Comptes rendus

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Suppression de l’activité hormonale dans le cancer de la prostate résistant à la castration

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 48e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Chicago, Illinois / 1er-5 juin 2012

Chicago - Plusieurs études multicentriques portant sur des agents qui suppriment l’activité hormonale devraient amener les experts à réviser les stratégies de prise en charge actuellement recommandées dans le cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC). Les deux études les plus vastes, qui évaluaient des stratégies différentes dans des contextes différents, ont toutes deux été arrêtées prématurément à la suite d’une analyse intermédiaire ayant objectivé un avantage évident du traitement expérimental par rapport au traitement de référence. Les principaux bénéfices associés à la suppression de l’activité hormonale sont notamment une augmentation de la survie globale, le critère ayant le plus de poids pour modifier la pratique clinique. Des études présentées au congrès ont validé l’efficacité de la suppression hormonale pour un vaste éventail d’indications dans le CPRC, notamment le traitement de première intention d’un cancer métastatique nouvellement diagnostiqué et le traitement de deuxième intention après une chimiothérapie.

La suppression hormonale est une option polyvalente dans la maîtrise du cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC), comme l’ont montré plusieurs essais cliniques récents, lesquels pourraient d’ailleurs modifier les stratégies actuelles de prise en charge.

Résultats d’études

Ce sont les essais AFFIRM et COU-AA-302 qui ont généré les plus importantes données présentées au congrès. L’essai de phase III
AFFIRM – qui portait sur l’enzalutamide, anciennement appelé MDV3100 – a été mené chez des patients qui avaient déjà reçu une chimiothérapie par le docetaxel. Les résultats des analyses secondaires détaillées présentées au congrès faisaient suite à la présentation des résultats de l’analyse principale il y a plusieurs mois dans le cadre du symposium de l’ASCO de 2012 sur les cancers génito-urinaires. L’essai de phase III COU-AA-302 avec randomisation portait sur l’acétate d’abiratérone chez des patients atteints d’un CPRC métastatique qui n’avaient jamais reçu de chimiothérapie. Ces données ont été présentées en séance de dernière heure. Les deux études ont pris fin à la suite d’une analyse intermédiaire ayant objectivé un avantage concluant en faveur du groupe expérimental sur le plan de la survie globale (SG).

Le Dr Johann S. de Bono, Royal Marsden NHS Foundation Trust, Londres, Royaume-Uni, a dit des résultats de l’essai AFFIRM sur l’enzalutamide que c’étaient «les meilleures données de survie que nous ayons jamais vues après une chimiothérapie». Les données sur la SG, le paramètre principal – qui avaient été présentées antérieurement – ont montré que l’enzalutamide était associé à une amélioration de 37 % (HR 0,63; IC à 95 % : 0,53-0,75; p<0,0001) par rapport au placebo (médiane de 18,4 vs 13,6 mois). L’avantage relatif sur le plan de la survie sans progression radiographique (SSPr), l’un des paramètres secondaires, était encore plus marqué (médiane de 8,3 vs 2,9 mois: HR 0,40; IC à 95 % : 0,35-0,466; p<0,0001). Dans la première évaluation détaillée des paramètres secondaires, le Dr de Bono a rapporté que chaque indicateur de la réponse était positif et que la plupart dépassaient largement le seuil de significativité statistique. Parmi les avantages relatifs, la proportion de patients dont la qualité de vie s’était améliorée selon l’échelle FACT-P (Functional Assessment of Cancer Therapy-Prostate-P) a plus que doublé (43,3 % vs 17,8 %; p<0,0001).

Lors de l’essai AFFIRM, 1199 patients ont été randomisés de façon à recevoir, selon un ratio 2:1, 160 mg/jour d’enzalutamide ou un placebo. L’administration de prednisone ou d’un autre glucocorticoïde était autorisée, mais pas obligatoire. Tous les paramètres mesurés ont fait ressortir des avantages substantiels en faveur de l’enzalutamide, y compris l’intervalle sans progression du taux de PSA (médiane de 8,3 vs 3,0 mois; p<0,0001), le taux de réponse objective (28,9 % vs 3,9 %; p<0,0001) et la réponse du PSA (43,3 % vs 17,8 %; p<0,0001).

