Comptes rendus

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Préservation de la puissance antifongique dans les populations exposées à un risque élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 47e Congrès intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

Chicago, Illinois / 17-20 septembre 2007

Le Dr Thomas Patterson, professeur titulaire de médecine et directeur, San Antonio Center for Medical Mycology, Texas, a présenté les résultats d’un examen rétrospectif, à partir de dossiers médicaux, des premiers résultats obtenus grâce à la caspofongine, nouvelle échinocandine. On a demandé à 18 cliniciens de plusieurs établissements américains de remplir un cahier d’observations pour 268 patients qui avaient reçu de la caspofongine peu après son homologation aux États-Unis en traitement de rattrapage de l’aspergillose invasive.

Ils ont d’abord repéré les patients les plus exposés à une mycose invasive. Dans cette cohorte, la majorité des sujets touchés étaient des receveurs d’une greffe de moelle osseuse (39 %) ou des patients atteints d’une hémopathie maligne (19 %). Parmi les autres groupes particulièrement vulnérables, notons les receveurs d’une greffe d’organe plein, les sujets atteints du SIDA et les porteurs d’une tumeur solide. Les chercheurs ont également cerné les facteurs de prédisposition aux mycoses invasives : prise d’antibiotiques au cours des deux semaines précédentes (72 %), présence d’un cathéter central (66 %), fièvre supérieure à 38 ºC (61 %), nombre absolu de neutrophiles (NAN) <500 cellules/mm³ (35 %) et séjour à l’unité des soins intensifs (USI) au cours des sept jours précédents (29 %).

Près du tiers de la cohorte (32 %) a reçu la caspofongine en traitement de rattrapage de l’aspergillose invasive, et 22 % des patients visés présentaient des manifestations pulmonaires de la maladie. Une tranche de 46 % de la cohorte a pris de la caspofongine pour traiter une infection à Candida, plus précisément une candidémie dans 24 % des cas. D’autres ont eu recours à cette échinocandine dans des cas de neutropénie fébrile, à des fins prophylactiques ou autres, notamment en présence d’infections urinaires.

«Dans l’aspergillose, on a enregistré un taux d’échec élevé, soit 52 %», notent les chercheurs, y compris un taux de mortalité de 45 % au cours des sept jours ayant suivi la fin du traitement. Toutefois, comme le fait remarquer le Dr Patterson, «les réponses obtenues dans ce groupe sont très proches des données du dossier d’homologation de la caspofongine en traitement de rattrapage; dans l’ensemble, ces sujets sont donc tout à fait comparables».

Ajoutons que les receveurs d’une greffe de moelle osseuse et les patients atteints d’une hémopathie maligne représentaient près de 60 % de la cohorte soumise à l’examen rétrospectif. En pareilles circonstances, «un taux de réponse de 35 % (21 % de réponses complètes [RC] et 14 % de réponses partielles [RP]) n’est probablement pas déraisonnable, puisque la maladie sous-jacente provoquera beaucoup de décès chez ces patients», de préciser le Dr Patterson. La caspofongine a amené un taux de RC de 75 % en traitement de premier recours de la candidémie et de 63 % en traitement de rattrapage. Enfin, au cours des sept jours ayant suivi la fin du traitement, environ 22 % des patients atteints d’une candidémie sont décédés dans le groupe premier recours, tandis que le taux d’échec – y compris les décès – s’est élevé à 27 % chez les sujets traités en rattrapage.

Des constatations rassurantes

La plupart des patients (93 %) ayant reçu de la caspofongine à titre prophylactique n’ont pas développé de mycose en cours de traitement. Notons que les chercheurs n’ont pas pu déterminer quels types de sujets avaient été soumis à une prophylaxie antifongique. Toutefois, comme le souligne le Dr Patterson, si 7 % d’entre eux ont souffert d’une infection malgré le traitement préventif, il y a lieu de croire qu’il s’agissait de patients exposés à un risque très élevé. «Selon moi, cet examen ne fait que rendre compte des taux de réponse clinique obtenus lors de l’application réelle du traitement. Il est rassurant de constater que les patients répondent aux doses habituelles et subissent peu d’effets toxiques», conclut-il.

Populations exposées à un risque élevé

L’utilité de la prophylaxie antifongique dans les populations hautement vulnérables, notamment celle de l’USI, ne fait pas l’unanimité, mais la prévention doit être envisagée pour plusieurs excellentes raisons. Comme le fait remarquer le Dr Luis Ostrosky-Zeichner, groupe d’étude sur les mycoses et professeur agrégé de médecine, University of Texas at Houston, le traitement d’une seule mycose invasive coûte environ 44 000 $, et le taux de mortalité oscille encore autour de 40 %. Il va de soi que la prévention d’infections si coûteuses est souhaitable.

