Comptes rendus

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Stratégies de traitement et de prévention des infections fongiques invasives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 21e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie et 27e Congrès international de chimiothérapie

Milan, Italie / 7-10 mai 2011

Les espèces des genres Candida et Aspergillus sont à l’origine de la majorité des infections fongiques invasives (IFI) survenant à l’unité des soins intensifs (USI). L’aspergillose invasive (AI) est une source importante de complications et de mortalité chez les patients hospitalisés, en particulier chez les patients immunodéprimés en hématologie et à l’USI. Les candidoses invasives, également associées à une morbi-mortalité considérable, prolongent le séjour à l’USI et à l’hôpital, ce qui augmente les coûts totaux.

La prise en charge d’une infection fongique suspectée comporte plusieurs difficultés, notamment le degré de certitude diagnostique nécessaire à la décision d’amorcer le traitement et le choix du bon antifongique. Le diagnostic précoce d’une IFI n’est pas évident, mais le report indu du traitement augmente la mortalité.

Controverse au sujet du traitement préemptif

Certes, le traitement empirique est recommandé en cas de fièvre persistante ou récurrente sur fond de neutropénie dans les guides de pratique consensuels, mais on n’a toujours pas de données robustes montrant que le traitement empirique réduit la mortalité par infection fongique. Cela dit, il est fréquent qu’une fièvre non imputable à une infection fongique entraîne des excès thérapeutiques, sans compter qu’une stratégie empirique utilisant un antifongique novateur est coûteuse.

Comparativement à un traitement empirique débuté en cas de fièvre, un traitement préemptif déterminé par de nouvelles méthodes diagnostiques non invasives des IFI permettrait de diminuer le nombre de patients traités et de réduire à la fois le coût et la toxicité du traitement. Cette stratégie préemptive – en vertu de laquelle on traiterait uniquement les véritables IFI avant qu’elles ne deviennent manifestes – a toutefois pour corollaire un risque accru de décès et d’IFI.

Comme le diagnostic des IFI se fait souvent sous le signe de l’ambiguïté, le traitement antifongique préemptif – après l’apparition de signes cliniques, mais avant la confirmation microbiologique de l’agent en cause – «est une approche réaliste en cas de forte suspicion d’IFI», affirme le Dr Peter J. Donnelly, Département d’hématologie, Centre médical de l’Université Radboud Nimègue, Pays-Bas.

Maertens et ses collaborateurs ont réalisé une étude prospective de faisabilité d’une démarche préemptive guidée par protocole au cours de 136 périodes à risque chez des patients vulnérables à une IFI (c.-à-d., sous chimiothérapie pour une leucémie aiguë ou un syndrome myélodysplasique ou après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques [CSH]) (Clin Infect Dis 2005;41[9]:1242-50). Cette démarche reposait sur le dosage du galactomannane à des fins de dépistage, suivi d’une évaluation diagnostique comportant une tomodensitométrie haute résolution et une bronchoscopie avec lavage bronchoalvéolaire. Chez les patients sous corticothérapie, on procédait à une hémoculture quotidiennement. Une neutropénie fébrile est apparue au cours de 117 périodes, dont 58 auraient pu donner lieu à un traitement antifongique empirique. Grâce à la démarche préemptive dont les paramètres étaient prévus au protocole, le taux d’utilisation d’un antifongique pour les épisodes neutropéniques a diminué, passant de 35 % à 7,7 %. La mortalité totale a atteint 18,1 %, et l’AI a été la cause principale de décès chez deux patients. L’autopsie, réalisée systématiquement en cas de décès, a révélé qu’aucun cas d’AI n’avait échappé à la stratégie préemptive.

D’autres chercheurs ont comparé le traitement empirique au traitement préemptif chez 293 patients sous chimiothérapie ou autogreffés de CSH pour cause d’hémopathie maligne (Clin Infect Dis 2009;48:1042-51). Les paramètres définissant l’utilisation du traitement préemptif étaient les mêmes que ceux de l’étude de Maertens. Le traitement empirique était quant à lui déterminé par une fièvre persistante ou récurrente malgré un traitement antibactérien.

Au terme de l’étude, la survie se chiffrait à 97,3 % dans le groupe de traitement empirique vs 95,1 % dans le groupe de traitement préemptif. On a eu recours au traitement antifongique chez 66 % des sujets du groupe de traitement empirique vs 46 % des sujets du groupe de traitement préemptif. Le paramètre secondaire – la survenue d’une IFI – a été atteint chez 9,1 % des sujets du groupe de traitement préemptif vs 2,7 % des sujets du groupe de traitement empirique. Enfin, le décès imputable à une IFI est survenu chez 2,1 % des sujets sous traitement préemptif vs 0 % des sujets sous traitement empirique (Figure 1).


