Comptes rendus

Le point sur la vaccination en pédiatrie : le cinquième et dernier sérogroupe responsable des infections invasives à méningocoque dans la mire
Amélioration de la réponse au traitement de première intention dans la leucémie myéloïde chronique

Protection accrue contre deux infections graves : l’infection invasive à méningocoque de sérogroupe B et l’influenza

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 29e Assemblée annuelle de la European Society for Pediatric Infectious Diseases (ESPID)

La Haye, Pays-Bas / 7-11 juin 2011

Rédactrice médicale : Dre Julie Frère, Montréal, Québec

Qu’elle se manifeste par un sepsis ou une méningite, l’infection invasive à méningocoque (IIM) est bien connue des médecins qui traitent les enfants. Il est toutefois difficile de reconnaître l’infection avant qu’elle ne devienne fulminante, car le prodrome est non spécifique et donc difficile à différencier des autres maladies virales – beaucoup plus fréquentes – qui guérissent spontanément. S’il s’agit d’une IIM, on observe une décompensation rapide, et la maladie continue de progresser même après la mise en route de l’antibiothérapie appropriée.

Dans certaines provinces canadiennes, notamment au Québec, on a mis sur pied en 2002 un programme de vaccination contre le méningocoque de sérogroupe C (dose unique) pour les nourrissons de 12 mois. On estime maintenant qu’à l’âge de 24 mois, environ 90 % des nourrissons ont été vaccinés. Entre 1997 et 2010, environ 900 cas d’IIM ont été répertoriés au Québec, souligne la Dre Rodica Gilca, épidémiologiste, Institut national de santé publique du Québec, Québec. «Sauf en 2001-2002, année où l’on a connu une épidémie d’IIM de sérogroupe C, la grande majorité des IIM sont imputables au méningocoque de sérogroupe B», explique-t-elle.

Au cours des 3 dernières années, 97 % de toutes les IIM signalées chez des résidants du Québec de 0 à 19 ans ont été causées par le méningocoque de sérogroupe B, ajoute-t-elle, indiquant que le méningocoque de sérogroupe C cause maintenant <5 % de toutes les IIM au sein de la province. La proportion d’IIM de sérogroupe C était identique chez les enfants de <5 ans : au cours des 3 dernières années, 97 % de toutes les IIM survenues dans ce groupe d’âge étaient imputables au méningocoque de sérogroupe B. En fait, parmi les jeunes enfants, on a répertorié un seul cas d’IIM non imputable au méningocoque de sérogroupe B, et cette IIM n’était pas imputable au méningocoque de sérogroupe C non plus (Figure 1).

Chez les adolescents, l’incidence globale des IIM de sérogroupe B était relativement faible jusqu’en 2003-2004, souligne la Dre Gilca. «À partir de 2004, chez les 15 à 19 ans, on a observé une augmentation très rapide de l’incidence des IIM de sérogroupe B; à vrai dire, elle a été multipliée par un facteur de 6 par rapport aux années antérieures», poursuit-elle. Chez les enfants de <5 ans, en revanche, l’incidence des IIM de sérogroupe B est demeurée relativement constante au fil des années. «Au Québec, le méningocoque de sérogroupe B est responsable de la très grande majorité des IIM, affirme la Dre Gilca, et je pense que globalement, c’est aussi le cas au Canada.»

Figure 1. Cas d’infections invasives à Neisseria Meningitidis, par sérogroupe, dans la province de Québec, au Canada, de 1997 à 2010


Vaccins quadrivalents

L’épidémiologie imprévisible des IIM souligne la nécessité de vaccins qui offrent une protection complète contre les méningocoques de tous les sérogroupes, affirme le Dr Marco Safadi, professeur adjoint de pédiatrie, Faculdade e Ciências Médicas Santa Casa de São Paulo, Brésil. Les résultats d’une vaste étude de phase III menée chez des nourrissons ont montré que le vaccin quadrivalent MenACWY-CRM (Menveo) était fortement immunogène et bien toléré. Un mois après les 3 premières doses, plus de 90 % des nourrissons étaient parvenus à des titres d’anticorps hSBA (activité bactéricide du sérum mesurée à l’aide du complément humain) =1:8, titres considérés comme séroprotecteurs. Les titres d’anticorps avaient chuté de manière significative avant la dose de rappel. Cependant, 1 mois après la dose de rappel du MenACWY-CRM, entre 95 et 100 % des nourrissons étaient parvenus à des titres protecteurs contre les 4 sérogroupes.