Les résultats d’une étude pilote sur les bienfaits d’un traitement par la caspofongine à l’USI en prévention des candidoses intra-abdominales ont de quoi étonner. «Nous avions déjà démontré qu’une candidose intra-abdominale s’installait chez 30 à 40 % des opérés aux prises avec une perforation gastro-intestinale récidivante, une fuite anastomotique ou une pancréatite aiguë nécrosante», précise le Dr Oscar Marchetti, Service des maladies infectieuses, Université de Lausanne, Suisse. Des espèces Candida autres qu’albicans étant de plus en plus souvent à l’origine de ces infections, notamment C. glabrata et C. krusei, le groupe suisse a voulu évaluer l’efficacité et l’innocuité de la prophylaxie par la caspofongine chez des sujets à l’USI en raison d’une perforation gastro-intestinale récidivante, d’une fuite anastomotique ou d’une pancréatite aiguë.

L’équipe a recruté 19 patients, en majorité des hommes, dont l’âge médian était de 69 ans. Tous ont reçu un antibactérien en plus de la caspofongine, administrée pendant une durée médiane de 16 jours. Au début du traitement, 69 % des sujets étaient colonisés par C. albicans et presque tous l’étaient toujours à la fin de la prophylaxie. Pourtant, la prévention par la caspofongine a été efficace chez 95 % des patients, un seul sujet ayant subi une candidose intra-abdominale malgré le traitement préventif. Les chercheurs ajoutent qu’aucune espèce Candida autre qu’albicans n’a émergé pendant le traitement et qu’aucun effet indésirable nécessitant l’arrêt de la prophylaxie n’a été observé.

Le Dr Ostrosky-Zeichner a présenté les résultats d’une étude à double insu avec placebo dans laquelle des sujets répondant à certains critères prévisionnels entre le troisième et le cinquième jour d’un séjour à l’USI ont reçu, après randomisation, de la caspofongine à 50 mg/jour (n=27) ou un placebo (n=11) pendant le restant de leur séjour dans cette unité. Les critères prévisionnels étaient les suivants : séjour prévu de plus de 48 heures et antibiothérapie ou cathéter central du premier au troisième jour et au moins deux autres facteurs, notamment alimentation parentérale totale, dialyse, intervention chirurgicale, pancréatite, stéroïdes ou autres immunosuppresseurs.

«Malheureusement, nous avons dû mettre fin à l’étude plus tôt que prévu en raison d’un recrutement léthargique», déplore le Dr Ostrosky-Zeichner. Il n’en reste pas moins que les chercheurs ont pu démontrer, dans la première étude, que la caspofongine semblait sûre et efficace en prévention des mycoses à l’USI, affirme-t-il.

À titre d’exemple, sur les 18 patients du groupe sous traitement actif parvenus au terme des 14 jours de suivi, un seul (4 %) a développé une candidose invasive, comparativement à trois des sept sujets du groupe placebo ayant également terminé l’étude. «Les effets indésirables n’ont pas été plus fréquents dans le groupe caspofongine que dans le groupe placebo, notent les chercheurs, et les décès n’étaient pas liés au traitement.» Concédant que la population de l’étude était restreinte, les chercheurs font cependant valoir que les critères prévisionnels «reflètent sans doute très fidèlement les circonstances de survenue de la candidose invasive.

Résumé

La caspofongine, antifongique de la classe des échinocandines, s’est révélée efficace. Son emploi est indiqué en traitement empirique d’une mycose présumée chez le patient aux prises avec une neutropénie fébrile ainsi qu’en traitement de la candidose invasive, y compris la candidémie, des abcès intra-abdominaux, de la péritonite et des infections de la cavité pleurale. En outre, la caspofongine représente une option de traitement indispensable chez le patient atteint d’une aspergillose invasive et réfractaire aux autres antifongiques ou ne les tolérant pas. L’utilisation de la caspofongine est également approuvée dans la candidose de l’œsophage. Les travaux exploratoires sur son emploi en prophylaxie des mycoses graves dans les populations exposées à un risque élevé ont donné des résultats assez prometteurs pour justifier la tenue d’autres études. Peut-être pourrait-on, par la prévention, éviter ces infections coûteuses et sauver des vies.

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