Comptes rendus

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Traitement osseux dans le cancer de la prostate avancé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 107e Assemblée annuelle de l’American Urological Association

Atlanta, Géorgie / 19-24 mai 2012

Atlanta - À défaut de recevoir un traitement osseux, la plupart des patients atteints d’un cancer de la prostate avancé auront au moins une complication osseuse. Dans les cancers résistants à la castration, un bisphosphonate et un anticorps monoclonal (AcM) inhibiteur du RANK ligand, tous deux administrés par voie intraveineuse, ont fait la preuve de leur efficacité pour prévenir ou retarder les complications osseuses. Ces agents, qui inhibent la résorption osseuse par des mécanismes différents, ne semblent pas interchangeables. Lors d’un essai phare dont il a été question au congrès, l’AcM a été associé à un léger avantage sur le plan des complications osseuses, mais à un risque plus élevé d’effet indésirable grave.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’acide zolédronique et le denosumab préviennent la résorption osseuse en bloquant l’activité des ostéoclastes, ce qui permet de
prévenir les complications osseuses chez les patients atteints d’un cancer de la prostate résistant à la castration. L’acide zolédronique est un bisphosphonate qui inhibe les ostéoclastes en agissant sur différentes voies, notamment en favorisant leur apoptose. Le denosumab est pour sa part un anticorps monoclonal (AcM) qui se fixe à un récepteur intervenant dans la maturation des ostéoclastes. Lors d’un essai qui visait à comparer les deux agents, l’AcM s’est révélé plus efficace pour retarder les complications osseuses (20,7 vs 17,1 mois; HR 0,82; p=0,008), mais il a été associé à un risque plus élevé d’effet indésirable grave, tous types confondus, et en particulier à un risque d’hypocalcémie (13 % vs 6 %; p<0,0001) (Lancet 2011;377:813-22). Des chercheurs ont présenté au congrès de nouvelles données dans l’espoir de mettre ces différences en perspective clinique.

«Notre objectif était d’analyser le rapport risque:bénéfice (RRB) du denosumab et de l’acide zolédronique à partir du nombre de sujets à traiter [NNT] et du nombre de sujets traités par sujet lésé [NNH] pour chacun d’eux», explique la Dre Jipan Xie, Analysis Group, New York, New York.

Lors de cette étude, les chercheurs ont réutilisé les résultats de l’essai comparatif afin de calculer pour l’un par rapport à l’autre agent le NNT lié à la prévention d’une première fracture osseuse sous traitement et le NNH lié à la survenue d’un effet indésirable grave (grade 3 ou 4). Le NNT et le NNH ont ensuite servi à déterminer le RRB. Les chercheurs ont effectué les mêmes analyses en se servant des complications osseuses comme paramètre d’évaluation secondaire de l’efficacité et de l’hypocalcémie comme paramètre d’évaluation secondaire des effets indésirables. Toutes les analyses partaient du principe que les patients abandonnaient leur traitement après la survenue d’une première complication osseuse sous traitement.

Analyse du RRB

Selon les résultats de l’étude de phase III comparative, le NNT pour prévenir une fracture est de 162,4 si l’on opte pour le denosumab
plutôt que pour l’acide zolédronique. Le NNH pour un effet indésirable grave de grade 3 ou 4 est de 18,37. C’est donc dire qu’il faudrait administrer l’AcM plutôt que l’acide zolédronique à plus de 162 patients pour prévenir une fracture, mais qu’il suffirait de traiter 18,4 patients pour que survienne un effet indésirable de grade 3 ou 4 de plus. Le RRB s’élève à 8,8. Comme l’a souligné la Dre Xie, un RRB de 8,8 signifie qu’il faut traiter «8,8 fois plus de patients pour prévenir la survenue d’une fracture pathologique comme première complication osseuse, que pour causer un effet indésirable grave de grade 3 ou 4 de plus».

