Comptes rendus

Aspects nouveaux de la prise en charge globale du risque et du traitement de l’hypertension
Maîtrise de la coagulation chez les victimes d’un syndrome coronarien aigu en transition vers la salle des cathétérismes

Tour d’horizon des options de traitement dans la migraine réfractaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

49e Assemblée scientifique annuelle de l’American Headache Society

Chicago, Illinois / 7-10 juin 2007

On considère que la migraine menstruelle pure, dite aussi cataméniale – que l’on définit comme une migraine survenant entre deux jours avant et trois jours après le début de la menstruation – est plus réfractaire au traitement par un triptan que les migraines non menstruelles. Le Dr Robert Nett, directeur médical, Texas Headache Associates, San Antonio, et ses collaborateurs ont effectué une analyse pour évaluer l’efficacité et la tolérabilité d’un triptan dans le traitement de la migraine menstruelle pure et des autres migraines menstruelles. Leur analyse englobait deux études randomisées et comparatives avec placebo portant sur une crise migraineuse unique chez plus de 700 femmes souffrant de migraines menstruelles modérées à sévères, dont 146 souffraient de migraines menstruelles pures.

Le paramètre principal était le soulagement de la douleur à deux heures et le soulagement soutenu de la douleur durant 24 heures. À deux heures, au sein du groupe rizatriptan à 10 mg, 73 % des patientes souffrant de migraines menstruelles pures et 71 % des patientes souffrant de migraines liées à la menstruation ont rapporté un soulagement de la douleur, par comparaison à environ la moitié des patientes du groupe placebo. À 24 heures, au sein du groupe de traitement actif, 42 % des patientes aux prises avec des migraines menstruelles pures et 47 % des patientes aux prises avec des migraines liées à la menstruation ont rapporté un soulagement soutenu, par comparaison à environ le tiers des témoins sous placebo.

Autre fait important, les symptômes connexes, dont l’hypersensibilité à la lumière et au bruit, ont été supprimés chez environ 60 % des patientes traitées, que leurs migraines menstruelles aient été pures ou non, vs environ 45 % des patientes sous placebo. Plus de 70 % des patientes souffrant de l’un ou l’autre type de migraine ont rapporté que le traitement actif avait soulagé leurs nausées vs environ 55 % des patientes sous placebo. «Nous avons toujours tenu pour acquis que la migraine menstruelle était plus réfractaire au traitement à cause de la profonde influence des œstrogènes, mais nous avons démontré sans l’ombre d’un doute que le rizatriptan est tout aussi efficace dans la migraine menstruelle pure que dans les autres migraines menstruelles. Les femmes peuvent donc être assurées que, plus de 70 % du temps, non seulement bénéficient-elles d’un soulagement de la douleur migraineuse, mais aussi des autres composantes parfois tout aussi invalidantes, sinon plus invalidantes», affirme le Dr Nett.

Le même groupe d’experts a obtenu d’autres résultats qui sont venus ajouter du poids à ces observations. En analysant plus en détail certaines données des mêmes groupes de patientes, les chercheurs ont d’abord noté qu’environ 60 % des sujets des deux études avaient fait état d’une légère diminution de leur capacité à vaquer à leurs occupations quotidiennes, alors que 25 % avaient rapporté une incapacité marquée et que 9 % devaient demeurer alitées. Deux heures après le traitement, environ 50 % des patientes sous traitement actif fonctionnaient normalement vs environ le tiers des sujets sous placebo.

Les symptômes avant-coureurs – qui se manifestent de quelques heures à plusieurs jours avant l’apparition de la douleur, les plus courants étant la fatigue, l’irritabilité et la sensibilité à la lumière et au bruit – ont aussi bien répondu au rizatriptan et, sur le plan de l’efficacité, il n’y avait aucune différence importante entre les sujets qui avaient des symptômes avant-coureurs et les sujets qui n’en avaient pas.

