Comptes rendus

Soutien comportemental et pharmacothérapie : association efficace pour l’abandon du tabac
Réduire le risque d’AVC en inhibant le SRA : effets bénéfiques et mécanismes

Prise en charge des patients atteints du syndrome métabolique et d’un diabète de type 2 : au-delà des statines

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Les 66es Séances scientifiques de l’American Diabetes Association

Washington, DC / 9-13 juin 2006

Il est établi depuis longtemps déjà que les personnes atteintes d’un diabète de type 2 ou du syndrome métabolique présentent des dyslipidémies que les statines ne peuvent pas corriger. Selon les lignes directrices du NCEP III (Third National Cholesterol Education Panel), «l’ajout d’un fibrate ou de l’acide nicotinique à un traitement visant à réduire le taux de C-LDL peut être envisagé» chez ces patients. Dans les cas où les dyslipidémies n’étaient pas bien maîtrisées par les statines, l’utilisation d’un fibrate dans l’étude FIELD (Fenofibrate Intervention and Event Lowering in Diabetes) a confirmé une réduction de 11 % (p=0,035) du nombre total d’événements cardiovasculaires (CV). On s’attend à ce que l’effet bénéfique du fibrate s’ajoute à celui de la baisse du taux de C-LDL obtenue sous l’effet de la statine, ce qui fait du traitement d’association une étape logique vers l’amélioration des résultats.

Traitement d’association : la prochaine étape logique

De l’avis du Dr Kenneth Cusi, division de diabétologie, University of Texas Health Science Center, San Antonio, «le traitement d’association jouera un rôle grandissant dans la prise en charge du diabète de type 2 et du syndrome métabolique, parce qu’il offre la possibilité de mieux corriger les dyslipidémies athérogènes.» Bien qu’il ait été prouvé que les statines réduisent le risque d’événement CV chez les diabétiques et les patients porteurs du syndrome métabolique, souligne-t-il, «les statines ne répondent pas à nos besoins», car elles ne corrigent pas les autres dyslipidémies importantes que l’on rencontre dans ces populations.

Certains qualifient le syndrome métabolique d’état prédiabétique auquel se greffe une constellation de facteurs de risque CV dont une hyperglycémie à jeun (>5,5 mmol/L), une obésité abdominale (tour de taille >102 cm chez l’homme et >88 cm chez la femme), une triglycéridémie ³ 1,7 mmol/L, un taux de HDL-cholestérol <1,0 mmol/L chez l’homme et <1,2 mmol/L chez la femme, et une tension artérielle ³130/³85 mmHg. La maîtrise des dyslipidémies chez ces patients est la mesure la plus importante que l’on puisse prendre pour réduire leur risque CV.

À la suite de l’étude FIELD et d’une série d’études antérieures qui ont aussi évalué divers traitements pour corriger l’hypertriglycéridémie et le faible taux de C-HDL, «nous avons les données nécessaires pour déterminer comment corriger les dyslipidémies spécifiques que nous rencontrons dans ces populations particulières de patients [atteints d’un diabète de type 2 ou du syndrome métabolique]», affirme le Dr Cusi.

Données importantes de l’étude FIELD

L’étude FIELD est importante, parce qu’elle a grandement enrichi les données probantes à notre disposition sur le rôle des fibrates dans la maladie CV associée au diabète de type 2. Si un peu plus de 18 000 patients diabétiques avaient participé aux essais sur les statines, seulement 2000 diabétiques environ avaient participé à des essais sur les fibrates avant l’étude FIELD, qui en a ajouté 9795, ce qui a porté le total à près de 12 000 patients. Le plan de l’étude FIELD était fort simple : des patients de 50 à 75 ans qui souffraient d’un diabète de type 2 et qui présentaient un taux de triglycérides compris entre 1,0 et 5,0 mmol/L ou un ratio cholestérol total (CT)/C-HDL >4,0 et un taux de CT variant entre 3,0 et 6,5 mmol/L ont été randomisés de façon à recevoir le fénofibrate micronisé à raison de 200 mg/jour ou un placebo. Les patients étaient exclus s’ils recevaient déjà un traitement hypolipidémiant au départ, s’ils avaient eu un événement CV récemment, s’ils présentaient une dysfonction rénale, une maladie hépatique connue ou une cholécystopathie symptomatique ou si leur triglycéridémie était >11,45 mmol/L.

Au terme d’un suivi moyen de cinq ans, la réduction de 11 % du paramètre principal – qui regroupait la mortalité CV et les infarctus du myocarde (IM) non mortels – n’a pas atteint le seuil de signification statistique (p=0,16), ce que l’on a attribué en partie à l’augmentation de 47 % (p<0,0001) de la proportion de patients du groupe placebo qui avaient commencé à recevoir une statine en cours d’étude. Lorsque l’utilisation d’une statine était prise en compte, la réduction du risque de survenue du paramètre principal atteignait 19 % et devenait statistiquement significative (p=0,01) en faveur du traitement actif. Cependant, même si les données n’étaient pas corrigées pour tenir compte des statines, le fibrate était associé à une réduction statistiquement significative (p=0,035) de 11 % du nombre total d’événements CV, tous types confondus, à une réduction de 24 % (p=0,01) du nombre d’IM non mortels, et à une réduction de 21 % (p=0,003) des interventions de revascularisation coronarienne. Tous ces avantages relatifs augmentaient substantiellement dans le groupe de traitement actif lorsque l’on corrigeait les données pour tenir compte de l’ajout d’une statine.

