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Sclérose en plaques : le traitement précoce est bénéfique dès les premiers signes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 60e Assemblée annuelle de l’American Academy of Neurology

Chicago, Illinois / 12-19 avril 2008

Selon les données cliniques, un traitement précoce a fort probablement sa raison d’être dans la SEP cliniquement certaine (SEPCC) ou répondant aux critères de McDonald. Le traitement est toutefois perçu comme moins nécessaire lors d’un premier épisode évocateur de cette maladie. Les résultats récents de l’essai BENEFIT (Betaseron in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment) ont toutefois confirmé le bien-fondé d’un traitement précoce. Il est ressorti de cette étude de 468 patients qu’un traitement par l’interféron bêta-1b (IFN bêta-1b) amorcé précocement – vs ce même traitement différé – lors d’un premier épisode de démyélinisation clinique avec signes évocateurs de la maladie à l’examen IRM se traduisait par une réduction significative de 40 % du risque de progression confirmée de la cote EDSS (Expanded Disability Status Scale) sur une période de trois ans. Ces nouvelles données viennent ajouter le SCI aux indications du traitement précoce.

Traitement de la SEP rémittente : mieux vaut tôt que tard

Vu l’absence de données concernant les retombées de l’administration précoce – vs différée – de l’IFN bêta-1b sur l’incapacité à long terme associée à la SEP rémittente, la Dre Maria Trojano, département des sciences neurologiques et psychiatriques, Université de Bari, Italie, s’est servie d’un modèle de régression des hasards proportionnels de Cox ajusté en fonction du score de propension pour évaluer l’écart entre le groupe recevant le traitement précoce et le groupe recevant le traitement différé quant au délai d’atteinte des cotes EDSS 4 et 6 à partir du moment où le traitement était attribué. Les calculs ont été effectués à l’aide de différents modèles établis en fonction du moment où le traitement précoce prenait fin, soit entre un et cinq ans après le début de la maladie. Un algorithme récursif de partitionnement et d’amalgamation (RECPAM) a permis aux chercheurs d’examiner les corrélations entre plusieurs covariables initiales et de cerner différents groupes quant à l’incidence des cotes EDSS 4 et 6.

Les résultats ont montré que le traitement précoce – vs le traitement différé – avait diminué le risque d’atteinte de la cote EDSS 4 de façon significative (taux de risque [HR, pour hazard ratio] de 0,67; IC à 95 % : 0,49 à 0,93; p=0,017) et celui de la cote 6, de façon tendancielle (HR de 0,58; IC à 95 % : 0,31 à 1,08; p=0,087). L’algorithme RECPAM a montré que les taux les plus élevés d’un gain thérapeutique précoce avaient été enregistrés dans deux groupes de patients. Le premier était formé de patients dont la cote EDSS initiale était comprise entre 2,5 et 3 et qui avaient eu plus d’un épisode (réduction du risque d’atteinte d’une cote EDSS 4 : HR de 0,19; IC à 95 % : 0,07 à 0,52; p=0,0012). Le deuxième groupe était formé de patients dont la cote EDSS initiale était comprise entre 2 et 2,5 (réduction du risque d’atteinte de la cote EDSS 6 : HR de 0,25; IC à 95 % : 0,06 à 1,06; p=0,059).

Les résultats plaident en faveur de l’administration précoce – vs différée – de l’IFN bêta pour repousser l’incapacité à long terme accompagnant la SEP rémittente, indique la Dre Trojano, précisant que le gain est d’autant plus marqué que l’incapacité est légère et/ou que la maladie est active.

Données corroborantes

Il était ressorti d’une méta-analyse Cochrane antérieure que l’IFN bêta était efficace pour atténuer l’activité de la maladie pendant la seule première année. En revanche, de souligner la Dre Marinella Clerico, service des sciences cliniques et biologiques, division de neurologie, Ospedale Universitario S. Luigi Gonzaga, Università di Torino, Italie, et ses collaborateurs, les résultats d’une nouvelle méta-analyse Cochrane (essais publiés) étayent l’administration précoce d’un IFN bêta pour réduire le risque de progression du SCI vers la SEPCC.

La Dre Clerico et ses collaborateurs se sont servis de sept publications afin d’évaluer l’efficacité de l’IFN bêta administré d’emblée pour réduire le risque de progression. La maladie remontait à loin chez tous les sujets. Les articles portaient sur trois essais : CHAMPS (Controlled High Risk Avonex Multiple Sclerosis Trial) et ETOMS (Early Treatment of Multiple Sclerosis) – qui visaient tous deux à évaluer l’IFN bêta-1a à faible dose (30 µg i.m. ou 22 µg s.c.) administré une fois par semaine – et BENEFIT (IFN bêta-1b à 250 µg s.c. tous les deux jours). Le paramètre principal différait d’une étude à l’autre : survenue d’un deuxième épisode clinique ou progression de la maladie pour CHAMPS; survenue d’un deuxième épisode clinique pour ETOMS; et délai de progression vers la SEPCC pour BENEFIT.

Les analyses portant sur les sujets effectivement traités ont révélé que l’IFN bêta avait retardé significativement le diagnostic de SEPCC dans tous les essais. La méta-analyse des données à un an a objectivé un écart significatif dans l’analyse des sujets effectivement traités et la plupart des analyses de sensibilité. La méta-analyse des données à deux ans – possible uniquement pour ETOMS et BENEFIT – a objectivé un écart significatif dans l’analyse des sujets effectivement traités et toutes les analyses de sensibilité.

«Les résultats démontrent clairement que le gain découlant de l’IFN bêta administré d’emblée se maintient après deux ans, mais nous devons encore déterminer si la sensibilité au traitement immunomodulateur varie selon le type de SCI, fait valoir la Dre Clerico. Si l’on pouvait caractériser la réponse au traitement précoce en fonction du tableau clinique initial, les cliniciens seraient mieux outillés pour individualiser le traitement.»