Autre fait important, des données récentes indiquent qu’il est possible de stimuler la séroprotection à l’aide du même vaccin quadrivalent chez les nourrissons qui ont déjà reçu le vaccin conjugué contre le méningocoque de sérogroupe C. «Des études regroupant >20 000 sujets de divers pays ont montré que le vaccin MenACWY-CRM était immunogène et bien toléré chez les nourrissons, les jeunes enfants, les adolescents et les adultes, fait valoir le Dr Safadi, ce qui nous donne vraiment la possibilité d’offrir une protection élargie contre les IIM à tous les groupes d’âge.»

IIM de sérogroupe B

Jusqu’à tout récemment, la protection contre les IIM ne s’appliquait pas aux infections causées par le méningocoque de sérogroupe B, que l’on sait responsable de la vaste majorité des IIM. Des données du Royaume-Uni ont révélé que l’incidence des IIM de sérogroupe B atteignait un pic à l’âge de 5 mois, note le Dr Peter Dull, chercheur en infectiologie et en vaccinologie, San Francisco, Californie. «La protection à un très jeune âge est donc d’une absolue nécessité», dit-il. Au Canada, en 2009, le Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) écrivait dans une déclaration que les taux d’infection par le méningocoque de sérogroupe B étaient «particulièrement élevés» chez les nourrissons et les enfants de <4 ans, mais que la maladie pouvait survenir à n’importe quel âge (RMTC 2009;36:DCC-3). En 2006, le méningocoque de sérogroupe B a été tenu responsable de 82 % de toutes les IIM chez les nourrissons de <1 an et de 72 % de toutes les IIM chez les enfants de 1 à 4 ans; chez les adolescents de 15 à 19 ans, le méningocoque de sérogroupe B a été incriminé dans 68 % de toutes les IIM.

Un nouveau vaccin contre le méningocoque de sérogroupe B – le vaccin à 4 composants contre le méningocoque de sérogroupe B (4CMenB) – s’est révélé capable d’offrir cette protection précoce. Sous la direction d’un expert en vaccinologie, Rino Rappuoli, PhD, Sienne, Italie, des chercheurs ont eu recours à un processus dit de «vaccinologie inverse» pour repérer plusieurs antigènes de surface qui contribuent étroitement à la survie, à la capacité d’adaptation ou à la virulence de ce micro-organisme. La présence de multiples composants donne lieu à une activité bactéricide synergique et limite l’émergence de souches mutantes qui échappent au vaccin, explique le Dr Dull. Afin d’accroître l’immunogénicité du vaccin, on a ajouté des composants de vésicule de membrane externe (OMV [outer membrane vesicles]) d’une souche néozélandaise hypervirulente.

À ce jour, on a recruté dans le cadre du programme de recherche clinique sur le vaccin 4CMenB plus de 1500 adolescents et adultes de même que près de 5000 nourrissons de 2 mois ou plus. Les chercheurs ont exploré un vaste éventail de schémas de primovaccination afin que le nouveau schéma de vaccination puisse être intégré facilement aux calendriers actuels de vaccination des nourrissons. Lorsqu’ils ont évalué l’immunogénicité du vaccin 4CMenB, les chercheurs ont dû quantifier la réponse immunitaire vis-à-vis de chacune des 4 composants du vaccin : variant 1 de fHbp (factor H-binding protein); adhésine A de Neisseria (NadA); antigène NHBA (Neisserial heparin-binding antigen); et PorA 1.4 (OMV). Parmi les quelque 3600 enfants qui ont reçu les trois doses de primovaccination à 2, 4 et 6 mois, 100 %, 100 %, 84 % et 84 % ont atteint des titres bactéricides séroprotecteurs =1:5 contre fHbp, NadA, PorA 1.4 et NHBA, respectivement. «Il importe de souligner, ajoute le Dr Dull, que nous avons observé des réponses similaires dans les deux groupes de nourrissons, qu’ils aient reçu le vaccin 4CMenB avec ou sans les vaccins usuels».

Le vaccin est réactogène et entraîne un accès de fièvre chez environ 30 % des nourrissons. La fièvre est toutefois très prévisible : on observe un pic environ 6 heures après la vaccination, puis une diminution marquée le 2e jour; et le 3e jour, elle a disparu. «Lorsque les parents et les médecins savent qu’il y a un risque de fièvre et qu’ils en parlent, le taux de consultations motivées par la fièvre ne devrait pas augmenter, puisqu’on n’a rien observé de tel durant la portion ouverte de l’étude», précise le Dr Dull.

