Comptes rendus

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Évolution du rôle des agents biologiques dans le traitement de la colite ulcéreuse

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Maladies inflammatoires de l’intestin 2011 : Le 6e Congrès de la European Crohn’s and Colitis Organisation (ECCO)

Dublin, Irlande / 24-26 février 2011

L’essai phare SONIC (Study of Biologic and Immunomodulator Naive Patients in Crohn’s Disease) a révélé que dans la maladie de Crohn (MC) modérée ou sévère ne répondant pas au traitement traditionnel, les probabilités de rémission clinique sans corticothérapie et de cicatrisation de la muqueuse étaient significativement plus fortes chez les patients sous infliximab (IFX), inhibiteur du facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFa), seul ou en association avec l’azathioprine (AZA), que chez les patients sous AZA seule (Colombel et al. N Engl J Med 2010;362:1383-95). L’association a été la plus efficace des options, ce qui a fait ressortir les limites de l’AZA seule dans la MC. «Nous devions montrer qu’une démarche similaire était possible dans la colite ulcéreuse (CU)», affirme le Dr Remo Panaccione, University of Calgary, Alberta.

Association d’agents dans la CU : l’étude UC SUCCESS pave la voie

Une étude similaire a donc été amorcée chez des patients atteints de CU modérée ou sévère. L’essai UC SUCCESS comparait les mêmes stratégies à base d’IFX et d’AZA que l’étude SONIC, mais les sujets étaient des adultes atteints de CU modérée ou sévère (score Mayo de 6 à 12) qui n’avaient jamais été exposés aux anti-TNFa; en outre, ils répondaient de moins en moins aux corticostéroïdes et n’avaient jamais reçu l’AZA/6-mercaptopurine ou n’avaient pas pris d’AZA depuis =3 mois au moment de leur admission à l’étude. Le Dr Panaccione, investigateur principal, a présenté les résultats de l’étude au congrès. Dans l’étude UC SUCCESS, comme dans l’étude SONIC, les probabilités de réponse, de rémission sans corticothérapie et de cicatrisation de la muqueuse étaient plus fortes chez les sujets recevant l’association que chez les sujets sous AZA seule. «Les résultats de cette étude vont tracer la voie à suivre dans le traitement de la CU», a-t-il déclaré à l’auditoire.

Dans l’étude UC SUCCESS, 239 patients ont été randomisés de façon à recevoir de l’AZA à 2,5 mg/kg plus un placebo, de l’IFX à 5 mg/kg plus un placebo, ou l’association AZA+IFX aux mêmes doses. À 16 semaines, une proportion significativement plus élevée de patients sous AZA+IFX avait atteint le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité, c’est-à-dire la rémission sans corticothérapie (score Mayo =2), comparativement aux patients sous AZA seule (40 % vs 24 %, p=0,032). La proportion de rémissions sans corticothérapie était similaire dans les deux groupes sous monothérapie. Comme le souligne le Dr Panaccione, ces taux s’apparentent à ceux que l’on a obtenus dans les essais ACT (Active Ulcerative Colitis Trials) 1 et 2 (Rutgeerts et al. N Engl J Med 2005;353:2462-76).

Au chapitre des paramètres secondaires, la proportion de patients à avoir atteint une réponse clinique (diminution du score Mayo total de =3 points et de 30 % par rapport au score Mayo initial) après 16 semaines était significativement plus élevée dans les groupes recevant l’association (77 %, p=0,001) ou l’IFX seul (69 %, p=0,018) que dans le groupe AZA seule (50 %); il en a été de même pour la cicatrisation de la muqueuse (sous-score endoscopique Mayo de 0 ou 1) (63 %, p=0,001; 55 %, p=0,028; et 37 %, respectivement) (Figure 1). «Là encore, non seulement a-t-on constaté des résultats significatifs, mais aussi des gains thérapeutiques significatifs», note le Dr Panaccione.

Figure 1. UC SUCCESS : résultats à 16 semaines


«Les essais ACT nous ont appris qu’un traitement par l’IFX administré à des patients atteints de CU modérée ou sévère abaissait les taux de colectomies, précise le Dr Panaccione. De plus, les sujets de ces essais ont été traités plus tard que ceux de l’essai UC SUCCESS, et nous savons que dans la MC, plus le traitement est précoce, meilleurs sont les résultats en général. Peut-être le moment est-il venu d’envisager cette démarche dans la CU, poursuit-il. Nous devons commencer à changer notre façon de penser non seulement à la lumière de l’étude UC SUCCESS, mais aussi des leçons que nous avons apprises dans la MC. En présence d’une CU corticodépendante, on doit envisager l’IFX seul ou en association avec l’AZA dès la première ou la deuxième poussée», estime-t-il.