L’hypersensibilité cutanée – signalée par plus de 80 % des sujets au départ dans les deux études comparatives avec placebo – n’était pas annonciatrice de la réponse au rizatriptan, note Loretta Mueller, DO, University Headache Center, Stratford, New Jersey. Comparant les réponses au traitement actif et les réponses au placebo selon que les patientes avaient signalé une hypersensibilité cutanée au départ ou non, la Dre Mueller et son équipe n’ont constaté aucune différence d’efficacité du rizatriptan et ont noté que celui-ci atténuait l’hypersensibilité cutanée de façon appréciable par rapport au placebo.

Autres stratégies de traitement

On avait déjà rapporté que l’acétaminophène à forte dose peut soulager la migraine chez une certaine proportion de migraineux, mais on a ensuite émis l’hypothèse voulant que l’association de l’acétaminophène et d’un triptan soit considérablement plus efficace que l’un ou l’autre traitement administré seul. Cette hypothèse a été vérifiée dans un essai comparatif avec placebo lors duquel des sujets souffrant de migraines modérées à sévères recevaient aléatoirement l’association rizatriptan (10 mg)/acétaminophène (1000 mg), 10 mg de rizatriptan seul, 1000 mg d’acétaminophène seul ou un placebo. En tout, 200 patients (50 par groupe) ont été admis à l’étude, et le paramètre principal était le soulagement de la douleur à deux heures.

L’absence de douleur à deux heures a été rapportée par 54 % des patients qui recevaient l’association, 40 % de ceux qui recevaient du rizatriptan seul et 25 % de ceux qui recevaient de l’acétaminophène seul. Quelque 15 % des patients sous placebo n’avaient aucune douleur à deux heures. «Tous les traitements, y compris le placebo, ont atténué les symptômes connexes de façon appréciable», affirme le Dr Frederick Freitag, Diamond Headache Clinic, Chicago, Illinois, bien que la photophobie ait été atténuée de façon significativement plus marquée chez les patients recevant l’association et chez ceux qui recevaient du rizatriptan en monothérapie que chez ceux qui recevaient de l’acétaminophène seul ou un placebo. Environ le tiers des patients recevant du rizatriptan en association ou seul ont eu une réaction défavorable au traitement, tout comme 20 % des patients recevant soit de l’acétaminophène, soit un placebo. Les effets indésirables étaient typiques des triptans, note le Dr Freitag, mais c’est uniquement dans le groupe placebo – et c’est là un point intéressant – que l’on a signalé des effets indésirables thoraciques.

Le Dr Henry Hu, West Point, Pennsylvanie, et ses collaborateurs ont tenté d’évaluer la fréquence à laquelle les patients prennent à la fois un triptan et un AINS pour traiter leurs migraines. Selon une analyse portant sur plus de 1500 participants d’un programme de soins intégrés, environ 38 % des patients prenaient à la fois un triptan et un AINS. Lors de la crise migraineuse subséquente, près des trois quarts d’entre eux ont changé leur méthode de traitement : environ 23 % ont affirmé avoir utilisé un triptan en monothérapie et à peu près autant ont pris un AINS d’abord, puis un triptan. Seulement 10 % ont déclaré avoir pris simultanément un triptan et un AINS, alors qu’une autre tranche de 5 % a déclaré avoir pris un triptan d’abord, puis un AINS.

«Par rapport aux autres groupes, les patients du groupe triptan seul ont été plus nombreux à bénéficier d’un soulagement des nausées au cours de l’heure suivant la prise du médicament, précisent les chercheurs. Par ailleurs, les deux tiers des patients du groupe triptan plus AINS et du groupe triptan seul n’ont pas utilisé de médicaments de secours.»

Commentant les résultats, le Dr Hu faisait remarquer que l’utilisation d’un triptan et d’un AINS ou d’un AINS seul avait eu un effet plutôt limité sur les nausées une heure après l’administration. «Un AINS peut en fait compromettre l’effet antinauséeux du triptan», explique-t-il. Si la monothérapie satisfait le patient, «il n’y a honnêtement aucune raison d’ajouter un médicament, et si c’est un AINS qui vient s’ajouter, [l’effet] antinauséeux du triptan pourrait s’en trouver compromis en partie», poursuit-il.

