Comptes rendus

Stratégies de chimioprévention dans le cancer de la prostate : résolution d’une énigme
Mise à jour sur les nouvelles stratégies dans le traitement des cancers de l’appareil digestif

Progrès dans la quête d’un meilleur pronostic du gliome malin

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

42e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Atlanta, Géorgie / 2-6 juin 2006

Malgré les améliorations du traitement standard contre le gliome malin, le pronostic demeure sombre, affirme le Dr Mark Gilbert, vice-président, département de neuro-oncologie, et professeur agrégé de médecine, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston. La chirurgie vise un triple objectif dans le traitement du gliome : réduction de la masse tumorale; diminution des symptômes (palliation); et prélèvement d’une pièce biopsique pour confirmer le diagnostic histologique.

L’étendue de l’exérèse du gliome demeure controversée. Aucun essai randomisé n’a évalué les retombées d’une chirurgie plus étendue vs moins étendue. Cela dit, des analyses fondées sur la collecte de données prospectives et rétrospectives semblent favoriser une chirurgie plus étendue dans une certaine mesure, fait valoir le Dr Gilbert. Une analyse intéressante dont les résultats ont été publiés portait sur 416 patients chez qui le glioblastome multiforme avait fait l’objet d’une chirurgie d’exérèse. Dans chaque cas, on a mesuré le volume de la tumeur avant et après l’intervention. L’analyse a révélé qu’une résection >98 % était associée à une augmentation significative (p<0,0001) de la survie (Lacroix et al. J Neurosurg 2001;95[2]:190-8).

Un essai randomisé sur la chirurgie avec ou sans implantation de gaufrettes de carmustine a mis au jour une nouvelle stratégie pour améliorer l’issue clinique des gliomes malins nouvellement diagnostiqués. Dans les cas où la carmustine a été implantée, on a noté une augmentation de 29 % de la survie, ce qui était statistiquement significatif (p=0,03) (Westphal et al. Neuro-Oncology 2003;5[2]:79-88). Cependant, on a ensuite découvert que certains patients n’étaient pas porteurs d’un glioblastome et, lorsque ces patients ont été exclus de l’analyse, l’effet de la carmustine sur la survie n’était pas aussi significatif.

Il y a plus de 25 ans, il avait été démontré que l’ajout de la radiothérapie à la chirurgie augmentait la survie moyenne des patients porteurs d’un gliome malin (Walker et al. N Engl J Med 1980;303[23]:1323-9). Cependant, les résultats ne sont pas constants. Par exemple, l’évaluation de la radiothérapie externe suivie d’une brachythérapie n’a pas réussi à démontrer d’amélioration de la survie chez des patients dont le glioblastome multiforme venait d’être diagnostiqué (Prados et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1992;24[4]:593-7).

Plus récemment, la radiochirurgie a été évaluée chez des patients souffrant d’un glioblastome diagnostiqué depuis peu. Tous les patients ont d’abord reçu une radiothérapie externe et la carmustine et, après randomisation, une partie d’entre eux ont subi une radiochirurgie stéréotaxique. L’ajout de la radiochirurgie n’a toutefois pas prolongé la médiane de survie (Souhami et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2004;60[3]:853-60).

Plusieurs obstacles notables ont limité le rôle de la chimiothérapie dans le gliome malin, dont une pénétration médiocre du médicament dans la tumeur, une toxicité systémique, des interactions médicamenteuses et une chimiorésistance intrinsèque de la tumeur, explique le Dr Gilbert. Par conséquent, la plupart des essais n’ont mis au jour qu’un effet modeste sur la survie (Medical Research Council Brain Tumour Working Party. J Clin Oncol 2001;19[2]:509-18). Selon une méta-analyse de 12 essais cliniques randomisés sur la chimiothérapie dans le gliome malin, la chimiothérapie, par comparaison à l’absence de chimiothérapie, est associée à une réduction de 15 % du risque relatif de mortalité (Stewart et al. Lancet 2002;359 [9311]:1011-8).