Comme le rapporte le co-investigateur principal de FIELD, le Dr James D. Best, professeur titulaire de médecine, University of Melbourne, Australie, le fénofibrate était assez bien toléré. Ainsi, au terme de l’étude, le taux d’abandon était de 20 % à la fois dans le groupe de traitement actif et le groupe placebo, résultat qui «se compare favorablement aux statistiques des essais sur les statines». On n’a noté aucun signe de myosite, de rhabdomyolyse ou d’anomalies des enzymes hépatiques, lesquelles sont toutes survenues chez moins de 1 % des patients des deux cohortes. Sur le plan des effets indésirables, les seules différences significatives étaient une légère augmentation dans le groupe fénofibrate des embolies pulmonaires (p=0,022), des thrombophlébites profondes (p<0,074) et des pancréatites (p<0,05). Le Dr Best précise qu’aucun de ces effets indésirables n’est compatible avec les mécanismes connus du fénofibrate.

De l’avis de l’auteur principal, le Dr Anthony C. Keech, University of Sydney, New South Wales, Australie, l’un des résultats clés de l’étude FIELD a été que la maîtrise des dyslipidémies les plus fréquentes dans le diabète de type 2 avait permis une réduction significative de quelques-unes des complications microangiopathiques du diabète. L’intervalle précédant le premier traitement au laser de la rétine dans le traitement des rétinopathies a été prolongé de 30 % (p=0,0003), précise-t-il. Le Dr Keech a également présenté des données qui n’ont pas été incluses dans les résultats publiés, dont une réduction significative de 38 % (p=0,011) des amputations chez ceux qui recevaient le fénofibrate, par rapport au placebo. Le traitement par le fibrate a été associé à une augmentation significative du nombre de patients dont la néphropathie a régressé ou n’a pas progressé vers l’albuminurie (p=0,002), ce qui évoque un effet néphroprotecteur.

Association statine-fibrate : options de traitement

En vertu du protocole de l’étude, d’autres agents normolipémiants, dont les statines, étaient autorisés. Le taux plus élevé d’utilisation des statines dans le groupe placebo reflète probablement les appréhensions des médecins face à la maîtrise plus médiocre des dyslipidémies. Au terme de l’étude, près de 40 % des patients du groupe placebo prenaient une statine vs environ 20 % des patients du groupe fibrate. L’absence d’un signe quelconque d’augmentation du risque d’effets indésirables chez les patients qui recevaient les deux agents est compatible avec d’autres données montrant que ces agents peuvent être combinés sans risque.

«Diverses études ont porté sur l’association du fénofibrate avec toutes les principales statines actuellement sur le marché, et aucune interaction pharmacocinétique n’a été signalée. Les données cliniques recueillies à ce jour semblent indiquer que cette association est très bien tolérée», affirme le Dr Cusi. En particulier, le fénofibrate ne partage pas avec le gemfibrozil l’interaction observée avec les statines; en effet, les concentrations maximales du gemfibrozil sont multipliées par un facteur de deux ou trois lorsque celui-ci est utilisé en association avec une statine. Bien que les cas rapportés de rhabdomyolyse aient soulevé une inquiétude particulière au sujet de cette interaction chez les patients recevant le gemfibrozil et la cérivastatine, laquelle est maintenant retirée du marché, une analyse publiée l’année dernière (Jones PH et al. Am J Cardiol 2005;95: 120-22) a démontré que le gemfibrozil – contrairement au fénofibrate – était associé à une importante augmentation du risque de rhabdomyolyse lorsque celui-ci était utilisé en concomitance avec une statine quelconque. Cette analyse a estimé le risque de rhabdomyolyse à 8,6 cas par million d’ordonnances lorsqu’une statine était associée au gemfibrozil, vs seulement 0,58 cas par million d’ordonnances lorsqu’une statine était associée au fénofibrate.

Sur le plan de la prise en charge clinique, on dispose maintenant de données impressionnantes selon lesquelles l’ajout du fénofibrate à une statine augmente considérablement la proportion de patients qui atteignent leurs cibles lipidiques telles que définies par l’American Diabetes Association. Lors d’une étude dans laquelle on évaluait une stratégie d’association, le taux cible de C-LDL <2,55 mmol/L a été atteint chez 80 % des patients qui recevaient l’atorvastatine seule, vs 98 % des patients qui recevaient également le fénofibrate. Si 93 % des patients ont atteint le taux cible de triglycérides <3,9 mmol/L sous l’effet du fibrate en monothérapie, ce pourcentage a grimpé à 100 % lorsque l’atorvastatine était ajoutée. Quant au C-HDL, le taux cible >1,0 mmol/L a été atteint chez 18 % des patients sous l’effet de l’atorvastatine seule, chez 30 % des patients sous l’effet du fénofibrate seul et chez 60 % des patients sous l’effet du traitement d’association.

Résumé

Compte tenu des avantages constants de l’association d’une statine et d’un fibrate et du profil d’innocuité bénin de celle-ci, comme on l’a vu dans l’étude FIELD, cette association deviendra sans doute la norme pour obtenir une maîtrise optimale des dyslipidémies associées au diabète de type 2 ou au syndrome métabolique. Certes, les statines ont été associées antérieurement à d’importantes réductions du risque chez les diabétiques de type 2, mais les fibrates permettent de corriger les dyslipidémies spécifiques du diabète de type 2 de façon plus complète. L’étude FIELD a confirmé que le traitement de ces dyslipidémies spécifiques autorise des réductions significatives du risque d’événement CV. Comme les effets bénéfiques étaient particulièrement marqués chez les patients n’ayant pas d’antécédents de maladie CV, elle a souligné l’importance d’amorcer le traitement d’association au début de la prise en charge.

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