Comptes rendus

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Traitement efficace des infections par Escherichia coli et d’autres souches résistantes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 47e Congrès intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

Chicago, Illinois / 17-20 septembre 2007

Depuis la fin des années 1990, les espèces de la famille des Enterobacteriaceae – surtout Escherichia coli – qui produisent de nouvelles bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) sont incriminées dans les infections urinaires et, accessoirement, les septicémies d’origine extra-hospitalière. Parmi la dizaine de types distincts de BLSE, ces nouvelles BLSE – les souches d’E. coli porteuses de CTX-M – sont actuellement à l’origine d’une pandémie d’infections à E. coli multirésistant pour lesquelles nous avons peu d’options de traitement, surtout lorsque ces infections sont graves. Une étude canadienne a donc été conçue pour mesurer l’activité in vitro des carbapénems, de la tigécycline et d’autres antibiotiques contre des isolats cliniques d’E. coli porteurs de CTX-M (E. coli CTX-M) multirésistants.

Comme l’explique le Dr Johann Pitout, professeur agrégé de pathologie et de microbiologie, University of Calgary, Alberta, les chercheurs de Calgary Laboratory Services ont recueilli 181 isolats d’E. coli producteurs de BLSE (E. coli BLSE) entre avril 2002 et juin 2006 et ont inclus 21 souches témoins dans leur étude. Ils ont déterminé les concentrations minimales inhibitrices (CMI50 et CMI90) de l’ertapénem, du méropénem, de la ciprofloxacine, de la gentamicine, de la tobramycine, de l’amikacine, du triméthoprime-sulfaméthoxazole, de la pipéracilline-tazobactam et de la tigécycline. Ils ont utilisé des plaques de microdilution Vitek Legacy, Vitek 2 Compact et d’autres faites sur mesure pour déterminer, en pourcentage, la résistance aux divers antimicrobiens.

Les chercheurs ont aussi analysé les isolats d’E. coli CTX-M en électrophorèse à champ pulsé sur gel afin de s’assurer que les souches d’E. coli CTX-M14 et CTX-M15 n’apppartenaient pas au même groupe. Les résultats de ces tests ont indiqué que ces deux types d’E. coli BLSE n’étaient pas liés l’un l’autre. Selon les tests de sensibilité in vitro des 181 souches d’E. coli BLSE et de 10 isolats témoins, les taux de résistance parmi les souches d’E. coli CTX-M étaient élevés envers la pipéracilline-tazobactam, l’amikacine, la ciprofloxacine, la gentamicine, la tobramycine et le triméthoprime-sulfaméthoxazole, «ce qui souligne la nature multirésistante des isolats inclus dans l’étude», affirment les auteurs. En revanche, les carbapénems, dont l’ertapénem, ont affiché une activité in vitro significativement plus marquée contre toutes les souches d’E. coli BLSE. «La CMI50 et la CMI90 de ces médicaments étaient très faibles, insistent-ils, et cette étude étaye la théorie voulant que ces agents soient prescrits en première intention dans le traitement des infections graves causées par E. coli BLSE.»

Par ailleurs, le Dr Pitout note qu’une étude distincte également présentée au congrès a aidé à reconnaître les patients les plus susceptibles de développer une infection d’origine extra-hospitalière causée par E. coli BLSE. Lors de cette étude prospective de surveillance de la population de Calgary, l’équipe a recensé 248 infections s’étant manifestées en milieu extra-hospitalier; 78 % d’entre elles ont été classées comme étant extra-hospitalières et 22 % comme étant liées au système de santé. L’âge avancé, le sexe féminin et la présence de facteurs de comorbidité augmentaient tous le risque d’infection par E. coli BLSE.

Autre fait important, les voyages à l’extérieur (excluant les États-Unis) étaient associés à une «augmentation significative du risque» parmi les cas d’infections extra-hospitalières, car plus de la moitié des patients infectés par E. coli BLSE s’étaient rendus outre-mer au cours de l’année précédente. Il importe ici de souligner que les voyages en Asie du Sud-Est étaient associés à des infections causées par des souches d’E. coli CTX-M14, alors que les voyages en Europe et sur le sous-continent indien étaient associés à des infections causées par des souches d’E. coli CTX-M15. «Chez les patients présentant des facteurs de risque de ces types d’infection, on doit songer aux carbapénems, y compris l’ertapénem», estime le Dr Pitout.

D’autres tests de sensibilité sur des isolats d’E. coli BLSE d’origine extra-hospitalière ont révélé que la CMI50 et la CMI90 de la tigécycline à l’égard de ces isolats étaient faibles, de sorte que celle-ci pourrait être envisagée comme une solution de rechange dans le traitement des infections par E. coli BLSE. En dernier lieu, l’équipe de Calgary a qualifié de «préoccupants» les résultats des tests de sensibilité à la pipéracilline-tazobactam effectués à l’aide de la technologie Vitek. «L’automate Vitek n’a pas réussi à déceler 70 des 156 souches d’E. coli CTX-M résistantes, fait-il valoir. Nous recommandons donc aux laboratoires qui utilisent cette technologie d’avoir recours à une autre méthode d’évaluation de la sensibilité à la pipéracilline-tazobactam avant de déterminer l’utilité de cet agent pour les souches d’E. coli BLSE, surtout en présence d’un nombre élevé de CTX-M.»