À en juger par les résultats, une stratégie préemptive est faisable et, comparativement à la stratégie empirique, elle donne lieu à une utilisation moindre du traitement antifongique, au risque cependant d’une augmentation des cas d’IFI, affirme le Dr Donnelly. En l’absence de fièvre, un traitement précoce est possible en vertu d’une stratégie préemptive, alors que le patient n’est pas traité en vertu d’une stratégie empirique.

L’AI en présence d’une hémopathie maligne

La baisse de mortalité chez les patients aux prises avec une hémopathie maligne malgré l’incidence stable des aspergilloses a coïncidé avec l’arrivée de nouvelles options de traitement antifongique. «Une révolution a vu le jour en 2002 avec l’arrivée du voriconazole», affirme le Pr Livio Pagano, Département d’hématologie, Università Cattolica del Sacro Cuore, Rome, Italie. Dans le cadre d’une étude avec randomisation sur le traitement de première intention de l’AI (N Engl J Med 2002;347:408-15), on a observé un taux de survie significativement plus élevé à 12 semaines chez les patients sous voriconazole (70,8 % vs 57,9 % pour l’amphotéricine B; p=0,02) de même qu’un meilleur taux de réussite. Nivoix et ses collaborateurs (Clin Infect Dis 2008;47[9]:1176-84) ont aussi constaté que l’utilisation du voriconazole en première intention était un facteur associé à la survie globale et à la survie attribuable dans l’AI; en outre, en tant que traitement de première intention, c’était un facteur pronostique associé à la survie dans l’AI après une greffe de CSH.

Chez les sujets immunodéprimés de l’essai AmBiLoad (Clin Infect Dis 2007;44[10]:1289-97), l’amphotéricine B liposomale (Amb-L) administrée en première intention à raison de 3 mg/kg dans l’AI a été associée à un taux de réponse de 50 % et à un taux de survie de 72 % à 12 semaines; une forte dose initiale – 10 mg/kg – n’a pas été associée à un bénéfice plus marqué.

Certes, la caspofongine est un ajout récent dans notre arsenal thérapeutique contre l’AI, note le Pr Pagano, «mais on ne peut pas dire que la caspofongine soit un traitement de première intention». Dans les essais cliniques réalisés en hématologie, les réponses complètes étaient rares. Parmi des allogreffés de CSH aux prises avec une AI confirmée sur le plan mycologique, aucun n’a eu de réponse complète, 42 % avaient une réponse partielle au terme du traitement, et 33 % avaient une réponse complète ou partielle à 12 semaines (Herbrecht et al. Bone Marrow Transplant 2010;45:1227-33).

Les groupes de coopération et les sociétés savantes internationales, telles l’Infectious Diseases Society of America [IDSA] et la European Conference on Infections in Leukaemia [ECIL], recommandent en premier lieu le voriconazole dans le traitement de première intention de l’AI; «l’Amb-L n’est qu’une solution de rechange» si le voriconazole n’est pas accessible, rappelle le Pr Pagano. Pour le traitement de sauvetage, nous avons plusieurs options, à savoir la caspofongine, le posaconazole, le voriconazole, l’Amb-L, l’amphotéricine B en complexe lipidique et l’itraconazole, poursuit-il.

Chez les patients aux prises avec une leucémie myéloïde aiguë, le respect des recommandations de l’IDSA ou de l’ECIL quant au traitement de l’AI donne lieu à de meilleurs taux de réussite clinique. Le Pr Pagano et ses collaborateurs (J Antimicrob Chemother 2010;65:2013-8) ont effectivement fait état d’un taux de réussite de 76 % lorsqu’ils utilisaient le voriconazole ou l’Amb-L en première intention conformément aux recommandations de l’IDSA, comparativement à un taux de réussite de 59 % lorsqu’ils utilisaient un schéma non recommandé par l’IDSA. Lorsque le voriconazole était utilisé en première intention conformément aux recommandations de l’ECIL, le taux de réussite s’élevait à 84 %, vs 63 % pour les schém
l’ECIL (Tableau 1).

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Bien que les associations d’antifongiques puissent offrir une synergie dans le traitement des IFI, leur utilisation n’est pas recommandée systématiquement en première intention. Qu’à cela ne tienne, nombreux sont les cliniciens qui ne respectent pas les recommandations et les utilisent quand même, enchaîne le Pr Pagano.

