Comptes rendus

William Osler Health System
Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi

Regina Qu’Appelle Health Region

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - L’heure est au mises à jour - Point de vue régional sur les preuves et les changements qui en découlent

mai 2013

Sous la direction de :

William Semchuk, MSc, PharmD, FCSHP
Chef, Services de pharmacie clinique
Regina Qu’Appelle Health Region
Professeur adjoint de clinique
College of Medicine
College of Pharmacy and Nutrition
University of Saskatchewan
Regina (Saskatchewan)

Introduction

La Regina Qu’Appelle Health Region (RQHR) a récemment actualisé ses options de traitement antiplaquettaire dans la prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA). Les modifications apportées à la liste de médicaments remboursés nous donnent dorénavant la possibilité de réduire significativement le risque d’événement cardiovasculaire (CV) majeur du fait que l’association clopidogrel + AAS, le traitement de référence antérieur, fait place aux nouveaux antiplaquettaires. La modification la plus importante – qui découle des résultats d’un essai d’envergure – est la recommandation voulant que le ticagrelor soit utilisé pour conférer une protection supplémentaire contre les événements CV majeurs dans certains groupes de patients. Reposant sur les résultats des essais cliniques d’envergure qui ont motivé l’actualisation de la liste de médicaments, les nouvelles recommandations ouvrent la porte à des gains cliniques découlant d’un effet antiplaquettaire plus marqué, voire à un risque moindre de décès dans certains cas. Ces avantages s’accompagnent d’un risque faible et acceptable d’hémorragie majeure ou mineure. Comme il est fondamentalement important de désactiver les plaquettes pour modifier l’évolution naturelle d’un SCA, on doit forcément optimiser le traitement antiplaquettaire si l’on aspire à améliorer le pronostic des SCA.

Traitement de référence antérieur : une amélioration s’imposait

Pendant plus de 10 ans, la bithérapie antiplaquettaire clopidogrel + AAS a été la norme dans la prise en charge des SCA, mais le taux d’événements CV chez les patients ayant subi un SCA demeurait assez élevé. Lors de l’essai phare CURE, 10 % des sujets recevant la bithérapie clopidogrel + AAS ont été victimes d’un infarctus du myocarde (IM) récidivant, d’une occlusion artérielle persistante ou d’un décès d’origine CV bien que le recours à la bithérapie ait permis de diminuer de 20 % le risque de survenue de ces événements par rapport à l’AAS seul1. Cette étude a été réalisée chez des patients ayant subi un IM sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI). Lors de l’essai CLARITY-TIMI 28, qui ciblait plutôt des patients ayant subi un IM avec sus-décalage du segment ST (STEMI), le risque résiduel de décès, d’AVC ou d’IM s’élevait à 9 % dans le groupe clopidogrel + AAS malgré une diminution de 31 % du risque d’événement CV majeur par rapport à l’AAS seul2.

Depuis le jour où ces études ont fait de la bithérapie clopidogrel + AAS le traitement de référence des SCA, deux essais d’envergure sur les SCA ont prouvé qu’un traitement antiplaquettaire plus efficace pouvait réduire davantage le risque CV. Dans l’un de ces essais, le ticagrelor était administré à tous les patients en proie à un SCA qui se présentaient à l’hôpital3. Dans l’autre essai, le prasugrel était administré à des patients en proie à un SCA qui étaient censés subir une intervention coronarienne percutanée (ICP)4. Les données de ces essais nous donnent la possibilité d’envisager de meilleurs résultats qu’avec le traitement de référence antérieur clopidogrel + AAS.

Dans le cadre de l’essai TRITON TIMI-38, 13 608 patients en proie à un SCA qui devaient subir une ICP ont été randomisés de façon à recevoir soit une dose d’attaque de prasugrel (60 mg) suivie d’une dose d’entretien de prasugrel (10 mg/jour), soit une dose d’attaque de clopidogrel (300 mg) suivie d’une dose d’entretien de clopidogrel (75 mg/jour). Les deux groupes recevaient de l’AAS. Environ 25 % des SCA étaient des STEMI; les autres étaient des NSTEMI.

Par comparaison au clopidogrel, le prasugrel a diminué de 19 % le risque de survenue d’un événement compris dans le paramètre mixte (mort imputable à un événement CV, IM ou AVC) (HR 0,81; p<0,001). Sous prasugrel, le risque d’hémorragie majeure a augmenté de 32 % (HR 1,32; p=0,03) par rapport au clopidogrel, mais il n’y avait aucune différence sur le plan de la mortalité. Les auteurs ont conclu qu’il fallait soupeser la protection accrue contre les récidives ischémiques en regard du risque hémorragique accru. Des analyses post hoc ont toutefois permis d’orienter la sélection des candidats. 

Dans l’essai PLATO, les sujets admis à l’hôpital pour un SCA ont été randomisés sans égard à l’intervention qu’ils allaient subir ou au traitement antiplaquettaire qu’ils avaient reçu antérieurement. Le groupe expérimental recevait une dose d’attaque de ticagrelor (180 mg), puis une dose d’entretien de ticagrelor (90 mg, 2 fois/jour), tandis que le groupe de comparaison recevait une dose d’attaque de clopidogrel (300 ou 600 mg), puis une dose d’entretien de clopidogrel (75 mg/jour). Les deux groupes recevaient de l’AAS. Environ 37 % des 18 624 patients randomisés avaient eu un STEMI et les autres, un NSTEMI.

