Comptes rendus

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Sclérose en plaques : regard sur les résultats des études récentes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

23e Congrès de l’ECTRIMS (European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis)

Prague, République tchèque / 11-14 octobre 2007

Les résultats de plusieurs études comparatives directes récentes sur les deux options de traitement de première intention devraient mettre un terme aux conjectures sur l’efficacité et la tolérabilité relatives de l’acétate de glatiramère (AG) et de l’interféron bêta-1 (IFNß-1) à titre d’immunomodulateurs de première intention dans le traitement de la sclérose en plaques (SEP) rémittente. Les données récentes indiquent que, lorsqu’il est administré aux doses habituelles, l’AG est aussi actif à court terme que les préparations actuelles d’IFNß-1a ou d’IFNß-1b pour injection sous-cutanée (s.c.).

Résultats de l’étude REGARD

L’étude REGARD (Rebif vs. Glatiramer Acetate in Relapsing MS Disease) – une étude ouverte, multicentrique, multinationale, avec randomisation et d’une durée de 96 semaines – avait pour objectif de comparer l’efficacité et l’innocuité de l’IFNß-1a, administré par voie s.c. à raison de 44 µg trois fois par semaine, et de l’AG, administré par voie s.c. à raison de 20 mg par jour, chez 764 patients atteints d’une SEP rémittente diagnostiquée d’après les critères de McDonald. Pour être admissibles, les patients devaient avoir présenté au moins une poussée au cours des 12 derniers mois et se trouver dans un état clinique stable. Les neurologues qui ont évalué les cotes EDSS (Expanded Disability Status Scale) ignoraient quel traitement avait été administré. Tous les patients ont subi un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) initial, mais un sous-groupe de 416 patients (environ 60 %) subissait un examen tous les six mois. Les deux groupes étaient homogènes quant à la cote EDSS initiale (moyenne de 2,34) et aux autres caractéristiques; seule différence notable, 71 % des patients randomisés dans le groupe AG avaient eu une poussée au cours des 24 derniers mois contre 60 % dans le groupe IFNß-1a.

L’intervalle précédant la première poussée, paramètre d’évaluation principal, n’a pas différé de manière significative d’un groupe à l’autre : il se chiffrait à 495 jours pour l’IFNß-1a et à 432 jours pour l’AG (taux de risque [HR, pour hazard ratio] 0,943; p=0,643). «La courbe de Kaplan-Meier était très similaire dans les deux groupes de traitement, tout au long des 96 semaines de l’étude», fait observer le Dr Daniel D. Mikol, directeur, Multiple Sclerosis Clinic, et professeur adjoint, département de neurologie, University of Michigan, Ann Arbor, États-Unis, qui a présenté les résultats au nom du groupe de chercheurs de l’étude REGARD (Figure 1).

Figure 1. REGARD : Intervalle précédant la première poussée


De même, aucune différence significative n’a été relevée entre les deux groupes au chapitre du principal paramètre secondaire, à savoir le nombre de lésions actives en T2 par patient et par cliché IRM, qui était de 0,7 pour l’IFNß-1a et de 0,8 pour l’AG (p=0,178). Enfin, le paramètre tertiaire, soit la fréquence annualisée des poussées, était elle aussi similaire : 0,3 pour l’IFNß-1a et 0,29 pour l’AG (p=0,828). Dans la population globale et le sous-groupe IRM, la seule différence à atteindre le seuil de signification statistique portait sur le nombre de lésions rehaussées par le gadolinium en T1 (0,2 et 0,4, p<0,001).

Une analyse des données de six sous-groupes – qui était prévue dans le protocole – a fait ressortir des différences significatives en faveur de l’IFNß-1a chez les patients dont la cote EDSS initiale était inférieure à la médiane (HR : 0,648; p=0,022). Toutefois, les résultats de cette analyse ont été critiqués lors de la séance de questions-réponses ayant suivi leur présentation. Premièrement, a-t-on signalé, les données sur les sous-groupes n’ayant pas été corrigées pour tenir compte de la multiplicité, les différences observées ne pouvaient être qualifiées de «statistiquement significatives». Deuxièmement, comme les sujets dont la cote EDSS était inférieure à 2 ont semblé mieux répondre à l’IFNß-1a, il se pourrait que ceux qui sont plus sévèrement handicapés par la maladie bénéficient davantage de l’AG. En troisième lieu, malgré le nombre plus faible que prévu de poussées pendant l’étude, les courbes de Kaplan-Meier existantes étaient superposables; par conséquent, il est peu probable qu’elles auraient divergé même si le nombre d’événements avait été plus élevé ou si le suivi avait été plus long, ce qui conforte la thèse de l’efficacité similaire des deux traitements.

