Comptes rendus

Santé de la prostate : Intervention précoce et prévention chez l’homme âgé
Traitement de courte durée de l’herpès récurrent

Rééducation pénienne après une prostatectomie radicale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

9e Congrès de la European Society for Sexual Medicine (ESSM)

Vienne, Autriche / 3-6 décembre 2006

Compte rendu de : Gerald B. Brock, MD, FRCSC

St. Joseph’s Health Centre London, Ontario

Professeur titulaire de chirurgie Division d’urologie University of Western Ontario London, Ontario

FACTEURS NEUROGÈNES CONTRIBUANT À LA DYSFONCTION ÉRECTILE

Le traitement de la dysfonction érectile (DE) consécutive à la prostatectomie a traditionnellement reposé sur l’attente sous surveillance marquée au coin de la prudence, les pompes à vide, les traitements intracaverneux ou intra-urétraux et les implants péniens. Il semble toutefois que la DE faisant suite à une prostatectomie radicale rétropubienne avec préservation nerveuse (PRRpn) soit le plus souvent le fait de facteurs neurogènes, plus précisément l’atteinte des nerfs caverneux. Il existe d’ailleurs une nette corrélation entre la préservation des paquets nerveux pendant l’intervention chirurgicale et le maintien de la fonction érectile. De fait, la préservation nerveuse bilatérale constitue le gage le plus sûr du maintien de la fonction érectile.

Après l’opération, la fonction érectile se rétablit en six à 48 mois. L’absence d’érections naturelles pendant cette période de neurapraxie est à l’origine d’une hypoxie caverneuse qui, avec le temps, prédispose vraisemblablement le patient à la fibrose caverneuse et à la DE. Le premier pas vers la conservation de la capacité érectile est le recours à la PRRpn. Par ailleurs, on doit absolument éviter la coagulation thermique et préparer avec soin le champ opératoire. Les facteurs pronostiques les plus importants à l’égard du rétablissement de la fonction sexuelle sont le nombre de paquets vasculo-nerveux préservés, l’âge et la fonction sexuelle préopératoire.

Comme le souligne le Dr Steven Joniau, Hôpital universitaire, Louvain, Belgique, le cancer de la prostate est détecté de plus en plus tôt et chez des hommes plus jeunes, d’où l’importance accrue de la préservation non seulement de la fonction érectile, mais également de l’orgasme et de la continence. Le Dr Joniau s’est demandé quels étaient les facteurs prédictifs déterminants relativement au résultat fonctionnel. Il a donc mené une étude chez 161 patients de 45 à 75 ans qui ont subi une PRRpn et ont pris du sildénafil au besoin; ces hommes ont répondu à des questions sur leurs capacités fonctionnelles, notamment à une question qui permettait d’évaluer à la fois les fonctions érectile et orgasmique ainsi que la continence. Les sujets ont été suivis pendant 18 mois.

Deux facteurs liés à l’intervention chirurgicale – la perte de sang et la qualité de la préservation nerveuse – revêtaient une valeur prédictive : la perte de sang était prédictive de la capacité sexuelle, de l’orgasme et de la continence, tandis que la préservation nerveuse était prédictive de la fonction orgasmique et, dans une certaine mesure, de la capacité sexuelle. L’âge du patient présentait une forte valeur prédictive pour l’ensemble du volet fonctionnel, et le volume prostatique était pertinent au chapitre de la capacité sexuelle et de l’orgasme. Autres éléments importants : la durée de l’intervention ainsi que les stades clinique et pathologique. On n’a pas établi de lien entre le score de Gleason et les conséquences de nature sexuelle.

DYSFONCTION ÉRECTILE POSTOPÉRATOIRE : CONSIDÉRATIONS PHYSIOPATHOLOGIQUES

Comme la microarchitecture du tissu érectile est étroitement liée à sa fonction, la PRR entraîne souvent une DE consécutive aux lésions que subissent, pendant l’intervention, les nerfs communiquant avec ce tissu. L’énervation et/ou l’ischémie déterminant une fibrose avec diminution manifeste des fibres élastiques et musculaires lisses et augmentation progressive des dépôts de collagène nuisent au fonctionnement des corps caverneux, qui répondent moins bien aux vasodilatateurs locaux et systémiques. La qualité de l’érection et le potentiel de rééducation après une prostatectomie radicale s’en trouvent tous les deux diminués. Si elle est indispensable lors de la PRR, une technique efficace de préservation nerveuse ne permettra pas forcément le rétablissement postopératoire de la fonction érectile.