Nouvelles données

Le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) – l’un des principaux neuropeptides libérés par les terminaisons du nerf trijumeau – entraîne une vasodilatation importante et semble stimuler la transmission de signaux douloureux. Il a été démontré que la stimulation des ganglions trigéminaux augmente les taux de CGRP dans la circulation crânienne et que la perfusion de CGRP déclenche une céphalée de type migraine chez les migraineux. Il a aussi été démontré que le taux de CGRP est élevé en présence d’une migraine sévère prolongée et que le taux sanguin de CGRP chute lorsque la migraine s’atténue.

Ces données semblent indiquer que le CGRP joue un rôle central dans la physiopathologie de la migraine et d’autres troubles céphaliques primitifs, surtout la céphalée vasculaire de Horton. On a émis l’hypothèse voulant que l’inhibition du CGRP puisse bloquer la vasodilatation et réduire la transmission de signaux douloureux sans pour autant entraîner de vasoconstriction ou les effets vasculaires indésirables des triptans.

Le premier antagoniste des récepteurs du CGRP ou anti-CGRP à être mis au point a été l’olcegepant en préparation intraveineuse (i.v.). Les résultats d’une étude de phase II – lors de laquelle 126 sujets migraineux ont reçu l’une de six doses d’olcegepant par voie i.v. ou un placebo – ont montré que la dose de 2,5 mg était la plus efficace et la mieux tolérée; les chercheurs ont observé une réponse (c’est-à-dire l’absence de céphalée ou la présence d’une céphalée légère deux heures après le traitement) chez 66 % des patients, vs 27 % des témoins sous placebo. Ils ont également remarqué que la réponse au traitement s’accentuait avec le temps, de sorte qu’environ 24 heures après la perfusion, 47 % des patients ayant reçu le traitement actif n’avaient aucune douleur vs 15 % des témoins sous placebo.

Les nausées de même que la phonophobie et la photophobie se sont toutes atténuées parallèlement à la réponse de la céphalée, et le taux de récurrence se chiffrait à 19 % dans le groupe olcegepant vs 46 % dans le groupe placebo. Le taux d’effets indésirables était essentiellement identique dans les deux groupes, «de sorte que le profil d’effets indésirables [des anti-CGRP] semble très favorable», note le Dr Stewart Tepper, directeur, New England Center for Headache, Stamford, Connecticut.

Au moment où le MK-0974 a été développé, il n’y avait encore aucun anti-CGRP oral. Les études préliminaires et les études plus avancées indiquent qu’il possède une activité antimigraineuse puissante et qu’il est bien toléré. La première observation – selon laquelle cet agent pourrait agir sur les états douloureux – émanait de chercheurs américains. Plus précisément, ces chercheurs avaient évalué son effet inhibiteur de la réponse du flux sanguin microvasculaire dermique induite par la capsaïcine. Douze volontaires sains ont reçu par voie orale une dose unique du nouvel agent, puis deux doses topiques de capsaïcine dans le cadre d’une étude croisée en trois volets. Les résultats ont montré que le MK-0974, tant à forte dose (800 mg) qu’à faible dose (300 mg), avait atténué considérablement l’augmentation du flux sanguin microvasculaire dermique induite par la capsaïcine, signe indéniable de son effet analgésique.

Les études cliniques de phase I sur le MK-0974 regroupaient quelque 330 migraineux et, à ce jour, on n’a signalé aucun effet indésirable grave du traitement, aucun effet important du sexe ou de l’âge sur la réponse au traitement et aucun effet important de la stase gastrique associée à la migraine sur la biodisponibilité de l’agent.

