Comptes rendus

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Protection élargie contre les infections pneumococciques grâce aux vaccins multivalents

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESS PRIORITAIRE - La 28e Assemblée annuelle de l’ESPID (European Society of Pediatric Infectious Diseases)

Nice, France / 4-8 mai 2010

La protection que confère le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent (PNEU-C-7) contre les infections pneumococciques invasives (IPI) a été amplement démontrée dans nombre de pays, en particulier aux États-Unis. Le PNEU-C-7 a été commercialisé aux États-Unis à la suite d’un essai de Kaiser Permanente sur 37 868 patients qui avait objectivé une efficacité de 97 % contre les sérotypes ciblés. Le PNEU-C-7 est ainsi devenu la référence dans le cadre de nombreuses campagnes nationales de vaccination.

Cependant, souligne le Pr Paolo Bonanni, Département d’hygiène et d’épidémiologie, Università degli Studi di Firenze, Italie, les sérotypes responsables de nombreuses infections à pneumocoque ont évolué à cause de l’utilisation répandue du PNEU-C-7. «À l’échelle mondiale, les IPI demeurent la cause principale de mortalité et de morbidité chez les jeunes enfants, et l’émergence de nouveaux sérotypes continue de mettre à l’épreuve les programmes de prévention dans chaque pays», poursuit le Pr Bonanni.

Dans son tour d’horizon des données à l’appui de la vaccination de masse contre les IPI, le Pr Bonanni faisait remarquer qu’au Canada, l’introduction de la vaccination systématique des nourrissons par le PNEU-C-7 avait réduit de plus de 81 % l’incidence des IPI chez les enfants de moins de 2 ans. En Norvège, toujours chez les enfants de moins de 2 ans, l’incidence a baissé de 95 % après l’introduction du PNEU-C-7, mais les sérotypes de remplacement qui se sont ensuite taillé une place ont de quoi inquiéter. En outre, le nombre d’infections causées par l’un ou l’autre des sept sérotypes vaccinaux est passé au Royaume-Uni de 300 cas à moins de 20 par année après l’introduction du schéma de vaccination à trois doses chez les nourrissons.

Malgré tout, ajoute le Pr Bonanni, l’infection à pneumocoque demeure une source d’inquiétude à la grandeur de la planète à cause de l’émergence de sérotypes de remplacement. «L’incidence des infections causées par le sérotype 19A atteint 20 à 40 % dans un grand nombre de pays, dit-il, et au Québec, les sérotypes 19A, 7F et 15B atteignent des niveaux sans précédent.»

Mesure de l’efficacité du vaccin

Le Pr David Goldblatt, University College London Institute of Child Health, Royaume-Uni, précise que la plupart des autorités sanitaires acceptent les études sérologiques comme substituts des études sur l’efficacité du vaccin. Le seuil de protection vaccinale qui fait consensus à l’échelle mondiale est un titre d’anticorps de 0,35 µg/L contre tous les sérotypes.

Cela dit, de nouvelles données du Royaume-Uni sur le sérotype 6B ayant objectivé un seuil de protection de seulement 0,2 µg/L semblent indiquer que le seuil pourrait être plus faible pour certains sérogroupes et, par conséquent, qu’un titre d’anticorps de 0,2 µg/L après la vaccination pourrait conférer une protection efficace, note le Dr Goldblatt.

Aux États-Unis, les Centers for Disease Control ont essentiellement donné leur aval à cette conclusion dans l’énoncé de position qu’ils ont publié sur l’efficacité du PNEU-C-13. Cependant, poursuit le Dr Goldblatt, l’activité opsonophagocytaire (OPA) des anticorps dirigés contre les différents sérotypes de Streptococcus pneumoniae pourrait mieux refléter la protection contre l’infection que le titre sérique d’IgG. Le dosage in vitro de l’OPA des anticorps sériques permettrait de mesurer l’activité fonctionnelle des anticorps in vivo et le «titre OPA» serait corrélé avec l’immunité protectrice.

Récemment, dans le cadre d’un essai à double insu avec randomisation qui regroupait neuf établissements au Royaume-Uni, on a mesuré le titre OPA après un schéma de vaccination 2+1 à l’aide du PNEU-C-7 ou du PNEU-C-13. Les échantillons sanguins prélevés immédiatement après la vaccination ont montré un titre OPA =1:8 contre les 13 sérotypes chez 87 à 100 % des sujets du groupe PNEU-C-13, mais ce pourcentage avait chuté à moins de 50 % pour les sérotypes 4, 18C, 19F et 19A après 12 mois. À la suite de la dose de rappel, à en juger par le dosage de l’OPA, le taux variait de nouveau entre 93 et 100 % pour tous les sérotypes. Fait important à souligner, la moyenne géométrique des titres OPA penchait fortement en faveur du PNEU-C-13 : 6703 vs 304 dans le groupe PNEU-C-7.