L’avènement des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE-5) représente un progrès marquant dans le traitement postopératoire de la DE. Les chercheurs estiment que ces agents sont efficaces et bien tolérés dans la prise en charge de la DE consécutive à une prostatectomie radicale, en particulier chez l’homme jeune.

RÉSULTATS D’ÉTUDES

Le Dr Milos Brodak, département d’urologie, Université Charles, Hradec Kralove, République tchèque, a présenté les résultats d’une étude sur la prise en charge de la DE à la suite d’une prostatectomie radicale. Sur les 39 patients évaluables (âge moyen : 65 ans) sexuellement actifs avant l’intervention, huit présentaient un cancer de stade T1, 24, de stade T2 et sept, de stade T3. Ils ont subi une prostatectomie radicale avec préservation nerveuse bilatérale et ont répondu au questionnaire IIEF-5 (International Index of Erectile Function).

On a prescrit aux patients évaluables du sildénafil à 50 mg à prendre au besoin, dose qui pouvait être portée à 100 mg en cas de nécessité. Chez les 39 sujets évaluables après l’opération, 22 (54 %) ont répondu au traitement, et leur score IIEF-5 moyen est passé de 4,4 à 14,4 (p=0,001). De fait, le score moyen est passé de 4,8 à 16,6 chez les sujets les plus jeunes, et de 3,5 à 9,1 chez les plus vieux. Aucun effet indésirable sérieux n’a été noté; cependant, un patient a été temporairement aux prises avec une vision en bleu, mais le problème s’est résorbé. L’effet indésirable bénin le plus fréquent a été l’apparition de céphalées, signalée chez deux patients. Selon les observations des chercheurs, le sildénafil semble inefficace pendant les six à neuf mois qui suivent la prostatectomie, mais son effet s’intensifie avec le temps. Les résultats les plus probants se manifestent au cours des 12 à 24 mois suivant l’intervention. La qualité de la réponse est fonction de l’âge, de la dose et de l’étendue des lésions infligées aux nerfs caverneux.

Les auteurs d’autres études font état d’une réponse précoce plus marquée au sein de cohortes plus vastes, ce qui démontre que la réponse, si elle ne survient pas tôt, peut se manifester après la disparition de la neurapraxie.

INHIBITION DE L’HYPOXIE ET DE LA FIBROSE

Le Dr Andreas Bannowsky, département d’urologie, Hôpital universitaire du Schleswig-Holstein, campus de Kiel, Allemagne, explique que l’augmentation de la pression d’oxygénation dans le pénis lors des érections nocturnes, celle-ci passant de 25 à 40 mm au repos à 90 à 100 mm pendant l’érection, se traduit par une diminution de la fibrose et de l’atrophie d’involution. Or, même une préservation nerveuse réussie n’empêchera en rien la diminution des érections nocturnes et, partant, la baisse de l’oxygénation pénienne qui conduira à l’apoptose et à la fibrose. Si on prescrit un inhibiteur de la PDE-5, on favorisera la reprise des érections nocturnes, les tissus péniens seront dès lors mieux oxygénés, si bien qu’on limitera la fibrose et l’apoptose, ce qui facilitera encore davantage les érections et le rétablissement de la fonction érectile.

Administré tôt après la prostatectomie radicale, le sildénafil semble prévenir la fibrose des corps caverneux – peut-être en s’opposant à la prolifération des fibroblastes – chez les hommes atteints d’un cancer de la prostate, avec rétablissement consécutif de la fonction érectile.

Des pathologistes dirigés par le Dr Fabrizio Iacona, département d’urologie, Université Federico II, Naples, Italie, ont évalué l’efficacité d’un inhibiteur de la PDE-5 en prévention de la fibrose en examinant des échantillons de tissus caverneux prélevés par biopsie avant et après une prostatectomie. Vingt et un patients ont pris du sildénafil à 50 mg trois fois par semaine pendant deux mois peu après avoir subi une prostatectomie radicale. Tous se sont prêtés à une biopsie des corps caverneux avant l’intervention, puis après deux mois de traitement médicamenteux.