Dans une autre étude, Prymula et ses collaborateurs (ESPID 2011; résumé P770) ont pour leur part constaté qu’une forte fièvre était rare chez des sujets qui recevaient de l’acétaminophène en prophylaxie selon le schéma suivant : 1 dose (10-15 mg/kg) avant la vaccination par le 4CMenB et 2 autres doses (à 4-6 heures d’intervalle après la vaccination). L’acétaminophène administré en prophylaxie n’a pas nui à l’immunogénicité du vaccin ni à celle des vaccins usuels administrés en concomitance.

Le Pr Timo Vesikari, École de médecine de l’Université de Tampere, Finlande, a aussi présenté les réponses à la dose de rappel du vaccin 4CMenB administrée à l’âge de 12 mois chez des nourrissons qui avaient reçu à 2, 4 et 6 mois la série de 3 doses de primovaccination. «À 12 mois, les titres d’anticorps hSBA contre fHbp et NadA étaient encore élevés chez de nombreux enfants; par contre, les titres d’anticorps hSBA contre NHBA et OMV étaient plus faibles», poursuit le Pr Vesikari. Un mois après l’administration de la dose de rappel, 94 à 100 % des enfants qui avaient reçu le vaccin 4CMenB en même temps que le vaccin contre la rougeole, la rubéole, les oreillons et la varicelle (RROV) et de ceux qui avaient reçu la dose de rappel seule présentaient des titres d’anticorps hSBA =1:5 contre les 4 antigènes. Là encore, la réponse au vaccin 4CMenB n’a pas été modifiée par l’administration concomitante du vaccin RROV. «La protection contre le méningocoque de sérogroupe B est plus importante encore que contre les méningocoques de tous les autres sérogroupes», confirme le Pr Vesikari.

Le vaccin a aussi été mis à l’essai chez les adolescents de 11 à 17 ans. Un mois après avoir reçu une dose unique, 92 à 97 % des sujets vaccinés étaient parvenus à des titres bactéricides contre les 3 antigènes que le vaccin renfermait à ce moment-là; après 2 doses, ce pourcentage s’élevait à 99-100 %. Fait intéressant à souligner, la fièvre n’a pas été aussi fréquente chez les adolescents que chez les enfants, et les réactions locales étaient légères ou modérées pour la plupart.

Vaccins antigrippaux adjuvantés vs à virus inactivé

Comme l0146 explique le Pr Fred Zepp, Johannes Gutenberg-Universität, Mayence, Allemagne, le virus de l’influenza est responsable de >60 % de toutes les infections respiratoires chez les enfants, le taux d’attaque pouvant atteindre 20 % chez les enfants de <4 ans (Figure 2). Quelque 40 % des décès liés à l’influenza surviennent chez des enfants de <2 ans, le risque de transmission de la grippe étant à son maximum à cet âge. «Au cours des 2 premières années de vie, le système immunitaire n’est pas entraîné et il est lent à réagir; les cellules dendritiques, en particulier, ont besoin d’un signal beaucoup plus fort pour être activées et conférer une protection immunitaire», explique le Pr Zepp.

Ainsi, au cours de leurs premières années de vie, les enfants sont très vulnérables à l’infection grippale, ajoute-t-il. En outre, les jeunes enfants propagent le virus, tant dans leur groupe d’âge que dans l’ensemble de la population et surtout chez les sujets âgés. Lorsqu’un jeune enfant contracte l’influenza, le risque de complications est plus élevé; d’ailleurs, le taux d’hospitalisation est plus élevé chez les enfants de <4 ans que dans n’importe quel autre groupe d’âge.

Figu
ar le virus grippal

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En Ontario, on a mis sur pied un programme de vaccination antigrippale universelle à l’intention des enfants de 6 mois à 4 ans, et on observe déjà une diminution d’environ 50 % de la mortalité, des hospitalisations et des visites au Service des urgences, ce qui «démontre clairement les retombées favorables d’un programme de vaccination universelle», fait remarquer le Pr Zepp. Cela est d’autant plus extraordinaire que les vaccins antigrippaux trivalents (VAGT) traditionnels sont efficaces à moins de 60 % chez les sujets de <16 ans; chez les enfants de <2 ans, l’efficacité des VAGT est voisine de celle d’un placebo.