Toujours dans l’essai AFFIRM, l’enzalutamide se comparait au placebo sur le plan du profil d’effets indésirables. Si les bouffées vasomotrices étaient plus fréquentes sous enzalutamide (20 % vs 10 %), les effets indésirables de grade ≥3 étaient généralement moins fréquents. Par exemple, alors que la fatigue (34 % vs 29 %) et la diarrhée (21 % vs 18 %) étaient légèrement plus fréquentes pour tous les grades sous enzalutamide que sous placebo, le taux de fatigue de grade ≥3 (6 % vs 7 %) et le taux d’anomalies aux épreuves de la fonction hépatique de grade ≥3 (0,4 % vs 0,8 %) étaient légèrement plus faibles. Les crises convulsives, effet indésirable jadis associé aux antagonistes des récepteurs androgéniques, ont été extrêmement rares dans un groupe comme dans l’autre (0,6 % vs 0 %). Les améliorations majeures de tous les aspects de la qualité de vie selon l’échelle FACT-P ont été encore plus révélatrices. Le conférencier invité par l’ASCO pour discuter de ces données, William K. Kelly, DO, Thomas Jefferson University, Philadelphie, Pennsylvanie, a qualifié d’«impressionnants» les avantages sur le plan de la qualité de vie et de «très favorable» le ratio risque:bénéfice global.

À l’heure actuelle, l’abiratérone est indiquée en association avec la prednisone pour le traitement du CPRC métastatique chez les patients qui ont déjà reçu du docetaxel. Son activité est attribuée à l’inhibition d’une étape enzymatique dans la biosynthèse des androgènes. Aux stades avancés de la recherche clinique, les chercheurs ont constaté que l’enzalutamide inhibait la signalisation au niveau des récepteurs androgéniques par plusieurs mécanismes, notamment par le blocage de la liaison de la testostérone aux récepteurs androgéniques.

Lors de l’essai COU-AA-302, 1088 patients de 151 centres répartis dans 12 pays ont été randomisés de façon à recevoir 1 g d’abiratérone plus 5 mg de prednisone 2 fois/jour ou un placebo plus la même dose de prednisone. La SG et la SSPr étaient les deux paramètres principaux. Lors de l’analyse intermédiaire prévue au protocole, qui a eu lieu en février dernier, le comité chargé de la surveillance des données a recommandé que l’insu soit levé en raison de l’avantage marqué et constant en faveur du groupe abiratérone+prednisone.

«C’est le premier essai avec randomisation à montrer un avantage sur le plan de la SG et de la SSPr chez des patients atteints de CPRC métastatique n’ayant jamais reçu de chimiothérapie», soulignait l’auteur qui présentait les résultats de l’essai COU-AA-302, le Dr Charles J. Ryan, University of California, San Francisco.

Après un suivi d’une durée médiane de 22,2 mois, la médiane de SSPr était de 8,3 mois dans le groupe témoin alors qu’elle n’avait pas été atteinte dans le groupe de traitement actif, ce qui a donné lieu à un risque relatif (HR) de 0,43 (IC à 95 % : 0,35-0,52; p<0,0001). Au chapitre de la SG, la médiane était 23,7 mois dans le groupe témoin alors qu’elle n’avait pas été atteinte dans le groupe sous abiratérone (HR 0.75; IC à 95 % : 0,61-0,93; p=0,0097). Parmi les paramètres secondaires où l’abiratérone était avantageux, mentionnons le plus long intervalle sans progression du taux de PSA (11,1 vs 5,6 mois; p<0,0001).

On a mis fin à l’étude COU-AA-032 après la survenue de 40 % des événements relatifs aux paramètres principux (SG et SSPr). La conférencière invitée, la Dre Susan Halabi, Duke University, a fait remarquer que même si la réduction du risque de mortalité était significative, l’augmentation de la SG n’avait pas atteint le seuil prédéterminé de significativité, en particulier parce que l’arrêt de l’étude était lié aux résultats de l’évaluation des paramètres principaux. À son avis, l’arrêt prématuré de l’étude sera un facteur de confusion et faussera peut-être les analyses définitives.

