Comptes rendus

Nouvelles stratégies de lutte contre la résistance croissante aux antimicrobiens
Questions contemporaines dans la sclérose en plaques : nouvelles perspectives et stratégies

Résultats à long terme du traitement de fond dans la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 58e Assemblée annuelle de l’American Academy of Neurology

San Diego, Californie / 1er-8 avril 2006

Résultats du traitement à long terme

Le suivi le plus long jamais effectué quant aux résultats du traitement de fond de la sclérose en plaques (SEP) a montré que le traitement fait une différence. En effet, il est ressorti du suivi de 16 ans réalisé chez des patients atteints de SEP rémittente qui avaient initialement été admis à une étude de base comparative avec placebo, prospective et à répartition aléatoire que l’interféron bêta-1b (IFNß-1b) pour administration sous-cutanée (s.c.) avait retardé la progression de la maladie comparativement à l’absence de traitement. L’intervalle médian précédant l’atteinte d’une cote de 6,0 sur l’échelle étendue d’incapacité (EDSS, pour Expanded Disability Status Scale) (qui reflète l’impossibilité de marcher sans canne) était de 13 ans dans le groupe de traitement actif, comparativement à sept ans dans le groupe placebo. Aux fins de cette analyse, le traitement à long terme était défini comme l’utilisation de l’immunomodulateur pendant plus de 80 % du temps (environ 12 ans ou plus), et le traitement à court terme correspondait à une utilisation pendant moins de 10 % du temps.

Selon l’investigateur principal, le Dr George Ebers, département de neurologie clinique, Radcliffe Infirmary, University of Oxford, Royaume-Uni, «l’enjeu le plus important, ce sont les effets du traitement à long terme. Un nombre imposant de patients prennent ces médicaments dans le monde, et on en sait très peu sur l’efficacité à long terme. Des données convaincantes ont été colligées pour ce qui est de la réduction de la fréquence des poussées et de l’innocuité à long terme de l’IFNß-1b. Nous avons l’intention d’approfondir l’analyse des effets du traitement sur la progression de la maladie.»

Le Dr Ebers indique que ses collègues et lui ont été en mesure de retrouver 90 % des 372 patients initialement admis à l’étude. «Certains patients prennent toujours le médicament, certains ont arrêté, et d’autres sont décédés», précise-t-il.

Selon lui, les résultats à long terme sont rassurants : le traitement actif s’est révélé sûr, et aucun effet indésirable inattendu n’est survenu pendant le suivi de 16 ans. En outre, note-t-il, les anticorps neutralisants (AcN) qui ont été observés au cours des premières années de traitement ont disparu avec le temps.

Le Dr Ebers affirme que le traitement a réduit la fréquence des poussées, cependant, prévient-il, les données n’ont pas encore été analysées en fonction de la durée du traitement. «Nous prévoyons faire cette analyse, et soigneusement évaluer l’issue du traitement à long terme en tenant compte de cette variable. L’une des questions à examiner, poursuit-il, est de déterminer si le traitement change quelque chose à l’incapacité, et une autre question est de voir si un patient chez qui le traitement est maintenu se porte mieux que s’il n’avait jamais reçu de traitement. Cela nécessite de comparer les données avec celles de témoins historiques.»

Les investigateurs projettent notamment de faire une analyse en intention de traiter des données sur la progression de l’incapacité afin de comparer les profils observés chez les patients à qui l’on a recommandé de prendre le médicament et chez 1000 témoins historiques de London, Ontario, qui sont suivis depuis 30 ans. Syndrome cliniquement isolé

L’étude BENEFIT (Betaferon/Betaseron in Newly Emerging MS for Initial Treatment) – la plus vaste jamais menée chez des patients atteints de SEP ayant présenté un syndrome cliniquement isolé (SCI) – corrobore l’avantage de la mise en route précoce d’un traitement de fond chez les patients qui ont un premier épisode de SEP. Le traitement par l’immunomodulateur pour administration s.c. a réduit le risque de progression vers une SEP cliniquement certaine de 50 % par rapport au placebo. De plus, si on se réfère aux critères diagnostiques de McDonald, les patients sous traitement actif ont été deux fois mieux protégés contre l’apparition d’une SEP que les patients sous placebo.

Selon le Dr Mark S. Freedman, directeur, clinique de SEP, et professeur titulaire de médecine, Université d’Ottawa, Ontario, «globalement, l’étude démontre que, si le traitement est amorcé dès l’apparition d’un premier événement démyélinisant, il s’avère efficace. Avec la SEP, le temps joue contre nous. Nous savons que la maladie va progresser, et le SCI nous fournit l’occasion d’intervenir et de changer la donne pour les patients.» Le traitement a également différé l’apparition de la SEP de presque un an, ajoute-t-il.