L’AI à l’USI

Dans le contexte de l’USI, la mortalité imputable à l’AI «a de quoi laisser pantois» : 60 à 90 % en cas d’AI prouvée ou probable, fait remarquer le Pr Dirk Vogelaers, Départements de médecine interne générale et d’infectiologie, Hôpital universitaire de Gand, Belgique.

Quel que soit le traitement, le retard au diagnostic et, partant, la mise en route différée du traitement antifongique de première intention sont souvent à l’origine de la mortalité associée à l’AI. «Des problèmes surviennent pour chaque élément du diagnostic», poursuit-il.

Le diagnostic clinique de l’aspergillose pulmonaire invasive (API) repose traditionnellement sur les facteurs de l’hôte liés à l’acquisition de la maladie et les données microbiologiques. Chez les patients présentant des signes et des symptômes évocateurs d’une API, la tomodensitométrie thoracique permet de repérer des anomalies caractéristiques de l’API (le signe du halo, par exemple), ce qui fait passer le diagnostic de «possible» à «probable» et permet d’amorcer le traitement plus tôt, explique le Pr Vogelaers.

Ainsi, un échantillon positif pour Aspergillus que l’on aurait prélevé dans les voies respiratoires d’un patient hospitalisé à l’USI devrait déclencher une série d’examens diagnostiques, notamment un lavage bronchoalvéolaire, un examen tomodensitométrique et une biopsie pulmonaire, quoique ce soit difficile à faire, précise-t-il.

Espèces de Candida

L’incidence de la candidémie (C) et d’autres formes de candidose invasive (CI) est particulièrement élevée à l’USI, où la défaillance multi-organique est courante et la mortalité, plus élevée que la moyenne. L’étude ICE (Invasive Candidiasis Intensive Care) est l’une des plus vastes que l’on ait jamais réalisées pour évaluer l’efficacité d’un antifongique au sein de la population à risque élevé de l’USI. Les détails de cette étude ouverte ont été décrits par le Pr Markus Ruhnke, Département de médecine, Hôpital universitaire de la Charité, Berlin, Allemagne.

Les patients qui présentaient une C/CI confirmée recevaient de l’anidulafungine par voie intraveineuse, puis soit du voriconazole, soit du fluconazole, par voie orale. L’anidulafungine, antifongique de la famille des échinocandines, ne nécessite aucun ajustement posologique en cas d’insuffisance rénale ou hépatique et n’est associée à aucune interaction médicamenteuse connue, ce qui constitue un atout précieux pour les patients de l’USI recevant peut-être de multiples agents concomitants, enchaîne le Pr Ruhnke.

Les patients admissibles à l’étude présentaient des signes et des symptômes d’infection fongique aiguë dans les 48 heures précédant le début du traitement à l’étude. En outre, une C/CI avait été confirmée dans l’intervalle compris entre 96 heures avant le début de l’étude et 48 heures après le début de l’étude. Les 216 sujets de l’étude qui ont reçu au moins une dose d’anidulafungine avaient été recrutés dans 60 établissements répartis dans 19 pays. Le traitement a duré 15,9 jours en moyenne.

Quelque 69,5 % des patients de la population en intention de traiter modifiée et évaluable répondaient aux critères de réussite globale (c.-à-d., guérison ou amélioration significative des signes et symptômes de la C/CI ou éradication/éradication présumée des espèces Candida) au terme du traitement. Le traitement s’est révélé efficace dans tous les sous-groupes prédéfinis de l’étude, soit les insuffisants rénaux, les insuffisants hépatiques, les patients porteurs d’une tumeur solide, les patients âgés et les patients opérés à l’abdomen. Une réussite globale a été enregistrée chez 37,5 % des transplantés d’organes et 71,1 % des patients non neutropéniques.

La probabilité de survie à 90 jours a été estimée à 53,8 % selon la méthode de Kaplan-Meier. Des effets indésirables iatrogènes (causés par l’anidulafungine et les antifongiques azolés oraux) sont survenus chez 15,3 % des patients, et ces effets étaient graves chez 1,9 % d’entre eux. «Les résultats de cette étude étayent les recommandations cliniques actuelles, à savoir qu’une échinocandine devrait être utilisée dans le traitement de première intention de la C/CI chez les patients dont l’état est modérément sévère ou sévère», confirme le Pr Ruhnke.