Une analyse secondaire portant sur des variables différentes a généré un résultat similaire. Les chercheurs ont ainsi calculé le NNT
pour prévenir une complication osseuse quelconque – et non seulement une fracture pathologique – et le NNH pour un cas  d’hypocalcémie.  Dans cette analyse, le NNT pour prévenir une première complication osseuse était de 21,3 si l’on utilisait le  enosumab plutôt que l’acide zolédronique alors que le NNH était de 14,3, ce qui revient à un RRB de 1,5. Là encore, ce RRB montre qu’avec le denosumab, le risque de survenue d’un effet indésirable est plus élevé que la probabilité de prévention d’une complication osseuse.

«Les patients sous denosumab ont été plus nombreux que les patients sous acide zolédronique à avoir des effets indésirables graves ou une hypocalcémie que des effets bénéfiques, c’est-àdire la prévention d’une première fracture pathologique ou d’une complication osseuse sous traitement», souligne la Dre Xie.

Tableau 1.

On estime, selon les analyses du NNH, que 71,9 % des patients sous AcM auraient un effet indésirable de grade 3 ou 4 et 12,83 %
développeraient une hypocalcémie, vs 66,46 % et 5,82 % des patients sous bisphosphonate, respectivement. La comparaison des
deux groupes de traitement a fait ressortir une réduction de 5,44 % du risque absolu d’effet indésirable de grade 3 ou 4 et de 7,01 %
du risque absolu d’hypocalcémie en faveur du bisphosphonate. Lorsqu’on évalue un agent contre l’autre, précise la Dre Xie, le nombre de sujets développant un effet indésirable de grade 3 ou 4 sous denosumab «est beaucoup plus faible que le NNT pour éviter une fracture pathologique sous traitement», ce qui vient annuler le bénéfice sur le plan de l’efficacité. Des analyses de sensibilité effectuées à partir de ces données ont généré le même résultat. «Le RRB élevé donne tout lieu de croire que malgré la plus grande efficacité du denosumab, les bénéfices qui lui sont associés pourraient ne pas l’emporter sur ses risques ajoutés», précise la Dre Xie.

Progression biochimique retardée

Il est ressorti d’un essai clinique de phase II prospectif et multicentrique que lorsque l’objectif du traitement est de retarder la progression biochimique d’un cancer de la prostate métastatique, l’association de l’acide zolédronique et de la suppression hormonale pourrait être plus efficace que la seule suppression hormonale.

Cet essai regroupait 54 hommes dont l’âge médian était de 72 ans et dont le taux initial médian d’antigène spécifique de la prostate (PSA) se chiffrait à 249 ng/mL. Ces hommes ont reçu en association du bicalutamide et de la goséréline comme traitement de suppression hormonale et de l’acide zolédronique par voie intraveineuse à raison de 4 mg toutes les 4 semaines. Les chercheurs
ont mesuré les marqueurs du remodelage osseux (bAP, ICTP et NTX) au départ, puis tous les 3 mois.

Les résultats obtenus au sein de cette population de patients ont été comparés à ceux d’un groupe historique de 161 hommes atteints
d’un cancer de la prostate métastatique qui n’avaient reçu qu’un traitement hormonal, explique le Dr Hirotsugu Uemura, Faculté de
médecine de l’Université de Kinki, Sakai, Japon.

Un taux initial de NTX ≥100 nmol/mmol, un taux de PSA >100 ng/mL et un nombre d’organes touchés ≥2 ont été associés à une durée moindre de l’intervalle sans récidive biochimique. Les patients traités par l’acide zolédronique ont été suivis pendant 31 mois (médiane), et le tiers des patients ont reçu le bisphosphonate pendant la totalité des 24 mois.

La médiane de survie sans progression était de 24 mois dans la cohorte sous acide zolédronique, par comparaison à 15 mois dans la cohorte témoin (p=0,0439). La médiane de survie globale n’avait pas été atteinte dans le groupe sous bisphosphonate au moment de
l’analyse, alors qu’elle était de 65 mois chez les témoins historiques (p=0,0060). Parmi les effets indésirables signalés chez les patients sous acide zolédronique figuraient l’ostéonécrose de la mâchoire chez 3,8 % des patients et le dysfonctionnement rénal chez 5,6 % des patients.