Le Dr Freedman a fait état des résultats de la première phase de l’étude BENEFIT qui réunissait 487 patients présentant un SCI et au moins deux lésions cliniquement silencieuses détectées à l’IRM; après une répartition aléatoire selon un ratio de 5:3, ces sujets ont reçu l’IFNß-1b tous les deux jours ou un placebo. On a entrepris un suivi de près de deux ans afin de surveiller la survenue d’une deuxième poussée. Au terme de la deuxième année ou au moment du diagnostic d’une SEP cliniquement certaine, les patients avaient l’option de recevoir le traitement actif pendant 36 autres mois dans le cadre d’une prolongation ouverte. Le paramètre d’évaluation principal était l’intervalle précédant un diagnostic de SEP établi sur les critères modifiés de Poser ainsi que sur les critères de McDonald.

Au total, 468 patients ont été admis à l’étude (292 dans le groupe de traitement actif, et 176 dans le groupe placebo). Les deux groupes étaient bien équilibrés quant au profil démographique et aux caractéristiques de la maladie. La maladie avait débuté par une atteinte monofocale (symptômes témoignant d’une seule lésion du système nerveux central décelable à l’IRM) pour environ la moitié des patients des deux groupes, et par une atteinte multifocale (symptômes témoignant de la dissémination d’au moins deux lésions) pour l’autre moitié. Environ 40 % des patients avaient des lésions rehaussées au gadolinium (Gd+) lors des examens IRM, mesure qui reflète l’activité de la maladie.

Le Dr Freedman précise que 96 % des patients ont choisi de participer à la phase de prolongation, dont on attend les résultats en 2008. Dans le groupe placebo, le risque d’apparition d’une SEP répondant aux critères de McDonald était de 51 % après six mois et de 85 % après deux ans. À 24 mois, la probabilité cumulative de progression vers une SEP cliniquement certaine était de 28 % dans le groupe IFNß-1B, comparativement à 45 % dans le groupe placebo; cette différence hautement significative en faveur du traitement précoce équivaut à peu près à une réduction de 50 % du risque. Le traitement était bénéfique pour tous les patients, indépendamment de la présence ou de l’absence de signes IRM d’une activité accrue de la maladie (c.-à-d., nouvelles lésions en T2, nouvelles lésions Gd+), précise le Dr Freedman.

On n’a relevé aucune variation de la cote EDSS entre les deux groupes, mais, comme le note le Dr Freedman, «deux ans d’évolution, c’est encore peu, et ce résultat n’est pas surprenant». Entre 15 et 25 % des patients ont développé des AcN, mais ce phénomène n’a eu aucune conséquence notable sur une période de 24 mois. Les réactions au point d’injection étaient le seul effet indésirable couramment observé lors du traitement, réactions dont la fréquence et l’intensité ont du reste diminué après un an. «Nous avons ajusté la posologie de façon plus graduelle au cours des trois premières semaines de l’étude et prescrit l’utilisation concomitante d’AAS et d’ibuprofène ainsi que d’un auto-injecteur, ce qui nous a valu de meilleurs résultats sur le plan des réactions au point d’injection. Cette façon de faire pourrait avoir des retombées sur la pratique clinique», de souligner le Dr Freedman. Le médicament était bien toléré, et plus de 90 % des patients ont terminé la phase de deux ans dans les deux groupes.

Analyses de sous-groupes de l’étude BENEFIT

Certains résultats intéressants se sont dégagés des analyses de sous-groupes de l’étude BENEFIT, comme l’a fait valoir dans sa présentation le Dr Chris Polman, Université libre, Amsterdam, Pays-Bas.

L’effet du traitement était robuste et probant dans tous les sous-groupes (âge, sexe, atteinte initiale monofocale ou multifocale, activité de la maladie à l’IRM). Cet effet était même plus marqué chez les patients qui présentaient des signes moindres de dissémination de la maladie, avaient un volume lésionnel plus faible ou étaient exempts de lésions prenant le contraste à l’IRM; ces patients demeuraient cependant exposés à un risque considérable de progression vers une SEP cliniquement certaine. Les facteurs associés à une progression plus rapide vers une SEP constituée étaient l’âge, la corticothérapie, la présence de bandes oligoclonales dans le liquide céphalo-rachidien et, dans le cas des patients ayant atteinte monofocale seulement, les paramètres IRM.

Dans le sous-groupe des patients ayant une atteinte monofocale, l’effet du traitement le plus prononcé était observé chez les sujets dont la maladie était plus active sur les clichés d’IRM. Lors d’une interview suivant la séance, le Dr Freedman a conjecturé la possibilité qu’un effet du traitement soit mis en évidence au cours des prochains 36 mois dans ce sous-groupe de patients.

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