Avant l’intervention chirurgicale et le traitement par le sildénafil, puis deux mois après, l’analyse par zone a mis en lumière une variation de 30 à 40 % du pourcentage de tissu conjonctif dans les échantillons de corps caverneux. Par ailleurs, le nombre moyen de fibres élastiques contenues dans les corps caverneux était le même dans les échantillons prélevés avant et après la prostatectomie; en effet, le nombre moyen de fibres par champ soumis à un fort grossissement s’est établi à 111,23 ± 10,81 (écart-type) avant la prostatectomie et à 124 ± 31,12 (écart-type) deux mois après l’intervention. Deux mois après la prostatectomie, six des 21 patients (30 %) signalaient déjà la survenue spontanée d’érections nocturnes et quatre (20 %) avaient repris leurs activités sexuelles avec pénétration valide.

C’est là vraisemblablement un effet important du sildénafil, désormais pris en compte dans la plupart des programmes de rééducation.

DÉLAI DE RÉTABLISSEMENT DE LA FONCTION ÉRECTILE

On ne s’entend pas encore sur le délai de rétablissement de la fonction érectile chez le sujet traité par le sildénafil à la suite d’une PRRpn. Par contre, on sait que les injections intracaverneuses de PGE1 peu après une PRRpn bilatérale accélèrent la reprise des érections spontanées. Des chercheurs ont évalué l’efficacité d’un traitement d’association par ces deux agents et le délai de rétablissement de la fonction érectile.

Ainsi, 26 hommes actifs sexuellement et devant subir une PRRpn en raison d’un cancer prostatique localisé ont reçu, après randomisation, du sildénafil par voie orale (100 mg trois fois par semaine) en association avec l’alprostadil par voie intracaverneuse (10 µg deux fois par semaine), ou du sildénafil par voie orale (100 mg trois fois par semaine) en monothérapie. La rééducation a débuté après le retrait de la sonde, sept jours après l’intervention. Dans le premier groupe, quatre patients sur 13 ont porté leur dose de PGE1 à un maximum de 20 µg après trois mois, deux ont ramené leur dose d’alprostadil à 2,5 ou à 5 µg et un patient traité par cette substance a abandonné l’étude en raison d’une sensation de gêne. Dans le groupe monothérapie, deux patients ont abandonné l’essai et deux autres ont ramené leur dose de sildénafil à 50 mg. La fonction érectile a été évaluée au moyen du questionnaire IIEF au départ, puis après trois, six et neuf mois.

Des érections spontanées partielles sont réapparues chez sept (26,9 %) patients dans un délai de neuf mois. À la fin de l’étude, 23 des 26 sujets avaient retrouvé une vie sexuelle active. Les chercheurs ont conclu qu’un traitement d’association précoce par le sildénafil et la PGE1 à la suite d’une prostatectomie radicale favorisait la reprise de l’activité sexuelle et une réapparition plus rapide des érections naturelles.

Dans la période qui suit immédiatement la PRR, peu d’hommes obtiendront une rigidité complète grâce à la seule inhibition de la PDE-5; par contre, le recours intermittent à des injections de PGE1 pourra permettre la reprise rapide de l’activité sexuelle, tandis que la prise d’un inhibiteur de la PDE-5 une fois par jour ou trois fois par semaine pourra favoriser le rétablissement à long terme.

STRATÉGIES POSOLOGIQUES

Certains chercheurs continuent de croire que la posologie habituelle du sildénafil, soit de 50 à 100 mg au besoin, est suffisante pour le rétablissement de la fonction érectile à la suite d’une PRRpn. Cependant, des données indiquent maintenant que des doses moins élevées, mais prises quotidiennement, permettent d’améliorer l’irrigation sanguine du pénis, favorisant dès lors la reprise des érections après une prostatectomie. Le Dr Bannowsky a affirmé aux congressistes qu’il avait constaté la présence d’une certaine tumescence pénienne nocturne et d’une certaine rigidité chez 93 % des patients au cours de la nuit ayant suivi le retrait de la sonde, ce qui, à ses yeux, constitue le fondement de l’effet physiologique protecteur exercé par des doses de sildénafil plus faibles que les doses habituelles.