Avenir prometteur

L’évaluation clinique du témozolomide, un agent alkylant, a généré des données plus encourageantes sur le rôle de la chimiothérapie dans le traitement du glioblastome. Fait digne de mention, une étude de phase III a comparé la chirurgie et la radiothérapie, avec ou sans témozolomide (Stupp et al. N Engl J Med 2005;352[10]:987-96). Cet essai, qui était financé conjointement par l’Institut national du cancer du Canada, a mis en évidence une amélioration significative de la survie sans progression (SSP), de la médiane de survie globale et du taux de survie à deux ans chez des patients ayant reçu cet agent (Tableau 1). Une analyse de sous-groupe a fait ressortir un avantage systématique associé à l’utilisation de cet agent, sans égard à l’âge et au sexe du patient, à la résection, à l’indice fonctionnel, à la fonction cognitive ou aux antécédents de corticothérapie.

Tableau 1. Statistiques de survie


«Nous avons maintenant des données de niveau I provenant d’une étude de phase III qui font de la chimioradiothérapie la nouvelle norme de traitement chez les patients porteurs d’un glioblastome, affirme le Dr Gilbert. Nos recherches futures devront prendre appui sur cette plate-forme de traitement.»

Le développement clinique de cet agent a pris avantage de nouvelles connaissances sur le fondement moléculaire du gliome malin. La surexpression de MGMT (O6-méthylguanine-DNA-méthyltransférase), une enzyme réparatrice d’ADN, est associée à la chimiorésistance de la tumeur, explique le Dr Roger Stupp, Centre d’oncologie multidisciplinaire, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne, Suisse. Cette protéine de réparation transfère le groupe alkyle de la position O6de la guanine, l’une des cibles des agents alkylants, vers le site actif de l’enzyme dans une réaction de type «suicide». La guanine est alors rétablie, tandis que la MGMT est inactivée de façon irréversible. On pense que la méthylation de la guanine en position O6 serait le médiateur principal de la cytotoxicité du témozolomide.

«Les tumeurs qui expriment faiblement la MGMT sont les plus sensibles à la chimiothérapie par un agent méthylant comme le témozolomide», poursuit le Dr Stupp.

L’expression tumorale de la MGMT peut contribuer à prédire la réponse à l’agent. Dans l’essai de phase III qui a mis en évidence l’avantage du traitement concomitant témozolomide plus radiothérapie, on a observé une amélioration significative de la survie globale (p=0,007) chez les patients porteurs d’un promoteur de MGMT méthylée. En revanche, l’avantage était modeste chez ceux qui étaient porteurs d’un promoteur de MGMT non méthylée (p=0,06). Dans ce dernier groupe, cependant, on a noté une prolongation significative de la SSP sous l’effet du témozolomide administré comme traitement adjuvant (p=0,02) (Hegi et al. N Engl J Med 2005;352[10]:997-1003) (Figure 1).

Figure 1. MGMT : Facteur prédictif de l’effet bénéfique
traitement par le TMZ

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Stratégies thérapeutiques en devenir

La reconnaissance du rôle de la MGMT dans le gliome malin a permis la mise au point de nouvelles stratégies potentielles pour maximiser la sensibilité de la tumeur aux agents alkylants. Au nombre de ces stratégies, citons l’inhibition de la MGMT (comme la O6-benzyl-guanine), la déplétion de la MGMT par l’administration continue du témozolomide ou l’ajout d’agents chloroéthylants, et l’association d’un agent alkylant avec les enzymes nucléaires poly(ADP) polymérase (PARP) 1 et 2, qui décèlent les cassures d’ADN et recrutent les enzymes de réparation par excision de base.

Un essai clinique de phase I a démontré la faisabilité d’associer le témozolomide avec la O6-benzyl-guanine chez des patients porteurs d’un gliome malin (Quinn et al. J Clin Oncol 2005;23[28]:7178-87). Même si cette étude n’avait pour objectif que la détermination de la dose, le traitement a donné lieu à une réponse complète qui a persisté pendant presque trois ans, indique le Dr Stupp.

Il a été démontré que des schémas à dose densifiée à base de cet agent permettent d’obtenir une réduction significative de l’activité de la MGMT. En effet, des études ont révélé que le témozolomide à dose densifiée peut diminuer l’activité de la MGMT de 72 à 73 % en quelques jours seulement, selon la dose (Tolcher et al. Br J Cancer 2003;88[7]:1004-11). Cela dit, il n’existe encore aucune donnée clinique montrant que la déplétion efficace de la MGMT se traduit par une activité antitumorale plus marquée, souligne le Dr Stupp.