Sensibilité de Pseudomonas aeruginosa

Les résultats d’autres études présentés à l’ICAAC en 2006 avaient déjà dissipé la crainte que l’usage croissant de l’ertapénem puisse compromettre la sensibilité de Pseudomonas aeruginosa à l’imipénem. Il avait en fait été démontré que l’usage de l’ertapénem avait accentué la sensibilité de P. aeruginosa à l’imipénem. (Étant donné que l’ertapénem exerce une activité limitée contre P. aeruginosa, on doit garder en réserve tous les antimicrobiens à activité antipseudomonale qui agissent sur cette bactérie, par exemple l’imipénem.) Ces résultats ont été confirmés cette année.

Comme le souligne la Dre Debra Goff, professeure agrégée de clinique en pharmacie, Ohio State University, Columbus, le centre médical où elle travaille a ajouté l’ertapénem – qui exerce une activité in vitro contre les micro-organismes aérobies et anaérobies gram-positifs et gram-négatifs – à sa liste de médicaments en mai 2003. «Nous avions pour but de surveiller les retombées de l’usage de l’ertapénem sur la sensibilité de P. aeruginosa à l’imipénem de 2003 à 2006, précisent les investigateurs, et nous avons aussi examiné les retombées sur la sensibilité à d’autres antimicrobiens à activité antipseudomonale déjà sur la liste, dont la pipéracilline-tazobactam, le céfépime et la tobramycine.» Les chercheurs ont utilisé le rapport entre la dose quotidienne définie (DQD) et 1000 jours-patients comme méthode pour surveiller l’utilisation d’antipseudomonaux dans leur hôpital année après année. La DQD est une donnée facile à extraire des dossiers de la pharmacie, et cette méthode permet de mettre toutes les doses quotidiennes d’antibiotiques sur un pied d’égalité.

La sensibilité aux divers antimicrobiens à activité antipseudomonale évalués a été déterminée d’après les CMI mesurées par microdilution à l’aide de l’automate MicroScan. Dans le cas de l’ertapénem, par contre, les chercheurs ont eu recours à l’E-test pour toutes les souches d’E. coli BLSE. Les résultats ont révélé que 96 % des isolats de Klebsiella pneumoniae producteurs de BLSE et 100 % des isolats d’E. coli et de K. oxytoca producteurs de BLSE étaient sensibles à l’ertapénem, leur CMI étant £2. La sensibilité de P. aeruginosa à l’imipénem, à la pipéracilline-tazobactam, au céfépime et à la tobramycine est restée identique ou s’est améliorée au fil des quatre ans, même si l’utilisation globale de carbapénems par le centre a augmenté considérablement entre 2003 et 2006; en particulier, l’utilisation de l’ertapénem a nettement augmenté, entre 13 % et 26 % en quatre ans. «L’ajout de l’ertapénem [à la liste de médicaments] n’a pas eu de conséquences défavorables sur la sensibilité de P. aeruginosa aux [agents antipseudomonaux testés]», de conclure les chercheurs. La Dre Goff a qualifié ce résultat de «très rassurant», l’objectif étant de «conserver les antibiotiques à activité antipseudomonale, car il n’y a pas de nouvelles classes d’antimicrobiens à activité antipseudomonale à l’horizon».

Une autre étude présentée au congrès a confirmé que l’utilisation de l’ertapénem n’est pas associée à une résistance accrue de P. aeruginosa à l’imipénem. Comme l’explique l’auteur principal, le Dr Yehuda Carmeli, unité des maladies infectieuses, Tel Aviv Sourasky Medical Center, Israël, l’imipénem et le méropénem sont deux carbapénems du groupe 2 et sont capables de sélectionner des souches résistantes à P. aeruginosa. L’ertapénem, en revanche, est un carbapénem du groupe 1; en raison de son activité limitée contre P. aeruginosa, il n’a pas été associé à un risque accru de résistance de P. aeruginosa à l’imipénem, du moins in vitro et dans les études individuelles.

Dans le cadre de l’étude longitudinale rétrospective, les chercheurs ont recueilli des données sur les patients, l’usage d’antibiotiques et les résistances usuelles dans neuf unités entre 2001 et 2005. L’analyse portait en tout sur 139 185 hospitalisations et 540 255 jours-patients. Plus de 541 000 DQD d’antibiotiques ont été prescrites, dont 4637 DQD d’imipénem et de méropénem et 2130 DQD d’ertapénem. Il est ressorti des données que 779 isolats de P. aeruginosa étaient résistants à l’imipénem, soit une incidence de 5,6 cas/1000 hospitalisations.

Selon une analyse multivariable, l’incidence des isolats de P. aeruginosa résistants à l’imipénem a augmenté au taux de 3,8 % par année, ce qui est significatif (p<0,001). La même analyse a révélé que l’utilisation de carbapénems du groupe 2 était «fortement associée» à une augmentation de la résistance de P. aeruginosa à l’imipénem et qu’à chaque tranche de 100 DQD d’un carbapénem du groupe 2 correspondait une augmentation de 20 % de l’incidence des isolats de P. aeruginosa résistants à l’imipénem. En fait, l’utilisation de carbapénems du groupe 2 était la seule variable associée à une augmentation du taux d’isolats de P. aeruginosa résistants à l’imipénem, notent les chercheurs. En revanche, l’ertapénem n’a pas été associé à une augmentation de l’incidence d’isolats de P. aeruginosa résistants à l’imipénem. «Lorsque les carbapénems sont indiqués pour le traitement d’infections par un micro-organisme résistant et que P. aeruginosa n’est pas en cause, l’ertapénem est préférable», estime le Dr Carmeli.

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