Le Pr Vesikari a décrit à l’auditoire le rôle qu’il avait joué dans l’évaluation d’un nouveau vaccin contre la grippe saisonnière, le vaccin à adjuvant MF59, qui a été évalué chez quelque 2000 nourrissons. Les enfants, âgés de 6 à 72 mois, ne devaient jamais avoir été vaccinés contre l’influenza. L’essai s’est déroulé sur deux saisons de grippe. Comme la première saison a généré peu de données, les résultats de l’étude sont principalement ceux de la saison 2008-2009. Les nourrissons recevaient soit le vaccin à adjuvant MF59, soit un VAGT traditionnel. Tous les enfants recevaient à 28 jours d’intervalle deux doses du vaccin qui leur avait été attribué, et le suivi portait sur l’ensemble de la saison grippale (6 mois). Les enfants de <36 mois recevaient la moitié de la dose du vaccin alors que les enfants plus âgés recevaient la dose complète. «C’est donc dire que les enfants plus jeunes ont reçu la moitié de la dose des antigènes et la moitié de la dose de l’adjuvant», note le Pr Vesikari. Le paramètre d’évaluation de l’essai était une infection grippale confirmée en laboratoire (par PCR).

Chez les enfants de 6 à 72 mois, l’efficacité absolue du vaccin à MF59 a atteint 89 % contre les souches vaccinales et des souches voisines vs 45 % pour le VAGT. Parmi les enfants plus jeunes (de 0 à 36 mois), l’efficacité absolue du vaccin à MF59 se chiffrait à 86 % vs 41 %. Parmi les enfants de 36 à 72 mois, elle était encore plus grande : 96 % vs 48 %. La prise en compte de toutes les souches circulantes du virus grippal dans l’analyse d’efficacité «n’a pas changé grand-chose aux résultats; en effet, les taux d’efficacité pour le vaccin à adjuvant MF59 sont très similaires, alors qu’ils étaient à peine significatifs pour le vaccin antigrippal traditionnel, poursuit le Pr Vesikari. Dans cet essai qui regroupait des enfants de 6 à 72 mois, le vaccin à adjuvant a été 75 % plus efficace que le VAGT contre la grippe causée par toutes les souches circulantes, qu’il y ait concordance ou non avec les souches vaccinales, et la solide réponse immunitaire au vaccin adjuvanté s’est maintenue tout au long de la saison grippale.»

Arora et ses collaborateurs ont comparé le profil d’innocuité du vaccin à adjuvant MF59 à celui d’un vaccin antigrippal sans adjuvant (communication par affiche). L’analyse groupée de 4840 enfants – dont environ la moitié a reçu le vaccin à MF59 et l’autre, le vaccin sans adjuvant – a mis en évidence une légère augmentation des réactions locales et systémiques dans le premier groupe. Chez les enfants les plus jeunes (36 mois), les réactions locales les plus fréquentes étaient l’érythème, suivi d’une douleur à la pression. Chez les sujets plus âgés (3 à 9 ans et 9 à 18 ans), les réactions locales les plus fréquentes étaient la douleur au point d’injection, suivie de l’érythème. La plupart des réactions, légères à modérées, ont été spontanément résolutives et, comme le précisent les auteurs, le taux d’abandon prématuré pour cause d’effets indésirables était semblable dans les deux groupes.

Dans leur propre analyse de l’innocuité du vaccin à adjuvant MF59 chez les enfants de 6 à =24 mois, Tsai et ses collaborateurs ont constaté que 40 % des jeunes sujets ayant reçu le vaccin adjuvanté avaient eu une réaction locale vs 31 % des sujets ayant reçu le VAGT, et que 55 % des sujets des deux groupes avaient eu une réaction systémique. Dans les deux groupes, les réactions locales les plus fréquentes – légères et transitoires – étaient l’érythème et la douleur à la pression au point d’injection, et les réactions systémiques les plus fréquentes étaient l’irritabilité, les pleurs inhabituels et l’envie de dormir; <1 % des nourrissons de chaque groupe ont eu un accès de fièvre =40 °C.

Résumé

L’IIM et la grippe sont des infections importantes en pédiatrie. Le développement clinique de deux vaccins permettant de prévenir la majorité des IIM au Canada et l’influenza chez les très jeunes enfants, va bon train, et l’on s’attend à l’homologation des deux vaccins. Une fois homologués, le vaccin 4CMenB et le vaccin à adjuvant MF59 contre la grippe saisonnière représenteront des progrès considérables qui vont bien au-delà des options actuelles au chapitre de la protection des jeunes enfants et des adolescents.

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