Par rapport au clopidogrel, le ticagrelor a diminué de 16 % le risque de survenue d’un événement compris dans le paramètre mixte (décès d’origine vasculaire, IM ou AVC) (HR 0,84; p<0,001). Sur le plan des hémorragies majeures totales, l’écart entre les deux groupes n’a pas atteint le seuil de significativité statistique (11,6 % vs 11,2 %; p=0,43), mais les hémorragies majeures non liées à un pontage aortocoronarien étaient significativement plus fréquentes sous ticagrelor (4,5 % vs 3,8 %; p=0,026). Fait digne de mention dans un essai sur des antiplaquettaires, le ticagrelor a été associé à une diminution de 16 % (HR 0,84; valeur nominale de p<0,001) de la mortalité toutes causes confondues.

Mise en application des nouvelles données

Les résultats des essais TRITON-TIMI 38 et PLATO ont donné lieu à des discussions quant à l’ajout d’options antiplaquettaires sur la liste des médicaments remboursés par la RQHR. Afin de simplifier le processus thérapeutique, il a été décidé d’ajouter un seul des deux nouveaux antiplaquettaires.

Le ticagrelor est l’agent que la RQHR a retenu. Cette décision devrait nous permettre d’améliorer les résultats à en juger par l’essai PLATO. Si l’administration d’AAS s’impose d’emblée dans tous les SCA, le choix du deuxième antiplaquettaire dépend du diagnostic, de la stratégie d’intervention et des caractéristiques du patient. Plusieurs organismes importants ont actualisé leurs recommandations de traitement antiplaquettaire en cas de SCA à la lumière des résultats des essais PLATO et TRITON-TIMI 38, mais il demeure approprié que les régions et les établissements élaborent leurs propres démarches thérapeutiques en raison des particularités quant à l’organisation des soins pour les SCA.

Dans les centres tertiaires de la région, y compris le Regina General Hospital, les résultats des essais PLATO et TRITON-TIMI 38 peuvent être appliqués directement. Que le patient soit en proie à un STEMI ou à un NSTEMI, le ticagrelor est maintenant recommandé en association avec l’AAS, mais le clopidogrel demeure l’antiplaquettaire le plus utilisé en association avec l’AAS au Regina General Hospital. À l’heure actuelle, le ticagrelor est principalement utilisé en association avec l’AAS à 75-150 mg/jour dans les cas où le Saskatchewan Prescription Drug Plan offre une couverture, à savoir chez les patients ayant subi un SCA (STEMI, NSTEMI ou épisode d’angor instable [AI]), selon certains critères (Tableau 1).

Tableau 1. Recommandations de traitement antiplaquettaire dans la Regina Qu’Appelle Health Region


Chez les patients en proie à un STEMI qui sont censés subir une ICP, le prasugrel s’est révélé plus efficace que le clopidogrel en association avec l’AAS dans le cadre d’une bithérapie antiplaquettaire avec l’AAS, mais le ratio bénéfice:risque variait dans les divers sous-groupes de la population de l’essai pivot, ce qui a donné lieu à d’importantes exceptions. Ainsi, non seulement le clopidogrel demeure-t-il le partenaire idéal de l’AAS chez les patients déjà sous anticoagulant ou les patients ayant déjà reçu un fibrinolytique, mais aussi chez les patients de plus de 75 ans, les patients dont le poids est inférieur à 60 kg et les patients ayant des antécédents d’ICT ou d’AVC. Chez ces sujets, les données semblent indiquer que le risque accru d’hémorragie majeure l’emporte sur l’avantage clinique associé au prasugrel. 

Pertinence des nouvelles options
dans les centres régionaux

À en juger par les données objectives voulant que les nouveaux antiplaquettaires puissent améliorer les résultats du traitement d’un SCA, la prise en charge devrait être adaptée, mais cette adaptation n’est pas obligatoire. Compte tenu des disparités importantes d’une région à l’autre dans la prise en charge d’un SCA, principalement imputables à la variabilité des ressources – comme la proximité des salles de cathétérisme et le délai d’entrée en salle de cathétérisme –, on doit adapter les recommandations thérapeutiques aux réalités régionales.

De solides données nous permettent de conclure que le recours à des stratégies plus modernes chez les sujets appropriés améliore l’issue clinique des SCA et peut même diminuer la mortalité. Dans la prise en charge des SCA, la mise en application de recommandations thérapeutiques a été associée à une amélioration statistiquement significative des résultats. Dans le cadre d’une étude d’observation qui regroupait 350 centres universitaires et non universitaires, à chaque augmentation de 10 % de l’adhésion aux recommandations factuelles correspondait une diminution de 10 % de la mortalité intrahospitalière (Figure 1)5.