Marqueurs cliniques et issue à long terme : bonne corrélation

La cote EDSS initiale donne au clinicien une bonne idée du pronostic probable à long terme si le patient reçoit d’emblée l’IFN bêta-1b, à en juger par les résultats d’un suivi de 16 ans. Le Dr Douglas Goodin, directeur, UCSF Multiple Sclerosis Center, et professeur titulaire de neurologie, University of California, San Francisco, et son équipe ont évalué l’issue à long terme de la SEP rémittente chez des patients qui avaient pris part à l’étude pivot sur l’IFN bêta-1b de 1989 à 1993.

Les résultats obtenus chez 328 des 372 patients admis à l’étude ont révélé qu’une cote EDSS initiale >2 était annonciatrice d’un pronostic plus sombre, mais la corrélation entre les marqueurs IRM et le pronostic n’était pas robuste. L’IFN bêta-1b se caractérisait par un excellent profil d’innocuité et de tolérabilité, et ses effets indésirables ainsi que la production d’anticorps neutralisants se sont estompés avec le temps. «La tendance actuelle au devancement de la mise en route du traitement – les résultats à trois ans de l’essai BENEFIT ayant fait la preuve de l’utilité de cette stratégie – semble trouver sa justification dans ces analyses», souligne le Dr Goodin.

Cote EDSS et charge lésionnelle à l’IRM : prédicteurs de l’état cognitif 16 ans plus tard

Le suivi de 16 ans a aussi généré des données clés sur les prédicteurs de l’état cognitif à long terme. Essentiellement, les variables neurologiques initiales semblent compter parmi les meilleurs prédicteurs de l’état cognitif 16 ans plus tard. «L’évaluation systématique de la cognition ne s’inscrit pas dans la conduite à tenir au quotidien ni lors d’un essai clinique. De surcroît, les données publiées ne permettent pas de bien cerner la corrélation entre la cote EDSS et la cognition. En fait, seuls des essais monocentriques d’envergure ont mis au jour une corrélation significative entre les résultats de l’évaluation de la cognition et la cote EDSS», explique Dawn Langdon, PhD, maîtresse de conférences en neuropsychologie, Royal Holloway, University of London, Royaume-Uni. De plus, le lien entre les paramètres IRM et la cognition pèche par manque de constance, surtout si l’on considère les scores aux tests cognitifs individuellement.

L’équipe de Dawn Langdon a constaté que le niveau intellectuel prémorbide ainsi que la cote EDSS et la charge lésionnelle à l’IRM mesurées lors de l’admission à l’étude étaient les meilleurs prédicteurs de la cognition après 16 ans. «C’est donc dire que “les balises” de la maladie sont posées très tôt et que le clinicien peut savoir dès le départ comment la maladie évoluera dans le temps, poursuit-elle. Ainsi, selon toute vraisemblance, le déficit cognitif sera d’autant plus prononcé que la cote EDSS et la charge lésionnelle en T2 sont élevées un an ou deux après le diagnostic.»

Cote EDSS et évaluation clinique : prédicteurs de l’évolution initiale de la SEP

Selon de nouvelles données, la cote EDSS minimum aiderait à reconnaître les patients exposés à un risque élevé de deuxième épisode clinique après un SCI. Cette conclusion émane d’une méta-analyse des groupes placebo de deux essais de phase III, pour un total de 136 patients à risque élevé de SEP à la suite d’un SCI. Au nombre des variables cliniques examinées dans le cadre de l’analyse figuraient les paramètres IRM de base et la cote EDSS minimum, celle-ci ayant été définie comme la cote EDSS abaissée sous l’effet du traitement, entre le SCI et le deuxième épisode clinique. «Comme les données récentes semblent indiquer que le traitement précoce du SCI est cliniquement bénéfique, il devient crucial de reconnaître le plus tôt possible les patients qui risquent fort de recevoir un diagnostic de SEP», signale la Dre Anneke Neuhaus, Centre de recherche sur la SEP Sylvia Lawry, Munich, Allemagne.

Il est aussi important de procéder à un examen neurologique minutieux des signes et des symptômes pour définir le risque de progression vers la SEPCC, rapportent les chercheurs. Lors de leur analyse de 468 sujets de l’essai BENEFIT, la Dre Jessica M. Nielson, service de neurologie, Centre médical de l’Université libre, Amsterdam, Pays-Bas, et son équipe n’ont noté aucune variation du délai d’apparition d’une SEPCC selon que l’atteinte était monofocale ou multifocale. En présence d’une atteinte monofocale, le risque de SEPCC sur deux ans était nettement plus élevé lorsque au moins neuf lésions étaient présentes en T2 dès le premier épisode ou qu’au moins une lésion rehaussée par le gadolinium était présente au premier épisode ou trois ou six mois après celui-ci. En présence d’une atteinte multifocale, ces paramètres IRM n’étaient aucunement annonciateurs du délai d’apparition d’une SEPCC.

Résumé

Depuis les essais CHAMPS, ETOMS et BENEFIT, le traitement de la SEP a été métamorphosé, de nouvelles preuves ayant confirmé le bien-fondé du traitement précoce d’un SCI. En pareil cas, l’IFN bêta peut contribuer à prévenir l’incapacité à long terme, que la maladie soit peu active ou très active. De plus, la cote EDSS et la charge lésionnelle à l’IRM semblent être des prédicteurs indépendants de l’état cognitif 16 ans après le diagnostic. Ces récents résultats viennent conforter la tendance actuelle au devancement de la mise en route du traitement.

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