Le groupe RTOG (Radiation Therapy Oncology Group) et l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC) ont entrepris une étude de phase III pour déterminer si la méthylation du promoteur de la MGMT a une valeur pronostique dans le gliome malin et pour démontrer la faisabilité de la détermination du statut du promoteur de la MGMT. L’objectif premier est de surmonter la résistance au traitement par une déplétion continue du réservoir cellulaire de MGMT. Les Drs Gilbert et Stupp dirigent l’étude.

Les résultats d’un petit essai clinique dirigé par la Dre E. Ruth Plummer, Northern Institute for Cancer Research, University of Newcastle Upon Tyne, Royaume-Uni, et ses collaborateurs ont examiné l’effet de l’association du témozolomide avec la PARP-1 (Proc Am Soc Clin Oncol 2006;24:456S[résumé 8013]). Les investigateurs de cet essai en cours aspirent à un effectif de 40 patients souffrant d’un mélanome métastatique. Chez les 20 premiers patients évaluables, ils ont enregistré quatre réponses partielles (25 %) et quatre stabilisations prolongées. L’administration du témozolomide seul aurait autorisé un taux de réponse d’environ 15 %, soutient le Dr Stupp.

Oligodendrogliomes

De plus en plus de données montrent que les caractéristiques moléculaires ont d’importantes retombées pronostiques et prédictives dans le gliome, comme la méthylation du promoteur de la MGMT dans le glioblastome multiforme. L’un des objectifs cliniques clés de l’avenir sera l’intégration des connaissances à la prise en charge clinique des gliomes, affirme le Dr Martin van den Bent, Centre d’oncologie Daniel den Hoed, Centre médical de l’Université Érasme, Rotterdam, Pays-Bas.

La double délétion des bras chromosomiques 1p et 19q caractérise jusqu’à 70 % des oligodendrogliomes. Il y a près de 10 ans, un essai clinique a mis en évidence une réponse de 100 % à la chimiothérapie des oligodendrogliomes caractérisés par la double délétion 1p/19q, par comparaison à un taux de réponse de 25 % pour les tumeurs non caractérisées par la double délétion 1p/19q (Cairncross et al. J Natl Cancer Inst 1998;90[19]:1473-9).

Dans le cadre d’autres essais cliniques, le RTOG et l’OERTC ont montré que la chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante prolonge la SSP chez les patients porteurs d’un oligodendrogliome anaplasique. Ces essais ont aussi montré que l’absence de 1p/19q est le principal facteur pronostique de la survie. Cependant, la double délétion chromosomique n’était pas prédictive de l’efficacité de la chimiothérapie. Bien que la médiane de SSP ait été estimée à 69 mois, la médiane de survie globale n’a pas encore été atteinte (Abrey et al. J Neurooncol 2003;65[2]:127-34).

«L’absence de la double délétion 1p/19q permet d’identifier les patients chez qui la chimiothérapie de première intention (procarbazine/lomustine/vincristine) ne prolonge pas la SSP, confirme le Dr van den Bent. Si la chimiothérapie est envisagée en première intention dans le traitement d’une tumeur oligodendrogliale, le facteur 1p/19q pourrait faciliter la prise de décision.»

Vu les implications cliniques de la double délétion 1p/19q et de la méthylation de la MGMT, la prochaine génération d’essais cliniques sur le gliome anaplasique sera axée sur la classification moléculaire plutôt que sur la morphologie clinique.

Transduction du signal

Au fil du temps, la prise en charge clinique du glioblastome fera de plus en plus appel aux inhibiteurs de la transduction du signal et à d’autres agents ciblés, fait valoir le Dr Minesh Mehta, professeur titulaire et chef, département d’oncologie humaine, University of Wisconsin, Madison. L’une des stratégies cliniques prometteuses consiste à cibler le récepteur du facteur de croissance épithéliale (EGFR), qui est surexprimé, amplifié ou muté dans 50 à 70 % des cas de glioblastome multiforme.