Évaluation des séquences de traitement appropriées

Les résultats des études COU-AA-302 et AFFIRM répondent à d’importantes questions sur la relation entre la suppression hormonale efficace et l’obtention de meilleurs résultats cliniques dans le CPRC. Ils pavent aussi la voie à l’essai de nouvelles stratégies pour maximiser les possibilités de la suppression hormonale. Plusieurs études présentées au congrès ont indiqué de nouvelles voies à suivre. Par exemple, une équipe multicentrique qui comportait des chercheurs du Canada a présenté les grandes lignes d›une étude où l’on évaluera en contexte néoadjuvant l’association leuprolide + dutastéride + enzalutamide après une prostatectomie dans le traitement des cancers à risque intermédiaire et à risque élevé. Dans le cadre d’une autre étude, on compare le bicalutamide et l’enzalutamide dans la maîtrise du CPRC métastatique.

En outre, des études visant à évaluer la séquence appropriée des traitements sont en cours. Par exemple, on a évalué dans une petite étude l’activité de l’abiratérone chez des patients atteints d’un CPRC métastatique ayant déjà été exposés au docetaxel et à l’enzalutamide. Lors de cette étude, parmi les 24 patients qui recevaient 1 g d’abiratérone et 10 mg/jour de prednisone, on a observé une diminution du taux de PSA chez 5 patients et une diminution >50 % du taux de PSA chez 3 patients. La durée de la réponse du PSA variait entre 2 et 4,5 mois. De plus, 6 patients ont eu une réponse symptomatique. Le traitement a été généralement bien toléré, mais un patient a cessé de recevoir son traitement par l’abiratérone à cause d’œdèmes et d’une hypokaliémie.

«Cette étude montre de façon préliminaire que l’abiratérone peut agir même chez les patients atteints d’un CPRC métastatique qui ont reçu à la fois du docetaxel et de l’enzalutamide», précise la Dre Ecaterina Ileana, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France. Des différences quant au mode d’action sous-jacent pourraient expliquer que la perte d’efficacité d’un traitement hormonal n’élimine pas nécessairement la possibilité d’un bénéfice associé à un autre traitement hormonal. D’autres études visant à définir la séquence optimale de ces traitements s’imposent.

À un stade beaucoup moins avancé de la maladie, l’association leuprolide + abiratérone en contexte néoadjuvant a été bien  tolérée par des patients atteints d’un cancer de la prostate localisé à risque élevé. Dans le cadre d’une étude de phase II, on a comparé l’issue clinique chez 28 hommes qui recevaient du leuprolide seul et chez 30 hommes qui recevaient l›association. Selon les résultats présentés par la Dre Mary-Ellen Taplin, Dana Farber Cancer Institute, Boston, Massachusetts, la probabilité d’avoir un nadir du PSA <0,2 ng/mL à 12 semaines était beaucoup plus forte chez les patients qui avaient reçu l’association (90 % vs 4 %; p<0,0001), mais la différence n’était plus significative à 24 semaines. La Dre Taplin a aussi fait remarquer que la proportion de patients ayant une réponse pathologique complète ou quasi complète (34 % vs 15 %; p=0,089) avoisinait le seuil de significativité statistique. «Ces résultats justifient l’évaluation plus poussée d’une suppression hormonale énergique en contexte néoadjuvant/adjuvant dans le cancer de la prostate localisé à risque élevé», affirme le Dr Taplin.

Résumé

Les organisateurs de l’ASCO avaient choisi Paradigm Shift comme intitulé de la séance scientifique lors de laquelle les résultats des essais COU-AA-302 et AFFIRM ont été présentés, ce qui reflète bien l’impact escompté de ces données. On a rarement vu en oncologie des bénéfices de même ampleur que le bénéfice clinique associé à l’abiratérone et à l’enzalutamide chez des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique et ayant déjà reçu du docetaxel, respectivement. Ces résultats montrent qu’il est possible de maîtriser la maladie et d’améliorer la qualité de vie grâce à des schémas bien tolérés et relativement simples. L’efficacité de ces agents nous encourage à pousser leur évaluation afin de raffiner les algorithmes de traitement dont l’objectif est de supprimer les symptômes durant de longues périodes de survie.   

 

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