Comptes rendus

Définir le rôle des biomarqueurs dans le diagnostic et la prise en charge de l’insuffisance cardiaque
Simplification du traitement immunosuppresseur post-transplantation

Prise en charge du risque élevé : priorité à la prévention

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2007

Québec, Québec / 20-24 octobre 2007

La maladie cardiovasculaire (CV) passe généralement inaperçue tant qu’un premier événement clinique – souvent mortel – n’est pas survenu. Une étude a révélé que 75 % des patients qui avaient subi un premier infarctus du myocarde (IM) n’auraient pas eu besoin, avant leur IM, d’un hypolipidémiant ou d’un antihypertenseur selon les critères usuels. C’est donc dire que les méthodes de stratification du risque ne sont pas suffisamment sensibles et que de nombreux patients ne reçoivent pas le traitement qui pourrait prévenir efficacement un événement thrombotique. De nouvelles stratégies d’imagerie, comme l’échographie endovasculaire (IVUS, pour intravascular ultrasound), se révèlent efficaces pour nous aider à reconnaître les patients vulnérables et montrent qu’un traitement hypolipidémiant énergique, actuellement réservé aux patients les plus à risque, pourrait faire régresser le processus morbide et être approprié à un stade plus précoce. Cela dit, nous devons d’abord et avant tout nous repérer ces patients à risque qui échappent aux méthodes actuelles d’évaluation.

Regard critique sur les systèmes de détermination du risque

«Bien que l’équation de Framingham demeure un point de départ raisonnable pour la stratification du risque CV, elle pourrait sous-estimer le risque de certaines populations. L’avènement de nouvelles techniques d’imagerie et leur utilisation éventuelle comme outils de dépistage suscitent beaucoup d’enthousiasme», fait remarquer le Dr Milan Gupta, division de chirurgie cardiovasculaire, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario. Les preuves directes de l’existence d’une pathologie, comme la surcharge athéromateuse des coronaires, l’épaisseur intima-média (ÉIM) des carotides et la dysfonction endothéliale, pourraient toutes être utiles pour mieux stratifier les patients, surtout lorsque d’autres méthodes d’évaluation du risque donnent des résultats ambigus, indique-t-il.

Les systèmes de détermination du risque ont toutefois une lacune : s’ils sont très exacts pour le dépistage de masse, ils sont un peu moins performants pour l’évaluation du risque individuel. L’équation de Framingham a été conçue principalement pour prédire les événements coronariens et non tout le spectre des complications vasculaires, comme l’AVC; de plus, l’équation a été bâtie à partir de données provenant essentiellement de sujets de race blanche. Selon des données recueillies au sein de groupes ethniques du Canada, il est probable que l’équation de Framingham sous-estime le risque chez les patients d’origine sud-asiatique et qu’elle le surestime chez ceux d’origine chinoise. Cela dit, les méthodes d’évaluation fondées sur la population dans son ensemble pourraient être plutôt insensibles pour la détection de plaques vulnérables chez chaque personne. C’est pour cette raison que l’on s’intéresse à l’IVUS.

«Plus de 50 % de tous les événements CV surviennent chez des patients dont le risque est considéré comme moyen selon la plupart des systèmes de classification», signale le Dr Khurram Nasir, Service de radiologie, Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston. «Nous aspirons maintenant à trouver de meilleures méthodes pour reconnaître les patients porteurs de plaques friables.»

Populations mixtes

Si nous tentons de mieux stratifier le risque, c’est que nous disposons maintenant de traitements qui peuvent ralentir la progression de la maladie CV de façon remarquable, voire la faire régresser. Cette observation s’est plus que jamais vérifiée dans l’étude ASTEROID (A Study to Evaluate the Effect of Rosuvastatin on Intravascular Ultrasound-Derived Coronary Atheroma Burden). Alors que les études préalables, dont REVERSAL (Reversal of Atherosclerosis with Aggressive Lipid Lowering), avaient pu montrer qu’un taux de LDL <2,0 mmol/L pouvait stopper la progression de l’athérosclérose, l’étude ASTEROID a prouvé qu’une baisse encore plus marquée des taux lipidiques sous l’effet de la rosuvastatine, agent qui abaisse efficacement le taux de LDL, donne lieu à une régression. Certes, cette étude a été réalisée chez des patients à risque élevé, mais on a obtenu des résultats similaires lors d’une étude plus récente intitulée METEOR (Measuring Effects on Intima-Media Thickness: an Evaluation of Rosuvastatin) en mesurant l’ÉIM carotidienne (EIMC) chez des patients exposés à un risque moyen.

«La population de l’étude METEOR se composait de patients asymptomatiques et à faible risque qui ne montraient que des signes précoces d’athérosclérose», explique le Dr Jean-Claude Tardif, directeur, Centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal, Québec. Plus précisément, les patients présentaient, au moment de leur admission, un risque de Framingham sur 10 ans inférieur à 10 % et une légère augmentation de l’EIMC (<3,5 mm). Les 984 participants ont été randomisés selon un ratio 5:2 dans le groupe rosuvastatine à 40 mg ou le groupe placebo, après quoi ils étaient suivis à l’aide de l’échographie en mode B. «Après deux ans, il y avait eu progression chez les témoins sous placebo alors que la progression avait été complètement stoppée chez les sujets du groupe hypolipidémiant», poursuit-il.