Un chercheur, le Dr Bernard Fritzell, Paris, France, a présenté un survol des résultats de 13 essais cliniques regroupant au total 4729 nourrissons vaccinés par le PNEU-C-13 et 2760 nourrissons vaccinés par le PNEU-C-7. Les données groupées montrent que le PNEU-C-13 possède un profil d’innocuité comparable à celui du PNEU-C-7, qui a été utilisé chez plus de 300 millions d’enfants dans le monde entier. «Toutes ces études ont montré qu’il n’y avait aucune différence statistiquement significative entre les deux [vaccins] quant à l’incidence des réactions au point d’injection [avec une sensibilité importante au toucher chez environ 10 % des sujets des deux groupes], de la fièvre, des perturbations du sommeil ou de l’appétit ou de l’irritabilité après la vaccination, affirme le Dr Fritzell. L’administration simultanée d’autres vaccins usuels du nourrisson n’influe pas sur le profil d’innocuité du PNEU-C-13.»

Résultats d’autres études

Dans le cadre d’une étude pivot avec randomisation (1:1), on a comparé le PNEU-C-13 au nouveau PNEU-C-10 chez 300 nourrissons. Le PNEU-C-13 s’est révélé aussi efficace, voire plus efficace, contre 12 des 13 sérotypes qui nous préoccupent actuellement. La mesure de l’efficacité du PNEU-C-13 contre le sérotype 6B a révélé que le PNEU-C-13 était associé à un titre OPA protecteur (1:8) un mois après la vaccination chez 90 % des nourrissons, par comparaison à 80 % dans le cas du PNEU-C-10. Le PNEU-C-13 a été associé à une activité plus modérée contre les sérotypes 1, 3, 5 et 7F, mais son efficacité était tout de même supérieure à celle du PNEU-C-10.

Le Dr Emmanuel Grimpel, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, Paris, a récemment dirigé une étude avec randomisation (1:1) sur l’innocuité et l’efficacité du PNEU-C-13 chez des enfants qui avaient déjà reçu le PNEU-C-7 en primovaccination. «La réponse semble être que le PNEU-C-13 peut se substituer au PNEU-C-7 à n’importe quel moment, car les deux agents offrent la même protection contre les sept sérotypes du PNEU-C-7 sans compter qu’ils ont des profils d’innocuité presque identiques», affirme le Dr Grimpel.

Les chercheurs ont aussi tenté de savoir combien de doses du PNEU-C-13 étaient nécessaires pour faire durer la protection contre les nouveaux sérotypes. L’analyse a révélé que l’administration d’une dose de PNEU-C-13 en rappel après l’âge de 1 an avait permis d’obtenir des titres fortement protecteurs d’anticorps contre les sérotypes non ciblés par le PNEU-C-7 chez près de 100 % des sujets. «Une dose de rappel unique à l’âge de 1 ou 2 ans prolonge nettement la protection», conclut le Dr Grimpel.

Nouveaux programmes de vaccination

Dans le cadre du congrès de l’ESPID de cette année, plusieurs séances ont porté sur de nouveaux programmes de vaccination dans le monde entier.

Une étude chinoise visait à évaluer les bénéfices éventuels, pour la santé et l’économie, de la vaccination systématique des nourrissons de moins de 2 ans à l’aide du PNEU-C-13 par comparaison à la non-vaccination. Sous la direction du Dr Kenneth Lee, Faculté de pharmacie, Chinese University of Hong Kong, les chercheurs ont conclu que cette campagne avait coûté 34 $US de plus par enfant, mais qu’elle avait permis de prévenir 1534 maladies graves chez les nourrissons au sein d’une population de 7 millions, pour un coût potentiel moyen de 2144 $ par cas. «Notre étude semble indiquer que le PNEU-C-13 est globalement très efficient», conclut le Dr Lee.

Une autre étude réalisée en Turquie, qui portait sur un total de 202 isolats d’infections invasives à S. pneumoniae, a permis de constater que la couverture du PNEU-C-13 était supérieure de 22,7 % à celle du PNEU-C-7 – qui était de 70 % – alors que celle du PNEU-C-10 était supérieure de 9 %.

Il est ressorti d’une étude menée en parallèle au Brésil de 1999 à 2008 que l’incidence du sérotype 6B était en hausse et qu’elle avait atteint 52,3 % des isolats. Les données du groupe de São Paolo semblent indiquer que le PNEU-C-13 pourrait prévenir 96,6 % des IPI dans la région vs 92,1 % pour le PNEU-C-10.

Résumé

Au chapitre de la santé publique, les campagnes de vaccination de masse contre les infections à pneumocoque à l’aide du PNEU-C-7 ont connu un succès indéniable, mais elles ont aussi donné lieu à l’émergence de sérotypes de remplacement, maintenant plus courants et responsables d’une proportion croissante d’infections pneumococciques invasives à l’échelle de la planète. Le nouveau vaccin antipneumococcique à 13 valences cible six sérotypes de plus, et on peut raisonnablement s’attendre à une diminution supplémentaire de 50 % de l’incidence des IPI. Il incombe maintenant aux pédiatres de préconiser son utilisation dans les groupes d’âge appropriés afin que l’incidence de la maladie n’augmente pas en raison de l’émergence continue de sérotypes non vaccinaux.

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