Aucun effet indésirable imprévu n’est survenu au cours de l’étude. Cela dit, sur les 374 patients traités par l’IFNß-1a pour lesquels on disposait de données sur les anticorps lors de la dernière évaluation à 96 semaines, 102 (27,3 %) avaient des anticorps neutralisants et 125 (33,7 %) s’étaient révélés séropositifs au moins une fois durant l’étude. Par rapport aux patients sous AG, les patients recevant l’IFNß-1a ont été significativement plus nombreux à présenter des symptômes pseudo-grippaux (p<0,001), des céphalées (p<0,001), des myalgies (p=0,014) et un taux anormal d’alanine aminotransférase (p=0,002); dans le cas de l’AG, seuls le prurit, l’enflure, l’induration et les réactions au point d’injection ainsi que la dyspnée étaient significativement plus fréquents comparativement à l’IFNß-1a (p<0,001, p<0,001, p=0,005 et p<0,001, respectivement). Globalement, 13,6 % des patients sous AG n’ont pas terminé les 96 semaines de traitement vs 20,9 % des patients sous IFNß-1a.

Résultats de l’étude BECOME

Les congressistes ont également pris connaissance des résultats finals de l’étude BECOME (Betaseron vs. Copaxone in MS with Triple-Dose Gadolinium and 3-T MRI Endpoints). Il s’agit de la première étude comparative randomisée sur l’AG et l’IFNß (dans ce cas-ci, l’IFNß-1b) à avoir axé le suivi des patients sur des critères IRM.

Après randomisation, 75 patients atteints de SEP ont reçu l’un des deux traitements suivants administrés par voie s.c. : 250 µg d’IFNß-1b tous les deux jours ou 20 mg d’AG par jour. On a évalué l’efficacité du traitement sur une période maximale de 24 mois à l’aide d’examens IRM mensuels et d’autres mesures. Toutes les données IRM ont été acquises sur la même unité à 3 Tesla et selon le même protocole, et leur interprétation a été faite à l’insu par le même neuroradiologue expérimenté. Ce dernier devait dénombrer les lésions rehaussées et les nouvelles lésions en T2 afin de déterminer le nombre moyen de lésions actives mixtes (LAM) par cliché – qui était le paramètre d’évaluation principal. Le nombre de LAM par mois et le nombre de nouvelles lésions rehaussées (NLR) sur un cliché donné constituaient un paramètre secondaire. Les autres paramètres étaient la modification de la fonction neurologique, mesurée par la cote EDSS et le score composite MSFC (MS Functional Composite) à intervalles de trois à quatre mois; la modification de la fonction cognitive, mesurée par des tests neurocognitifs formels effectués à 0, 6, 12 et 24 mois; et la survenue de poussées. Toutes les évaluations cliniques ont été faites par des neurologues ignorant à quel groupe de traitement les patients appartenaient. Les deux groupes de traitement étaient similaires au départ.