Cependant, le rôle de l’EGFR dans le glioblastome n’est pas simple. Une analyse rétrospective regroupant 156 patients ayant participé à des essais du RTOG a révélé que la surexpression de l’EGFR n’avait pas eu de retombées sur la survie (Chakravarti et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2005;62[2]:318-27). «L’EGFR n’est pas un facteur pronostique en soi», prévient le Dr Mehta.

De plus, les données d’une analyse réalisée par le Dr Arnab Chakravarti, professeur agrégé de radio-oncologie, Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston, et ses collaborateurs et présentée au congrès a fait ressortir un avantage sur le plan de la survie par rapport à des témoins historiques lorsque le gefitinib, un inhibiteur de l’EGFR, était ajouté à la radiothérapie chez des patients dont le glioblastome multiforme venait d’être diagnostiqué (Proc Am Soc Clin Oncol 2006;24:64S[résumé 1527]).

Une autre étude récente a jeté un éclairage nouveau sur le rôle de l’expression de l’EGFR dans le glioblastome. Des investigateurs se sont penchés sur l’expression de l’EGFR, sur une forme mutante de l’EGFR présentant une délétion (EGFRvIII) et sur la protéine PTEN suppressive de tumeur, chez des patients dont le gliome malin récurrent était traité au moyen d’un inhibiteur de l’EGFR (Mellinghoff et al. N Engl J Med 2005;353[9]:2012-24). Lors d’une comparaison de sept patients chez qui la tumeur avait diminué significativement de volume et de 19 patients chez qui la tumeur n’avait pas diminué de volume de manière significative, on a observé une corrélation significative entre, d’une part, la co-expression de l’EGFRvIII et de la protéine PTEN et, d’autre part, la réponse aux inhibiteurs de l’EGFR (p<0,001).

Notant que les glioblastomes sont fortement angiogéniques, le Dr Mehta a prédit que les inhibiteurs de l’angiogenèse feront l’objet d’une évaluation approfondie comme traitement potentiel pour les tumeurs.

On a aussi obtenu des résultats encourageants dans un essai du RTOG où étaient associées la radiothérapie et l’enzastaurine, inhibiteur du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), dans le traitement du glioblastome multiforme. Chez 36 patients évaluables, on a enregistré 14 (39 %) réponses objectives majeures, dont une réponse complète (Fine et al. Proc Am Soc Clin Oncol 2005;23:résumé 1504).

De même, on a obtenu des résultats encourageants lors d’une analyse rétrospective portant sur des patients porteurs d’un gliome de haut grade récurrent qui ont reçu le bevacizumab, un anticorps monoclonal anti-VEGF, et la chimiothérapie. L’examen IRM réalisé chez 14 patients a mis en évidence sept réponses partielles, trois stabilisations et une progression. On a enregistré une réponse majeure chez quatre des 10 patients porteurs d’un glioblastome multiforme (Pope et al. Neurology 2006;66[8]:1258-60).

Le sorafenib, un inhibiteur multi-kinases, agit sur de multiples voies qui contribuent sensiblement à la radiorésistance, ajoute le Dr Mehta. L’association de pareil inhibiteur à cibles multiples avec la radiothérapie constitue une autre démarche prometteuse dans le traitement des gliomes malins.

«Un certain nombre de voies moléculaires de la croissance du glioblastome multiforme ont été identifiées, conclut le Dr Mehta. La signification pronostique de chacune d’elles n’est pas bien établie, mais la présence simultanée de facteurs tels que l’EGFRvIII et la PTEN pourrait être fort prédictive de la réponse. Des inhibiteurs de ces voies sont en cours d’évaluation, mais les premiers résultats sont mitigés. Un grand nombre de ces inhibiteurs agissent en synergie avec la radiothérapie. Le blocage de cibles multiples sera peut-être la voie de l’avenir.»

Résumé

«De plus en plus, le diagnostic moléculaire fait partie intégrante de la recherche clinique en neuro-oncologie, affirme le Dr van den Bent. Les essais prévus permettront une analyse plus approfondie des lésions moléculaires jouant un rôle spécifique. En dehors des essais cliniques, par contre, le diagnostic moléculaire a peu de retombées sur la prise de décisions cliniques, la seule exception étant la chimiothérapie de première intention chez les patients porteurs d’un oligodendrogliome.»

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