Résultats d’une étude

Les résultats d’une étude de phase IIb visant à déterminer la posologie du MK-0974 – qui ont été présentés par le Dr Tony Ho, Whitehouse Station, New Jersey – sont encourageants. Une analyse partielle était prévue afin que l’on arrête sans tarder l’administration de doses inefficaces de MK-0974. Quelque 320 patients ont été inclus dans l’analyse principale et les analyses secondaires visant à évaluer les doses de 300 mg, de 400 mg et de 600 mg. L’étude comportait aussi un groupe témoin qui recevait 10 mg de rizatriptan. Tous les patients souffraient de migraines modérées à sévères, et le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité était le soulagement de la douleur à deux heures.

À deux heures, 68,1 % des patients du groupe 300 mg, 48,2 % des patients du groupe 400 mg et 67,5 % des patients du groupe 600 mg ont rapporté un soulagement de la douleur, vs 69,5 % des patients du groupe rizatriptan. Toujours à deux heures, 45,2 % des patients du groupe 300 mg, 24,3 % des patients du groupe 400 mg et 32,1 % des patients du groupe 600 mg ont affirmé qu’ils n’avaient plus de douleur, vs 33,4 % des témoins sous rizatriptan.

C’est toutefois sur les plans du soulagement soutenu de la douleur et de l’absence soutenue de douleur à 24 heures que les résultats étaient les plus notables. En effet, 52,6 % des patients du groupe 300 mg, 37,8 % des patients du groupe 400 mg et 52,5 % des patients du groupe 600 mg ont bénéficié d’un soulagement durable de la douleur, vs 35,3 % des patients recevant le triptan. Sur le plan de l’absence soutenue de douleur à 24 heures, les résultats étaient meilleurs dans les groupes MK-0974, peu importe la dose, que dans le groupe témoin : 39,6 % dans le groupe 300 mg, 22 % dans le groupe 400 mg et 32 % dans le groupe 600 mg, vs 18,4 % dans le groupe triptan. À deux heures, le soulagement des symptômes connexes était notable dans les quatre groupes de traitement.

L’antagoniste des récepteurs du CGRP a été bien toléré et n’a pas entraîné les effets généralement associés aux triptans, à savoir une sensation d’oppression thoracique, des paresthésies, des dysesthésies et des hyperesthésies. «Ces premiers résultats sont très prometteurs, note le Dr Ho, et il est possible que ce nouveau médicament soit supérieur aux triptans 24 heures après l’administration. Cette hypothèse devra toutefois être vérifiée dans le cadre d’un essai de plus grande envergure», conclut-il.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Peter Goadsby, National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Londres, Royaume-Uni, et le Dr Alan Rapoport, professeur de clinique en neurologie, David Geffen School of Medicine, University of California-Los Angeles, durant le congrès.

Q : Pourquoi est-il si important que les antagonistes des récepteurs du CGRP ne causent pas de vasoconstriction?

Dr Goadsby : Pour les spécialistes de la migraine, ce n’est pas si important. Par contre, les autres médecins préfèrent ne pas avoir à s’inquiéter des aspects vasculaires des triptans. L’idée est donc de supprimer les craintes associées à l’utilisation des triptans sur le plan vasculaire dans le contexte des soins primaires.

Q : Pourquoi, à votre avis, les antagonistes des récepteurs du CGRP suscitent-ils tant d’enthousiasme?

Dr Rapoport : L’enthousiasme découle du fait que ces médicaments possèdent un mode d’action différent de celui des triptans. On espère donc qu’ils auront moins d’effets indésirables et que leur innocuité soulèvera moins d’inquiétude. Ces agents ne causent pas de vasoconstriction et peuvent donc être administrés aux patients qui ne seraient pas aptes à recevoir un triptan, comme les patients qui ont été victimes d’un AVC, d’une ischémie cérébrale transitoire ou d’un infarctus du myocarde ou ceux qui souffrent d’une maladie artérielle périphérique, voire d’hypertension. Si ces antimigraineux passent le cap des études de phase III, ils pourront être utiles à beaucoup de nouveaux patients. Nous avons de bonnes raisons de croire que certains patients répondront à ces médicaments même s’ils ne répondent pas aux triptans.

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