Réussite et creux sériques chez les transplantés pulmonaires

Le lien entre la concentration sérique de voriconazole et l’issue clinique n’est pas clair, mais des creux insuffisants ont été rapportés lors d’échecs du traitement. Il ressort de nouvelles données que la concentration sérique cible devrait être >1 µg/mL chez un transplanté pulmonaire recevant du voriconazole en prophylaxie.

Au University of Pittsburgh Medical Center, Pennsylvanie, on a procédé à 438 dosages sériques du voriconazole chez 93 transplantés pulmonaires. Durant la prophylaxie par le voriconazole, une IFI est survenue chez 10 % des patients, et on a rapporté une colonisation fongique des voies respiratoires chez 27 % des patients. Le risque d’apparition d’une IFI ou de colonisation par un champignon était significativement plus élevé chez les patients dont le creux était toujours =1 µg/mL que chez ceux dont le creux avait excédé 1 µg/mL au moins une fois (p=0,02), souligne le Dr</sup
Division d’infectiologie, University of Pittsburgh (Tableau 2).

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Bien que la posologie standard ait été utilisée, l’éventail des concentrations initiales était vaste (0 à 12,8 µg/mL), et les dosages en série du voriconazole ont objectivé une variation significative de la concentration chez 80 % des patients, note le Dr Clancy. «En général, la concentration n’augmentait pas au-delà de 1 µg/mL quand on augmentait la posologie, même dans les cas où elle atteignait 300 mg 2 fois/jour, poursuit-il. Environ 20 % des patients ont des creux sériques bas au départ et conservent des creux sériques bas; en général, ces patients ne répondent pas à une augmentation de la dose. Nous préconisons un creux sérique compris entre 1 et 4 µg/mL; à vrai dire, c’est surtout la toxicité qui nous inquiète à 4 µg/mL et non l’efficacité associée à un creux >1 µg/mL.»

Chez les transplantés, la plupart des infections fongiques surviennent après l’arrêt de la prophylaxie par le voriconazole, affirme le Dr Clancy. «Nous ne voyons plus autant de patients mourir d’une infection fongique, et même si nous avons vu plus d’infections fongiques sous le seuil de 1,5 µg/mL, le risque ne passait tout de même pas de «très élevé» à «nul». Même les patients dont les concentrations étaient très faibles et qui ont développé une infection fongique se sont dans l’ensemble très bien tirés d’affaire.» Lorsque le risque d’IFI est préoccupant chez un patient dont le creux sérique est <1 µg/mL, on essaie généralement un autre schéma comme l’amphotéricine B, fait-il valoir.

Ces résultats ont été confirmés par la Pre Haifa Lyster et ses collègues, Royal Brompton et Harefield, Royaume-Uni, qui ont mesuré les concentrations de voriconazole chez 24 patients ayant reçu une transplantation pulmonaire, dont 14 pour cause de fibrose kystique. Les creux sériques étaient mesurés après au moins 3 à 5 jours de traitement, et le seuil thérapeutique a été fixé à >1,3 µg/mL.

Les résultats ont révélé que 42 % des patients n’avaient pas atteint le creux sérique cible et qu’il n’y avait aucune différence selon que la transplantation avait été motivée ou non par la fibrose kystique. Les auteurs ont recommandé de surveiller les concentrations plasmatiques de voriconazole afin d’éviter des concentrations subthérapeutiques chez les transplantés pulmonaires.

L’utilisation des ressources est d’autant plus faible que la prophylaxie est longue

À en juger par une comparaison économique du voriconazole et de l’itraconazole utilisés comme prophylaxie primaire de l’IFI après une allogreffe de CSH, la tolérabilité supérieure du voriconazole a permis de prolonger la prophylaxie et, en définitive, de réduire l’utilisation des ressources du système de santé et les coûts, explique le Dr Haran Schlamm, chercheur, New York. Cette analyse a été faite à partir des données d’une étude multicentrique ouverte dans laquelle 665 patients avaient été randomisés de façon à recevoir l’un ou l’autre antifongique pendant au moins 100 jours et au plus 180 jours à partir du jour de la greffe de CSH.

Une prophylaxie de plus longue durée a été associée à une réduction significative du nombre de jours d’hospitalisation (p=0,0110) et de jours passés dans une unité spéciale (p<0,0001), de même qu’à une réduction significative de l’utilisation d’un autre antifongique azolé (p<0,0001). La probabilité de ré-hospitalisation et la probabilité de séjour à l’USI étaient plus élevées chez les patients qui avaient mis fin à leur prophylaxie que chez ceux qui n’y avaient pas mis fin (p=0,0123 et p=0,0546, respectivement).

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