Comptes rendus

Spondylarthrite ankylosante accompagnée de symptômes extra-articulaires : l’inflammation est le dénominateur commun
Polyarthrite rhumatoïde : prise en charge des cas à évolution rapide

Progrès dans la maîtrise du rhumatisme psoriasique : regard sur les manifestations articulaires et extra-articulaires

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 7e Congrès européen annuel de rhumatologie (EULAR)

Amsterdam, Pays-Bas / 21-24 juin 2006

De l’avis du Dr Filip Van den Bosch, Hôpital universitaire de Gand, Belgique, «il est clair que les agents biologiques se taillent une place dans la prise en charge de la spondylarthrite, et ce rôle semble particulièrement important en présence de manifestations extra-articulaires. Les agents biologiques constituent le traitement de choix chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante qui souffrent également d’une uvéite, de la maladie de Crohn ou d’une colite ulcéreuse.»

Les données les plus récentes à l’appui de l’administration précoce d’un agent biologique chez les patients ayant des manifestations extra-articulaires d’une maladie rhumatismale proviennent d’une évaluation prolongée de l’infliximab, inhibiteur du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa), chez des patients souffrant de rhumatisme psoriasique (RP). Si les premières données de l’essai IMPACT (Infliximab Multinational Psoriatic Arthritis Controlled Trial) publiées l’année dernière (Arthritis Rheum 2005;52[4]:1227-36) ont associé cet agent à une amélioration soutenue des manifestations articulaires et dermatologiques jusqu’à la semaine 50, les résultats présentés au congrès ont mis en évidence une protection contre la progression de l’incapacité jusqu’à la deuxième année.

«Pendant un traitement continu d’une durée pouvant atteindre deux ans, la proportion de patients présentant une aggravation cliniquement significative demeurait faible dans le groupe infliximab», explique le Dr Arthur Kavanaugh, directeur, Center of Innovative Therapy, et professeur de clinique en médecine, division de rhumatologie, d’allergie et d’immunologie, University of California-San Diego, La Jolla. D’autres études s’imposent pour démontrer que ces résultats se traduisent par une amélioration de la capacité fonctionnelle à long terme, au travail par exemple, prévient-il, mais le traitement précoce par un inhibiteur du TNFa semble exercer un effet favorable sur l’évolution naturelle du RP.

Analyse des phases de prolongation des essais IMPACT et IMPACT 2

Les données présentées par le Dr Kavanaugh provenaient d’une analyse à un et à deux ans de la phase de prolongation de l’essai IMPACT. Cette étude regroupait au total 304 patients qui n’avaient pas eu une réponse appropriée à un antirhumatismal de fond (DMARD, pour disease-modifying antirheumatic drug) préalable et qui, après randomisation, ont reçu l’infliximab ou un placebo. Cela dit, les sujets des deux études qui recevaient une dose stable de méthotrexate au départ avaient l’autorisation de poursuivre ce traitement. Une dose du traitement actif de 5 mg/kg ou un placebo était administré aux semaines 0, 2 et 6, puis à intervalles de huit semaines. Les sujets qui recevaient un placebo pouvaient passer au groupe de traitement actif après 16 semaines dans l’essai IMPACT et après 24 semaines dans l’essai IMPACT 2.

À 16 semaines, dans le cadre de l’essai IMPACT, le critère ACR 20, c’est-à-dire une amélioration de 20 % selon l’American College of Rheumatology, avait été atteint chez 65 % des patients du groupe infliximab vs 10 % des patients du groupe placebo. Les critères ACR 50 et ACR 70 ont été atteints respectivement chez 46 % et 29 % des patients qui recevaient l’infliximab, mais aucun patient du groupe placebo n’a bénéficié de pareille maîtrise de la maladie. De même, le critère PASI 75 (amélioration de 75 % de l’indice PASI ou Psoriasis Area and Severity Index) a été atteint chez 68 % des sujets du groupe de traitement actif vs aucun sujet du groupe placebo. Des améliorations relatives similaires ont été observées dans l’essai IMPACT 2 après 14 semaines, qui a par ailleurs associé le traitement actif à une protection significative contre la dactylite et l’enthésopathie. Cela dit, les données les plus récentes, qui portent sur un suivi pouvant atteindre deux ans après la randomisation, ont démontré que le soulagement des symptômes et la protection contre l’incapacité avaient persisté de façon presque intégrale.

«À 96 semaines, dans le cadre de l’essai IMPACT, la proportion de patients recevant le traitement continu qui répondaient au critère ACR 20 ou au critère PASI 75 était restée comparable à ce que l’on avait observé à 16 semaines», explique le Dr Kavanaugh. Plus précisément, à 96 semaines, 61,5 % des patients répondaient toujours au critère ACR 20 et 64 % répondaient toujours au critère PASI 75.

Les données de l’essai IMPACT 2 à 54 semaines sont maintenant disponibles. Là encore, les effets bénéfiques de l’infliximab ont persisté. Si 58 % des sujets répondaient au critère ACR 20 à 14 semaines (vs 11 % des sujets du groupe placebo), 58,9 % de ceux qui avaient d’abord été randomisés dans le groupe de traitement actif et 61,4 % de ceux qui avaient été randomisés dans le groupe placebo et qui étaient ensuite passés au groupe infliximab répondaient au critère ACR 20 à 54 semaines. Le critère PASI 75, qui avait été observé chez 63,9 % des patients du groupe infliximab à 14 semaines (vs 2,3 % des sujets du groupe placebo), a été atteint à 54 semaines chez 50 % des patients randomisés d’emblée dans le groupe infliximab et chez 60,3 % des patients du groupe placebo qui sont ensuite passés au traitement actif.