Le nombre de lésions post-traitement pour les mois 1 à 24 n’a fait ressortir aucune différence statistiquement significative entre les groupes, bien que les résultats aient systématiquement favorisé le groupe AG. Le nombre médian de LAM par cliché IRM était de 0,62 dans le groupe AG vs 0,78 dans le groupe IFNß-1b. Les valeurs de la moyenne (écart type [ET]) pour ce paramètre s’établissaient à 1,75 (2,76) et à 2,67 (5,14), respectivement. Dans le groupe AG, neuf patients (23 %) n’ont présenté aucune lésion, comparativement à six (17 %) dans le groupe IFNß-1b. De même, le nombre médian de LAM par mois n’a pas différé de manière significative d’un groupe à l’autre, quoique, là encore, le groupe sous AG ait obtenu des résultats quelque peu meilleurs (0,38 vs 0,60). Les valeurs de la moyenne (ET) étaient de 1,27 (2,32) dans le groupe AG et de 1,67 (2,84) dans le groupe IFNß-1b. Le nombre médian de NLR était de 0,75 chez les sujets sous AG et de 1,19 chez les sujets sous IFNß-1b; la moyenne (ET) se chiffrait à 0,84 (1,64) et à 1,09 (1,80), respectivement; 10 patients traités par l’AG (26 %) et sept patients traités par l’IFNß-1b (19 %) n’ont présenté aucune NLR. Bien qu’on ait observé une diminution significative du nombre de LAM par mois au cours des 12 premiers mois suivant la mise en route du traitement dans le groupe IFNß-1b mais pas dans le groupe AG, il s’agissait de la seule différence significative entre les deux traitements. En outre, conformément à ces résultats, aucun des paramètres d’évaluation cliniques (poussées, EDSS, MSFC) n’a fait ressortir de différence entre les groupes après l’instauration du traitement. Une baisse marquée de la fréquence annualisée des poussées a été enregistrée dans les deux groupes, la médiane étant passée d’environ 2 à environ 0,3, et seule une proportion restreinte et similaire de patients (<10 %) ont présenté une constante aggravation de leur incapacité, selon l’évaluation sur l’échelle EDSS. Sur le plan du MSFC, les deux traitements ont été associés à une amélioration significative du score global de même que des scores pour les tests 9 HPT (nine-hole peg test) et PASAT (three-second Paced Auditory Serial Attention Test) de cette échelle. On n’a noté aucune différence significative entre les groupes quant à la modification de la fonction cognitive au fil du temps. «On a peut-être surestimé la supériorité de l’IFNß comparé à l’AG pour réduire l’incidence des épisodes d’inflammation aiguë dans la SEP», concluent les investigateurs.

Effet de la SEP sur le volume cérébral

Comme l’explique le Pr David Miller, Institute of Neurology, Londres, Royaume-Uni, l’atrophie cérébrale «reflète vraisemblablement la perte neuroaxonale; les axones forment environ 50 % du volume de la substance blanche, et les neurones forment la majeure partie du volume de la substance grise. Dans la SEP, fait-il remarquer, l’atrophie se voit à tous les stades, depuis le syndrome clinique isolé jusqu’à la SEP progressive avancée; on estime que le volume cérébral diminue en moyenne de 0,5 à 1 % par année. Cependant, nuance-t-il, «il faut garder à l’esprit que d’autres facteurs entrent en jeu, tel l’effet de l’inflammation qui augmente ce volume et le traitement anti-inflammatoire qui peut le réduire – au moins à court terme». Les méthodes IRM telles que la technique d’enregistrement SIENA (Structural Image Evaluation, using Normalization, of Atrophy), qui est applicable à de petits échantillons, et la version transversale SIENAX, une technique de segmentation globale qui isole le cerveau de sa structure environnante, sont particulièrement utiles, ajoute-t-il.

Une équipe d’investigateurs dirigée par le Dr Omar Khan, professeur titulaire de neurologie, et directeur, MS Clinical Research Center, Wayne State University School of Medicine, Détroit, Michigan, États-Unis, a utilisé ces deux méthodes afin d’examiner l’effet à long terme de l’AG, de l’IFNß-1b s.c. et de l’IFNß-1a pour injection s.c. et intramusculaire (i.m.) chez des patients atteints d’une SEP rémittente débutante et sans handicap notable. Comme l’indique le Pr Miller, l’utilisation de données à long terme aide à éviter les possibles effets de confusion de la résolution de l’œdème au cours de la première année de traitement sur le volume cérébral apparent. Des clichés IRM ont été effectués au départ et après cinq de traitement continu au moyen du même appareil chez les 309 patients, et le même neurologue a évalué leur cote EDSS aux mêmes intervalles. «Entre les trois traitements comparés dans notre étude, celui qui a le plus réduit le taux d’atrophie cérébrale sur cinq ans était l’AG, et cet effet était significativement plus marqué que dans le cas de l’IFNß administré par voie i.m. ou s.c.», de conclure les investigateurs (Figure 2).