De plus en plus de données montrent que l’effet bénéfique des hypolipidémiants puissants pourrait provenir en partie de leurs effets anti-inflammatoires. Bien que ce mécanisme puisse être aussi pertinent chez les patients à faible risque, la confirmation la plus importante de cette hypothèse émanera de l’étude CORONA (Controlled Rosuvastatin Multinational Trial in Heart Failure) qui viendra bientôt à terme. Dans le cadre de cette étude à double insu avec randomisation et placebo, 5011 patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique d’origine ischémique reçoivent aléatoirement 10 mg de rosuvastatine ou un placebo. Le paramètre principal regroupe divers facteurs de morbidité CV et la mortalité CV. Les résultats sont attendus au congrès annuel de 2007 de l’American Heart Association.

«Cette étude importante répondra à une question toujours sans réponse», affirme le Dr Christopher Granger, directeur, unité des soins cardiaques, Duke University Medical Center, Durham, Caroline du Nord. L’effet anti-inflammatoire que l’on soupçonne d’améliorer la fonction vasculaire pourrait être bénéfique dans ce groupe particulier.

Inhibition du SRA

S’il se confirme, l’effet anti-inflammatoire associé à une baisse énergique des taux lipidiques sera un exemple d’effort visant à traiter le processus morbide sous-jacent plutôt que le seul facteur de risque. L’utilisation d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) est un autre exemple. À titre d’investigateur principal de l’essai CHARM-Added, l’un des essais CHARM (Candesartan in Heart Failure—Assessment of Reduction in Mortality and Morbidity) qui ont fait date, le Dr Granger précise que les inhibiteurs du SRA exercent de multiples effets bénéfiques indépendants de leur effet sur la tension artérielle (TA). En présence d’insuffisance cardiaque, par exemple, ils protègent contre la progression du remodelage, effet bénéfique qui s’est traduit par d’importantes réductions des événements CV lors de multiples essais, dont CHARM. Lors de l’essai CHARM-Added, qui portait sur l’administration aléatoire du candésartan à des patients recevant déjà un inhibiteur de l’ECA, le double blocage du SRA a conféré un bénéfice supplémentaire.

«L’ajout du candésartan a diminué de 15 % la mortalité d’origine CV ou l’hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque, qui était le paramètre principal (p=0,011), même si les patients recevaient déjà un inhibiteur de l’ECA administré à la dose complète», insiste le Dr Granger. Là encore, le bénéfice supplémentaire n’a pas été attribué à la baisse additionnelle des chiffres tensionnels. On a plutôt conclu que le candésartan semblait contribuer à la maîtrise du processus morbide.

Cette hypothèse semble aussi se vérifier aux tout premiers stades de la maladie. Lors de l’essai TROPHY (Trial of Preventing Hypertension), 809 participants dont la TA était dans les limites supérieures de la normale (en moyenne, 134+/-4 sur 85+/-4 mmHg) ont reçu aléatoirement du candésartan ou un placebo, et on a observé une baisse de 66,3 % (p<0,001) du risque d’hypertension (>140/90 mmHg) après quatre ans.

Bien qu’il ne soit pas monnaie courante de traiter une TA dans les limites supérieures de la normale en raison des coûts que cela engendrerait pour le système de santé, cette étude montre que l’identification précoce des patients à risque permettrait de traiter ces patients précocement et ainsi de faire échec au processus morbide. Outre leurs effets bénéfiques indépendants de leur effet antihypertensif chez des patients ayant subi un IM ou souffrant d’insuffisance rénale chronique ou d’insuffisance cardiaque, les inhibiteurs du SRA sont aussi associés à une diminution du nombre de nouveaux cas de diabète. Quoique l’hypothèse n’ait pas encore été prouvée, ces données semblent indiquer que l’utilisation d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine pour le traitement de l’hypertension essentielle pourrait protéger contre l’apparition d’une atteinte des organes cibles, par exemple une hypertrophie ventriculaire gauche et une protéinurie. Une meilleure stratification du risque se traduira peut-être par l’administration d’un hypolipidémiant et d’un antihypertenseur chez les patients vulnérables.

Résumé

La majorité des événements CV surviennent chez des patients exposés à un risque moyen selon les systèmes traditionnels de détermination du risque, comme l’équation de Framingham. De nouvelles stratégies d’identification des patients vulnérables – notamment des méthodes plus sensibles de stratification du risque et des techniques avancées d’imagerie – devraient nous permettre de traiter le patient plus tôt, lorsqu’il est encore possible de stopper la maladie ou de la faire régresser. Les hypolipidémiants et les antihypertenseurs qui semblent conférer une protection des organes cibles sont au nombre de ces médicaments à envisager plus tôt. Les études cliniques donnent à penser qu’il est maintenant possible de traiter au-delà des facteurs de risque et ainsi de faire échec aux processus morbides sous-jacents.

D’après la ou les séances approuvées par la SCC et le CCSC figurant ci-dessous :

«Perspective CV : Commentaires d’experts sur la prise en charge du risque cardiovasculaire chez le patient vulnérable », dimanche 21 octobre, 7 h à 10 h, salle 200 B, 2e étage.

Affiche n° 859 au SCC. Costa-Scharplatz M, Beamer B, Frial T, Gandhi SK «Cost-effectiveness of commonly used statins in the management of dyslipidemia: A Canadian system perspective», Mardi 23 octobre, 12 h 30-15 h 30, Forum communautaire.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.