16 semaines de traitement, les investigateurs ont évalué le nombre de comprimés ingérés, la dose quotidienne totale et l’effet du chélateur de phosphate sur le taux sérique de phosphore. «Au terme de la période d’ajustement posologique de 12 semaines, on a noté une réduction significative du nombre journalier moyen de comprimés à prendre et de la dose quotidienne totale, comparativement à ce qui était observé dans le cas du chélateur de phosphate précédent; entre la 12e et la 16e semaine de traitement, d’autres réductions de ces paramètres ont aussi été notées dans tous les groupes», signalent les investigateurs. Au départ, les patients à qui un chélateur à base de calcium avait été prescrit prenaient en moyenne 8,3 comprimés par jour, tandis que les patients qui étaient traités par le sevelamer prenaient en moyenne 9,6 comprimés par jour. Les patients qui avaient besoin d’un traitement d’association prenaient en moyenne 14,9 comprimés par jour. À 16 semaines, le nombre moyen de comprimés ingérés était de 5,8 dans le groupe chélateur à base de calcium, et de 5,9 dans le groupe sevelamer. Chez les patients qui recevaient auparavant un traitement d’association, ce nombre était de 6,5, soit une réduction de 56 % de la charge journalière de comprimés par rapport au traitement d’association antérieur, de noter les investigateurs.

Le carbonate de lanthanum a permis de maintenir la phosphorémie obtenue avec le chélateur initial ou d’obtenir des taux voisins; le taux de maîtrise de l’hyperphosphorémie était le même sous l’effet de cet agent (environ 40 % des patients) et est demeuré constant du début de l’étude à la 16e semaine de traitement. «La satisfaction des patients s’est en outre nettement accrue, a fait observer le Dr Vemuri au cours d’une interview, et la satisfaction des patients et des médecins était similaire, une majorité substantielle de patients (73 %) ayant indiqué qu’ils préféraient le carbonate de lanthanum au médicament qu’ils prenaient auparavant.»

Une nouvelle préparation de carbonate de lanthanum offerte en comprimés plus petits et qui permet à la plupart des patients de prendre un seul comprimé à chaque repas pourrait encore alléger la charge journalière de comprimés, ajoutent les investigateurs. Mme Cathi Martin, diététiste, Renal Care Group, Springfield et East Nashville, Tennessee, rappelle que certains patients peuvent prendre seulement deux repas par jour et une collation entre les deux, «de sorte que l’on doit adapter le traitement par le chélateur de phosphate à l’alimentation et aux habitudes alimentaires du patient».

Cette dernière souligne également que les patients qui vont souvent au restaurant ou qui consomment généralement des plats préparés ingèrent une quantité importante de phosphore, «aussi convient-il de faire de petites modifications graduelles au schéma de traitement qui vont bénéficier aux patients», suggère-t-elle.

Le Dr Mehrotra a par ailleurs fait valoir que les professionnels de la santé doivent être sensibles à la diversité culturelle en matière d’habitudes alimentaires. «Si vous exercez au sein d’une importante communauté hispanique et que vous dites aux patients de ne pas manger de mets mexicains, ça ne fonctionnera pas. Nous devons être conscients des réalités culturelles à cet égard.»

Le médecin doit également établir quel est le degré d’observance thérapeutique – ou d’inobservance – du patient dialysé. Sinon, il risque de croire que le médicament est inapproprié et, probablement, d’en augmenter la dose, ce qui se traduira au bout du compte par un nombre sensiblement élevé de comprimés à prendre pour le patient, comme le fait remarquer le Dr Malluche. «Ce que l’on vise, c’est de concevoir un schéma de traitement qui comporte le moins de comprimés possible...de façon que ce soit le plus facile possible pour les patients d’observer le traitement.»

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’entretiens avec le Dr Rajnish Mehrotra, professeur agrégé de médecine, David Geffen School of Medicine, UCLA, Torrence, Californie, et le Dr Hartmut Malluche, titulaire de la chaire de néphrologie Robert G. «Robin» Luke, University of Kentucky, Lexington.

Q : Pourquoi la charge journalière de comprimés devient-elle maintenant un enjeu important en néphrologie?

Dr Mehrotra : Nous savons que le nombre de médicaments prescrits aux patients en IRT tourne autour de 10 ordonnances par patient. Des critères comme l’âge, la présence ou l’absence de diabète ou la modalité de dialyse – qu’il s’agisse d’hémodialyse ou de dialyse péritonéale – n’y changent absolument rien. Le nombre minimum de comprimés qu’un patient doit prendre s’élève à 30 par jour. Les néphrologues n’ont jamais abordé ce problème — à savoir le nombre de comprimés que nous demandons à nos patients de prendre — et ses répercussions sur l’observance thérapeutique, non seulement à l’égard du traitement médicamenteux mais également de la dialyse, ni les implications de toutes les modifications du mode de vie que nous imposons à nos patients. Alors le fait que nous disposions de chélateurs de phosphate plus puissants – comme le carbonate de lanthanum – qui sont aptes à réduire le nombre de comprimés à prendre, devrait, à mon avis, grandement contribuer à améliorer l’observance et l’issue du traitement. Q : Qu’en est-il de la toxicité à long terme du carbonate de lanthanum?

Dr Malluche : Il existe une certaine accumulation de lanthanum dans le tissu osseux, mais je peux affirmer que, du moins à la lumière des données à deux ans, nous n’avons observé aucun effet de l’ordre de ceux qui sont associés à l’aluminium. À vrai dire, le renouvellement osseux avait tendance à s’améliorer chez les patients traités par le lanthanum : la formation osseuse était activée et on constatait une nette tendance vers une augmentation de la masse osseuse, ce qui présenterait l’avantage de parer au problème d’ostéoporose que l’on observe chez les patients dialysés. Par conséquent, au vu des données dont nous disposons à ce jour, il n’existe aucune preuve de toxicité du médicament.

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