Lorsque les investigateurs se sont servis de l’échelle validée HAQ-DI (Health Assessment Questionnaire Disability Index), ils ont noté une aggravation cliniquement significative (baisse de ³0,3 point) chez 41,2 % des sujets du groupe placebo à 16 semaines dans l’essai IMPACT et chez 41 % des sujets du groupe placebo à 14 semaines dans l’essai IMPACT 2. Dans le groupe infliximab de l’essai IMPACT, aucun patient ne présentait d’aggravation cliniquement significative à 16 semaines alors que 5,2 % des patients en présentaient une à 98 semaines. Lors de l’essai IMPACT 2, une aggravation avérée a été enregistrée chez 1,0 % des patients à 14 semaines et chez 4,0 % des patients à 54 semaines.

Lors de l’essai ADEPT (Adalimumab Effectiveness in Psoriatic Arthritis Trial), l’adalimumab, autre inhibiteur du TNFa, a aussi fait la preuve d’un effet bénéfique soutenu contre les composantes articulaires et dermatologiques du RP. Lors de cet essai de phase III randomisé, 313 patients souffrant de RP ont reçu l’adalimumab ou un placebo. À 24 semaines, un effet bénéfique sur les manifestations cutanées et articulaires de la maladie a été observé sans égard à la sévérité et à la durée initiales des symptômes, précisent les investigateurs sous la direction du Dr Christopher T. Ritchlin, allergie, immunologie et rhumatologie, University of Rochester School of Medicine, New York.

Agents biologiques dans divers sites d’inflammation

Les bienfaits soutenus de l’infliximab dans le RP ont été attribués au rôle clé que joue le TNFa dans l’orchestration de l’inflammation, à la fois dans les sites articulaires et les sites extra-articulaires. Cela dit, nous avons besoin d’un plus grand nombre de données pour déterminer si tous les inhibiteurs du TNFa exercent une activité comparable sur différents sites d’inflammation. Selon le Dr Van den Bosch, il ressort de comparaisons d’études que même si ces agents exercent des effets anti-inflammatoires comparables sur l’articulation, ils ne semblent pas interchangeables sur le plan de la maîtrise des symptômes extra-articulaires, dont le psoriasis.

«Les anticorps monoclonaux et les récepteurs solubles ont des propriétés différentes et des profils de liaison au TNFa distincts qui donnent lieu à quelques différences clés sur le plan de l’efficacité contre les manifestations extra-articulaires», fait valoir le Dr Van den Bosch, qui insistait en particulier sur la protection contre les maladies inflammatoires de l’intestin (MII). Certes, des études comparatives s’imposent, mais l’étanercept, contrairement à l’infliximab ou à l’adalimumab, s’est montré très peu actif contre les MII lors d’essais contrôlés.

Le même argument a été avancé par le Dr Martin Rudwaleit, Charité, Campus Benjamin Franklin, Berlin, Allemagne, concernant le psoriasis et l’uvéite. L’infliximab et l’adalimumab sont plus actifs que l’étanercept. Dans l’uvéite, l’adalimumab n’a pas encore fait l’objet d’études approfondies, mais l’étanercept, quoique actif, ne s’est pas révélé aussi bénéfique que l’infliximab.

Manifestations extra-articulaires

De l’avis du Dr Rudwaleit, «il est critique de reconnaître la présence de manifestations extra-articulaires de l’inflammation comme le psoriasis, l’uvéite et les MII et d’en tenir compte dans le choix du traitement de la spondylarthrite. Pareille démarche diagnostique et thérapeutique assure l’optimisation du traitement et, partant, maximise la probabilité de maîtrise complète de l’inflammation.»

La capacité des inhibiteurs du TNFa à maîtriser l’un des médiateurs centraux de l’inflammation a suscité un intérêt pour l’utilisation précoce de ces agents. Il semble qu’ils offrent non seulement une bonne maîtrise des symptômes, dont les symptômes extra-articulaires, mais aussi qu’ils stoppent la progression de la maladie et l’atteinte tissulaire possiblement irréversible. Le moment optimal pour commencer à administrer ces agents à des patients souffrant de spondylarthrite limitée aux articulations, surtout ceux qui répondent aux DMARD, suscite encore la controverse. Cependant, de plus en plus de chercheurs s’entendent pour dire que les patients souffrant d’une maladie inflammatoire ayant des manifestations extra-articulaires auraient peut-être intérêt à recevoir sans délai ces agents qui améliorent à la fois la maîtrise de l’inflammation et l’issue à long terme.

Résumé

L’inflammation est le mécanisme commun qui sous-tend les diverses manifestations articulaires et extra-articulaires, comme le psoriasis, l’uvéite ou les MII, de la spondylarthrite ankylosante. Les agents biologiques ciblés, surtout les inhibiteurs du TNFa, sont les agents qui se sont révélés les plus efficaces pour maîtriser le processus inflammatoire. La plupart de ces agents exercent une activité cliniquement significative sur les manifestations articulaires et extra-articulaires de la maladie, mais le degré de l’activité sur ces manifestations est variable. De nouvelles données montrant que ces agents préviennent la progression expliquent l’émergence d’un consensus selon lequel l’utilisation précoce de ces agents est appropriée pour maîtriser la maladie.

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