Figure 1.   Association entre le taux d’adhésion des hôpitaux aux protocoles et la mortalité intrahospitalière


Conclusion

Les stratégies antiplaquettaires de première intention dans la prise en charge des SCA ont été révisées. Le ticagrelor, un nouvel agent, nous donne une bonne occasion d’améliorer les résultats par rapport au clopidogrel lorsqu’il est associé à l’AAS. Chez les patients en proie à un NSTEMI, pour autant qu’ils aient été bien sélectionnés, le ticagrelor est plus avantageux que le clopidogrel et peut même réduire la mortalité.

Questions et réponses

Q : Que pensez-vous du ratio bénéfice:risque des nouveaux antiplaquettaires dans le contexte des options que l’on a actualisées pour diminuer le risque de thrombose tout en maintenant un taux acceptable d’hémorragies?

R : L’essai PLATO a révélé que le ticagrelor, comparativement au clopidogrel, était associé à une diminution du risque relatif de survenue d’un événement compris dans le paramètre principal mixte (décès d’origine vasculaire, IM ou AVC), le risque étant passé de 11,7 % à 9,8 % (HR, 0,84; IC à 95 %, 0,77-0,92; p<0,001). Le taux de mortalité toutes causes confondues a aussi diminué sous ticagrelor (4,5 %, vs 5,9 % sous clopidogrel; p<0,001). Durant l’essai PLATO, on n’a pas observé de différence significative entre les sujets sous ticagrelor et les sujets sous clopidogrel quant au taux d’hémorragie majeure (11,6 % et 11,2 %, respectivement; p=0,43); par contre, le ticagrelor a été associé à un taux plus élevé d’hémorragie majeure non liée à un pontage aortocoronarien (4,5 % vs 3,8 %, p=0,03), y compris d’hémorragies intracrâniennes mortelles, alors que les autres types d’hémorragie mortelle ont été moins nombreuses. Sous réserve d’une sélection appropriée des patients, on doit considérer ces épisodes hémorragiques dans un contexte de diminution globale de la mortalité.

Q : Les essais qui ont motivé l’actualisation des options comparaient des antiplaquettaires dans différents sous-groupes de patients. Pourquoi, à votre avis, était-il important de prouver la supériorité du prasugrel ou du ticagrelor sur le clopidogrel dans différents types de SCA (STEMI, NSTEMI, AI, etc.)?

R :  Il est important de confirmer la supériorité par rapport au traitement de référence, car le clinicien doit toujours évaluer les avantages d’un nouveau traitement en regard de ses effets indésirables, de son coût et du peu d’information sur son utilisation dans la pratique clinique. La mise en évidence d’un bénéfice chez un vaste éventail de patients en proie à un SCA (STEMI, NSTEMI, AI), y compris les patients en attente d’un pontage aortocoronarien, est donc rassurante pour le clinicien.

Q : Que pensez-vous des éventuels effets indésirables des nouveaux antiplaquettaires compte tenu des meilleurs résultats qu’ils permettent d’obtenir?

R :  Lorsqu’un arsenal thérapeutique s’élargit, le clinicien doit prendre conscience du risque de survenue d’effets indésirables. Dans l’essai PLATO, qui regroupait plus de 18 000 patients, la dyspnée a été plus fréquente sous ticagrelor que sous clopidogrel (13,8 % vs 7,8 %) et les abandons du traitement pour cause de dyspnée ont été plus nombreux (0,9 % vs 0,1 %). Les pauses ventriculaires ont également été plus fréquentes sous ticagrelor. Il sera important de continuer à consigner les effets indésirables du ticagrelor (comme on le ferait pour tout nouveau médicament) afin de nous assurer que les effets indésirables répertoriés dans un contexte de recherche clinique s’observent effectivement dans la pratique.

Q : Les nouvelles options nous obligent à prendre des décisions dont nous n’avions pas à nous préoccuper chez les patients qui recevaient du clopidogrel et de l’AAS. Que doit-on faire pour améliorer les résultats?

R : À l’heure actuelle, le clinicien doit tenir compte de multiples variables, notamment les résultats de la recherche clinique, les caractéristiques du patient, le tableau clinique, le profil d’effets indésirables du médicament, l’accessibilité ainsi que le remboursement des nouveaux agents et la volonté du patient de payer de sa poche en cas de non-remboursement. Si le médecin parvient à transposer les résultats de la recherche clinique à la situation de son patient et qu’il laisse au patient le soin de déterminer lui-même si le coût est prohibitif, il sera en mesure d’individualiser la démarche thérapeutique.

 

Références

1. Yusuf et al. Effects of clopidogrel in addition to aspirin in patients with acute coronary syndromes without ST-segment elevation. N Engl J Med 2001;345(7):494-502.

2. Sabatine et al. Addition of clopidogrel to aspirin and fibrinolytic therapy for myocardial infarction with STsegment elevation. N Engl J Med 2005;352(12):1179-89.

3. Wallentin et al. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2009;361(11):1045-57.

4. Wiviott et al. Prasugrel versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2007;357(20):2001-15.

5. Peterson et al. Association between hospital process performance and outcomes among patients with acute coronary syndromes. JAMA 2006;295(16):1912-20.

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