Figure 2. Effet des traitements sur
rébrale sur cinq ans

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Une étude additionnelle confirme de manière indépendante des observations déjà rapportées selon lesquelles l’AG, mais non l’IFNß, empêche les lésions pondérées en T1 d’évoluer vers des trous noirs, lesquels sont considérés comme des marqueurs de la perte irréversible de tissu cérébral. La Dre Nancy Richert, National Institutes of Health, Bethesda, Maryland, États-Unis, et ses collègues ont fait appel à l’IRM par transfert d’aimantation pour suivre l’évolution des lésions prenant le contraste (LPC) vers la formation de trous noirs chez 21 patients atteints de SEP rémittente pendant une période initiale de trois mois, suivie d’une période de 12 mois pendant laquelle un traitement par l’AG était administré. Alors que la proportion de trous noirs dérivés des LPC a augmenté dans le groupe IFNß, passant de 21,2 % à 26,0 %, elle a significativement diminué sous l’effet de l’AG, passant de 20,8 % à 4,8 %.

Ces résultats confirment ceux qui avaient déjà été obtenus lors d’un essai contrôlé par placebo d’envergure mené par le Dr Massimo Filippi, directeur, unité de recherche en neuro-imagerie, Institut scientifique et Ospedale San Raffaele (hôpital universitaire), Milan, Italie, et ses collègues.

Suivi à long terme des patients atteints de SEP

Ces résultats sur l’intégrité du tissu cérébral laissent supposer que l’AG pourrait avoir un effet in situ indépendant de la barrière hémato-encéphalique, susceptible de prévenir l’atteinte irréversible des tissus du système nerveux central. Cette protection pourrait à son tour ralentir ou prévenir la progression à long terme de l’incapacité, comme l’indiquent les données d’un suivi de dix ans de deux études sur l’AG. Dans l’une d’elles – une étude prospective toujours en cours – le traitement par l’AG sur une période continue de dix ans a supprimé les poussées en réduisant leur taux à environ une tous les cinq ans et a stabilisé ou diminué l’incapacité chez 62 % des sujets. Même si la durée moyenne de la maladie était de 17 ans, 92 % des patients étaient capables de marcher sans aide. «C’était […] très rassurant de voir que ces patients qui étaient sous traitement depuis autant d’années allaient en fait plutôt bien», indique le Dr Khan, qui a fait une revue des résultats.

Dans l’autre étude, la Dre Adriana Carrá, Hospital Británico de Buenos Aires, Argentine, et ses collègues ont comparé deux cohortes de patients. L’une des cohortes était composée de 174 patients qui avaient reçu au moins une dose d’AG depuis leur inclusion dans l’étude; parmi ceux-ci, 112 (64,3 %) étaient demeurés dans l’étude et 62 (35,6 %) l’avaient abandonnée avant mars 2007 après avoir reçu au moins une dose d’AG. Sur les 62 patients qui se sont retirés de l’étude, 32 (52,5 %) se sont présentés à la visite de suivi à long terme. La deuxième cohorte, reflétant l’évolution naturelle de la maladie, comprenait 508 sujets témoins non traités, soit parce qu’ils ne pouvaient l’être, soit parce qu’ils avaient volontairement refusé de recevoir un traitement. Chez tous les patients recevant l’AG, la fréquence annualisée des poussées a diminué significativement par rapport aux valeurs de départ (p<0,0001) et se chiffrait à environ une poussée tous les 4,7 ans (réduction de 86 %); 56,9 % des patients n’ont présenté aucune poussée. Chez près des trois quarts des patients (73 %) recevant un traitement continu par l’AG, la cote EDSS est demeurée stable ou a diminué, et 76 % des patients étaient encore capables de marcher après une moyenne de 6,7 ± 2,6 ans. L’atteinte d’une cote EDSS de 4,0 et de 6,0 était significativement plus fréquente chez les patients sous traitement continu par l’AG que chez les sujets de la cohorte d’évolution naturelle (p<0,0001). Ces résultats portent à croire que «le traitement par l’AG modifie la progression de la maladie [à long terme]», concluent les chercheurs.

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