Comptes rendus

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Regard sur les INTI de fond : données actuelles à l’appui des schémas recommandés

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

NOUVELLES FRONTIÈRES - La 19e Conférence canadienne annuelle de recherche sur le VIH/SIDA (CAHR 2010)

Saskatoon, Saskatchewan / 13-16 mai 2010

Les résultats d’une nouvelle analyse de la base de données CANOC (Canadian Observational Cohort Collaboration) ont ajouté du poids aux données existantes selon lesquelles le duo abacavir + lamivudine (ABC+3TC) offre une efficacité et une innocuité comparables à celles du duo ténofovir + emtricitabine (TDF+FTC) chez des patients dont l’infection à VIH n’a encore jamais été traitée. Ces données viennent confirmer que les résultats publiés de l’essai ACTG A5202 – le seul essai d’envergure à avoir objectivé une différence entre ces deux duos d’inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) – ne concordent pas avec la majeure partie des données comparatives. À en juger par la base de données CANOC, que l’on a utilisée pour comparer ces deux duos d’INTI selon trois critères distincts, il n’y avait aucune différence significative entre les duos selon ces trois critères. Ces données sont particulièrement importantes, car elles semblent refléter avec exactitude la pratique actuelle au Canada.

«Parmi les Canadiens infectés par le VIH encore jamais exposés à un antirétroviral, les chercheurs n’ont noté aucune différence entre ceux qui avaient commencé par le duo ABC+3TC et ceux qui avaient commencé par le duo TDF+FTC quant à l’intervalle précédant chacun des trois critères, c’est-à-dire la suppression virologique, le remplacement ou l’arrêt de n’importe laquelle des composantes du schéma en cours, ou le remplacement ou l’arrêt du duo d’INTI», explique le Dr Darrell Tan, clinique d’immunodéficience, Toronto General Hospital, University of Toronto, Ontario. «Selon nos résultats, ces deux duos d’INTI sont l’un et l’autre des choix raisonnables en première intention. La décision thérapeutique doit bien sûr être individualisée comme toujours.»

Mise sur pied en 2000, la base de données CANOC est le fruit d’une collaboration entre des établissements de Toronto, de Vancouver, de Montréal et d’Ottawa, dont l’objectif est de recueillir de l’information sur les soins prodigués aux patients infectés par le VIH et les résultats cliniques. Après la publication de l’étude ACTG A5202 et la décision du DHHS de retrancher le duo ABC+3TC des INTI recommandés, on a utilisé la base de données CANOC pour déterminer si les résultats de l’essai ACTG A5202 (Sax et al. N Engl J Med 2009;361:2230-40) reflétaient l’expérience canadienne. Une autre étude multicentrique d’envergure, également publiée l’année dernière (Smith et al. AIDS 2009;23:1547-56), n’a mis en évidence aucune différence entre les duos ABC+3TC et TDF+FTC quant au taux d’échec virologique lorsqu’ils étaient comparés directement. Lors de cette étude, intitulée HEAT, qui était la première à comparer ces duos d’INTI prospectivement avec randomisation et placebo, les taux d’échec virologique à 96 semaines étaient exactement les mêmes, et la stratification des patients en fonction de leur charge virale initiale – inférieure ou supérieure à 100 000 copies de l’ARN du VIH/mL – n’a révélé aucune différence. L’innocuité et la tolérabilité des deux duos d’INTI étaient aussi comparables.

Réponse virologique

Dans la base de données CANOC, 713 patients jamais traités auparavant recevaient l’un ou l’autre duo d’INTI. Pour être admissibles, les patients devaient avoir au moins 18 ans, vivre au Canada et avoir dans leur dossier au moins deux mesures de la charge virale permettant de quantifier l’efficacité du traitement. Parmi les 713 patients, 442 avaient reçu le duo ABC+3TC et 271, le duo TDF+FTC. Le produit-pilier le plus utilisé dans le groupe ABC+3TC était l’atazanavir potentialisé par le ritonavir (ATV/r; 41,2 %); venaient ensuite l’éfavirenz (EFV; 30,1 %) et le lopinavir potentialisé par le ritonavir (LPV/r; 21,1 %). Dans le sous-groupe TDF+FTC, le produit-pilier le plus utilisé était l’EFV (42,8 %), suivi du LPV/r (26,9 %) et de l’ATV/r (19,6 %). Malgré l’hétérogénéité considérable de l’effectif, le patient type a été décrit comme un homme de 41 ans sans hépatite C concomitante ne faisant pas usage de drogues intraveineuses et n’ayant pas d’antécédents de maladie marquant l’entrée dans le SIDA. Les patients sous ABC+3TC étaient suivis depuis 12 mois en moyenne et les patients sous TDF+FTC, depuis six mois en moyenne.