Les chercheurs ont conclu qu’un traitement combiné acide zolédronique + suppression hormonale pendant 2 ans pourrait être plus efficace que la suppression hormonale seule chez des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique encore jamais traité
et pourrait surtout être envisagé dans les cas où le taux urinaire initial de NTX est inférieur à 100 nmol/mmol.

Base de données nationale sur le cancer

Une analyse de la base de données américaine SEER (Surveillance, Epidemiology and End Result) a montré que l’acide zolédronique
– de plus en plus utilisé dans le cancer de la prostate métastatique au cours d’une période récente de 5 ans – était associé à un risque
moindre de fracture. La cohorte de 992 patients a été formée à partir d’une population de 8028 patients atteints d’un cancer métastatique
après diverses exclusions, telles qu’une radiothérapie en cours ou des antécédents d’ostéopénie confirmés. Les risques relatifs (HR)
provenaient d’un modèle à risques proportionnels de Cox pour l’analyse de l’intervalle sans fracture.

«Nous avons déterminé que le risque de fracture osseuse était d’autant plus élevé que l’âge était avancé [HR 2,7; p=0,04 pour les 80 à 84 ans] et que le patient avait subi une radiothérapie [HR 2,8; p=0,03]. En revanche, le traitement par l’acide zolédronique était associé à un risque moindre de fracture osseuse au fil du temps [HR 0,43; p=0,003], explique le Dr Matthew J. O’Shaughnessy, University of Minnesota, Minneapolis. L’étude a aussi révélé que l’usage accru d’acide zolédronique était associé à un diagnostic plus récent et à un âge <80 ans. Fait digne de mention, on n’a noté aucune variation significative de l’usage de l’acide zolédronique selon la race, le revenu, la scolarité, l’index de comorbidité de Charlson ainsi que le stade ou le grade de la tumeur.

Globalement, la corrélation entre l’usage croissant de l’acide zolédronique et le taux décroissant de fracture osseuse nous incite à «continuer de prescrire des agents qui réduisent le risque de fracture au sein de cette population», conclut le Dr O’Shaughnessy.

Effet du traitement sur la voie de signalisation WNT

Une meilleure compréhension du mode d’action des traitements osseux pourrait contribuer à optimiser leur utilisation. Dans cet ordre d’idées, des chercheurs ont présenté au congrès des données montrant que l’acide zolédronique modifiait la signalisation WNT de
façon significative. Ces résultats émanent d’une analyse de fragments tumoraux prélevés chez des hommes qui souffraient d’un cancer
de la prostate localisé ou avancé et chez des témoins présentant une hypertrophie bénigne de la prostate. Les chercheurs ont étudié
l’expression génique selon le type de cancer de la prostate et les effets de l’acide zolédronique sur l’expression génique, explique la Dre Kati Erdmann, Université technique de Dresde, Allemagne.

Les résultats ont confirmé le lien que l’on soupçonnait entre la signalisation WNT et la progression du cancer de la prostate, la voie WNT étant régulée à la hausse dans les cancers avancés. De plus, les chercheurs ont observé une expression différentielle de WNT selon que les cellules du cancer de la prostate étaient ostéotropes ou non. L’exposition au bisphosphonate a entraîné une régulation à la baisse de l’ARNm WNT.

Résumé

Selon le calcul du RRB du denosumab et de l’acide zolédronique à partir des données d’un essai clinique mené avec randomisation
chez des hommes atteints d’un cancer de la prostate résistant à la castration, le desonumab est associé à un risque moindre de
complication osseuse, mais à un risque accru d’effet indésirable. Cette analyse a permis de jeter un éclairage sur des données
ambiguës. Selon une analyse en intention de traiter, le risque accru d’effet indésirable grave l’emportait sur la protection relative contre
les complications osseuses, si bien que la balance pencherait en faveur du bisphosphonate. Des données présentées au congrès
indiquent également que l’acide zolédronique pourrait retarder la progression biochimique lorsqu’il est ajouté à la suppression hormonale chez des patients atteints d’un cancer de la prostate avancé avec métastases osseuses. Une analyse de l’expérience clinique en milieu communautaire donne tout lieu de croire que l’usage croissant de traitements prophylactiques est associé à un risque moindre de fracture pathologique chez les patients atteints d’un cancer avancé.

 

 

 

 

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