Cette étude sur le sildénafil à faible dose portait sur 43 hommes sexuellement actifs âgés de 62,5 ans en moyenne et ayant subi une PRRpn, unilatérale dans 11 cas et bilatérale dans les 32 autres. On a évalué la tumescence pénienne nocturne et la rigidité (nocturnal penile tumescence and rigidigy [NPTR]) (RigiScan) après le retrait de la sonde, sept à 14 jours après l’opération. Quarante et un des 43 patients (93 %) ont eu au moins une érection nocturne mesurable, de 1 à 5 mm, dès le jour du retrait de la sonde. Vingt-trois hommes capables d’obtenir des érections nocturnes ont reçu tous les soirs une faible dose de sildénafil, à savoir 25 mg, et 18 autres ont fait l’objet d’un suivi, mais n’ont reçu aucun traitement.

Au sein du groupe traité, le score IIEF-5 moyen, qui se situait à 20,8 avant l’opération, a évolué comme suit après la prostatectomie : 3,6 après six semaines, 3,8 après 12 semaines, 5,9 après 24 semaines, 9,6 après 36 semaines et 14,1 après 52 semaines. Les chiffres moyens dans le groupe témoin étaient les suivants : 21,2 avant l’opération, 2,4 après six semaines, 3,8 après 12 semaines, 5,3 après 24 semaines, 6,4 après 36 semaines et 9,3 après 52 semaines; à ce moment, l’écart en faveur du groupe traité était significatif (Figure 1).

Figure 1 : Rétablissement de la fonction érectile après une PRRpn


Environ 50 % des hommes sous traitement actif et 30 % des témoins ont fait montre d’une capacité sexuelle manifeste sans prendre de doses additionnelles d’inhibiteur de la PDE-5. Chez les hommes des deux groupes ayant reçu des doses additionnelles de sildénafil au besoin, ces pourcentages se sont accrus pour atteindre 86 % dans le groupe sildénafil et 66 % dans le groupe témoin, différence significative sur le plan statistique.

Ce qu’il faut principalement retenir de cette étude, c’est que la capacité sexuelle est perceptible dès la première nuit suivant le retrait de la sonde. L’évaluation NPTR obtenue par RigiScan semble fort importante, et aucune différence n’a été notée à ce jour entre les groupes avec préservation nerveuse unilatérale ou bilatérale; le nombre peu élevé de patients y est probablement pour quelque chose, et les résultats pourraient changer avec le temps. L’amélioration appréciable de la fonction érectile grâce à une faible dose de sildénafil, associée à une rééducation plus rapide et à une capacité sexuelle accrue, est également digne de mention.

Lors d’une autre étude sur des patients ayant subi une PRRpn, le Dr Pekka Kunelius, Hôpital universitaire d’Oulu, Finlande, et ses collègues n’ont pas observé de réponse significative à l’inhibition de la PDE-5 par rapport au groupe placebo, même chez les quelques patients ayant obtenu une certaine tumescence après la prostatectomie. Cette équivalence entre le placebo et le sildénafil a été attribuée uniquement à la technique chirurgicale. Les chercheurs ont signalé une chute marquée des scores IIEF un mois après l’opération dans les deux groupes, lesquels se sont accrus plus rapidement chez les hommes affectés au hasard au groupe inhibiteur de la PDE-5. Le sildénafil a été bien toléré lors de cette étude.

La prestation du chirurgien est le facteur prédictif le plus important à l’égard de tous les paramètres fonctionnels. Plus précisément, le nombre de paquets vasculo-nerveux préservés représente l’un des facteurs pronostiques les plus déterminants pour ce qui est de la fonction érectile postopératoire. Plus la préservation nerveuse sera réussie, plus la capacité sexuelle et, éventuellement, la fonction orgasmique seront satisfaisantes. Les données révèlent également qu’une bonne préservation nerveuse peut améliorer la continence.

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