À six mois, le taux de suppression virologique s’établissait à 69 % dans le groupe ABC+3TC et à 63 % dans le groupe TDF+FTC. À 12 mois, il se chiffrait à 93 % et à 89 %, respectivement (Figure 1). L’intervalle précédant la suppression virologique ne différait pas de manière significative entre les deux groupes, et une charge virale initiale >100 000 copies de l’ARN du VIH/mL ne changeait rien, statistiquement parlant, à l’absence de différence entre les deux groupes. En effet, lorsque les chercheurs ont effectué une analyse statistique distincte pour évaluer la possibilité d’une interaction entre le duo ABC+3TC et une charge virale initiale >100 000 copies/mL, ils n’en ont observé aucune. Une analyse multivariée a mis en évidence une tendance à la hausse de la durée de l’intervalle précédant la suppression virologique pour chaque tranche d’âge supérieure de 10 ans (p=0,08), mais il n’y avait pas non plus de différence significative lorsque les patients étaient stratifiés selon qu’ils recevaient un IP ou un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) avec leur duo d’INTI.

Figure 1. Résultats : Intervalle précédant la suppression virologique


Lorsque les chercheurs ont comparé les deux groupes au chapitre de l’intervalle précédant le remplacement ou l’arrêt de l’une ou l’autre composante du premier schéma antirétroviral, ils n’ont une fois de plus observé aucune différence significative en fonction du duo d’INTI initial ou de la charge virale initiale. Parmi les autres variables examinées lors de l’analyse multivariée sur le remplacement ou l’arrêt d’une composante du schéma, le sexe masculin était associé à une probabilité significativement moindre de remplacement ou d’arrêt (p<0,001) alors que la mise en route du traitement par le LPV/r était associée à une augmentation significative très marquée de la probabilité de remplacement ou d’arrêt (p<0,001). Au chapitre de l’intervalle précédant le remplacement ou l’arrêt du duo initial d’INTI, troisième critère évalué à l’aide de la base de données CANOC, il n’y avait aucune différence significative entre les groupes ABC+3TC et TDF+FTC. Une charge virale >100 000 copies/mL n’influait aucunement sur la similitude de ce résultat dans les deux groupes, et les chercheurs n’ont observé aucune interaction lorsqu’ils ont effectué une analyse statistique distincte pour évaluer la possibilité d’une interaction entre le duo ABC+3TC et une charge virale initiale >100 000 copies/mL.

Ces résultats confirment la pertinence d’une remise en question de la décision du DHHS de retrancher le duo ABC+3TC des schémas d’INTI qu’il recommande. Même si l’essai ACTG A5202 a été conduit rigoureusement, il est rare que l’on modifie la pratique sur la foi d’une seule étude qui contredit les autres, a fortiori s’il s’agit d’une vaste étude multicentrique avec randomisation dont le plan est comparable à celui des autres. En outre, la base de données CANOC semble indiquer que l’essai ACTG A5202 fait cavalier seul sur le plan de l’efficacité. Dans son analyse, le Dr Tan fait état des variables qui auraient pu désavantager le duo ABC+3TC, notamment une plus grande hétérogénéité de la cohorte ABC+3TC, mais l’expérience canadienne donne tout lieu de croire que les duos ABC+3TC et TDF+FTC sont deux options appropriées, ce que l’on reconnaît d’ailleurs dans les guides de pratique européens.

Résumé

Il ressort d’une nouvelle analyse de la base de données CANOC que les duos d’INTI les plus utilisés – ABC+3TC et TDF+FTC – ne diffèrent pas sur le plan de l’efficacité chez des patients infectés par le VIH encore jamais traités lorsqu’ils sont associés à n’importe lequel des IP ou des INNTI d’usage courant. Ces deux duos d’INTI ont été aussi efficaces l’un que l’autre chez des patients dont la charge virale initiale était >100 000 copies/mL, que le critère évalué ait été l’intervalle précédant la suppression virologique, le taux de suppression virologique à six et à 12 mois, l’intervalle précédant le remplacement ou l’arrêt de l’une des composantes du schéma antirétroviral ou encore, le remplacement ou l’arrêt de l’un des duos d’INTI. Les données tirées de l’expérience canadienne auprès de patients non sélectionnés étayent l’utilisation de l’un ou l’autre duo d’INTI dans le traitement de première intention de l’infection à VIH.

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