Nouvelles options à l’horizon

L’essai de phase III M06-827 mené à double insu avec randomisation chez des patients atteints de CU modérée ou sévère a démontré que l’adalimumab, un anti-TNFa, était efficace pour induire et maintenir la rémission clinique chez les patients atteints de CU ne répondant pas bien au traitement traditionnel. Présentée au congrès par le Dr Gert Van Assche, Hôpital universitaire de Gasthuisberg, Louvain, Belgique, la population en intention de traiter de l’étude se composait de 494 adultes atteints de CU dont le score Mayo était de 6 à 12 et le sous-score Mayo endoscopique, de 2 ou 3, malgré la corticothérapie et/ou le traitement immunosuppresseur. Des patients ayant arrêté leur traitement par un anti-TNFa pour cause d’intolérance ou de perte de réponse étaient admis, puis randomisés de façon à recevoir un placebo ou de l’adalimumab à raison de 160 mg la semaine 0, de 80 mg la 2e semaine et de 40 mg la 4e semaine. Il était permis d’augmenter la dose à 40 mg par semaine en mode ouvert chez les patients dont la réponse était insuffisante. Une proportion plus forte de patients sous traitement actif avait atteint la rémission clinique après 8 et 52 semaines. De même, comparativement aux témoins sous placebo, les patients sous traitement actif ont été significativement plus nombreux à parvenir à la réponse clinique et à la cicatrisation de la muqueuse à 8 semaines, puis à bénéficier d’une rémission clinique et d’une cicatrisation de la muqueuse durables à 52 semaines. Le traitement actif a exercé un effet plus marqué chez les patients jamais exposés aux anti-TNFa. Avec le temps, l’expérience clinique en conditions réelles déterminera le rôle de ce nouvel anti-TNFa dans la CU, surtout chez les patients n’ayant jamais reçu d’anti-TNFa.

CU aiguë sévère

On observe une CU aiguë sévère (CUAS) chez 15 % des patients atteints de CU. Le traitement repose alors sur l’administration de corticostéroïdes par voie intraveineuse (i.v.), mais la CUAS est réfractaire aux corticostéroïdes dans 40 % des cas. La cyclosporine (CsA) et l’IFX sont des traitements de secours efficaces. Le Dr David Laharie, Hôpital du Haut-Lévêque, Pessac, France, a présenté les résultats du premier essai avec randomisation à comparer la CsA et l’IFX chez 116 adultes atteints de CUAS.

Tous les patients atteints de CUAS répondaient aux critères d’échec de la corticothérapie (score de Lichtiger >10) et avaient été randomisés de façon à recevoir de la CsA par voie i.v. (2 mg/kg/ jour pendant 1 semaine, puis préparation orale durant 98 jours) ou de l’IFX (5 mg/kg les semaines 0, 2 et 6). L’échec du traitement, paramètre principal de l’étude, est survenu chez 60 % des patients sous CsA vs 54 % des patients sous IFX. Le taux de réponse à court terme (jour 7) était semblable dans les deux groupes (85,4 % vs 85,7 %, respectivement). Les taux de colectomies à 3 mois étaient aussi similaires : 18 % sous CsA vs 21 % sous IFX.

Bien qu’elle soit aussi efficace que l’IFX, la CsA est un traitement plus difficile à gérer et nécessite une surveillance régulière. De l’avis du Dr Paul Rutgeerts, Université de Louvain, l’IFX pourrait être un choix plus sûr pour le traitement de la CUAS. Facteurs à considérer pour un algorithme de traitement optimal

Une analyse rétrospective a démontré que le traitement d’entretien par l’IFX était efficace dans la CU sévère et réfractaire aux corticostéroïdes administrés par voie i.v., mais le traitement de secours optimal continue d’être débattu, précise le Dr Marc Ferrante, Hôpital universitaire de Gasthuisberg. La réponse clinique à court terme, la cicatrisation de la muqueuse à court terme (p=0,032) et la normalisation de la protéine C-réactive (CRP) étaient prédictives de la survie sans poussée et sans colectomie, note-t-il.

«L’algorithme de traitement optimal pour la CU reste à définir», prévient le Dr Rutgeerts. À l’avenir, il faudra optimiser la sélection des patients et tenir compte des prédicteurs de la colectomie. «La cicatrisation de la muqueuse – principal objectif thérapeutique – doit être atteinte tôt et être durable, dit-il. Les objectifs du traitement sont mieux définis, et un traitement par l’IFX nous permet de restreindre l’utilisation de corticostéroïdes et de parvenir à la cicatrisation de la muqueuse, ce qui a des retombées sur le pronostic à long terme de la maladie.»

Autres données présentées au congrès

Lors d’une étude cas-témoin rétrospective, Lutgens et ses collaborateurs ont déterminé que l’étendue de la maladie (>50 % du côlon), les pseudopolypes et la sténose colique étaient des facteurs de risque indépendants de cancer colorectal (CCR). La cholangite sclérosante primitive a également été associée à une augmentation non significative du risque de CCR. Par contre, rapportent les chercheurs, le 5-ASA a conféré une protection.

En analysant le registre espagnol ENEIDA, Gordillo et ses collaborateurs ont démontré que le sexe masculin et la cholangite sclérosante primitive étaient des facteurs prédictifs indépendants de dysplasie de haut grade et de CCR chez les patients atteints de CU. Les facteurs de protection indépendants étaient l’utilisation d’immunomodulateurs et la participation à un programme de surveillance par coloscopie (p=0,005 dans les deux cas).

Résumé

Les principaux objectifs de la prise en charge de la CU demeurent semblables à ceux de la prise en charge de la MC : atteindre la rémission clinique sans corticothérapie, induire une cicatrisation complète de la muqueuse et diminuer le taux de colectomies. Les prédicteurs de diminution du taux de colectomies sont la réponse clinique à court terme, la cicatrisation de la muqueuse à court terme et la normalisation de la CRP. Des études ont révélé que les probabilités de réponse et de cicatrisation de la muqueuse étaient plus fortes chez les patients recevant un traitement à base d’un anti-TNFa que chez ceux recevant une monothérapie. Le recul de 5 ans que nous avons avec l’IFX dans la CU fait ressortir une diminution de l’utilisation des stéroïdes et une augmentation du taux de cicatrisation des muqueuses, deux facteurs qui pourraient influer sur les résultats à long terme de la maladie. L’utilisation d’un anti-TNFa et la participation à un programme de surveillance par coloscopie pourraient contribuer à réduire l’incidence du CCR.

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