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Étude phare UPLIFT : atteinte de critères importants dans la MPOC

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 18e Congrès annuel de l’ERS (European Respiratory Society)

Berlin, Allemagne / 4-8 octobre 2008

L’étude phare intitulée UPLIFT (Understanding Potential Long-term Impacts on Function with Tiotropium) est la première à montrer le maintien à long terme des bénéfices conférés par un traitement approprié de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), notamment une amélioration de la fonction pulmonaire et de la qualité de vie liée à la santé (QdVS) et une réduction du risque d’exacerbation et d’hospitalisation. Le tiotropium a été associé à une amélioration absolue moyenne du volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) tout au long de l’étude, bien qu’il n’ait pas ralenti significativement le déclin de ce paramètre. Le tiotropium—seul anticholinergique à longue durée d’action administré en inhalation une fois par jour sur le marché— a également réduit la mortalité chez les patients atteints de MPOC. Bien que ces bénéfices aient été observés pour tous les stades de la maladie, c’est la première fois qu’ils sont objectivés au stade précoce – correspondant au stade II de la classification GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease)— dans une étude clinique. «Ces résultats vont certainement ouvrir la voie à une intervention plus précoce et plus énergique dans la prise en charge de la MPOC», estime l’investigateur principal de l’étude UPLIFT, le Dr Marc Decramer, professeur titulaire de médecine et chef, division de pneumologie, Université catholique de Louvain, Belgique. L’étude a par ailleurs confirmé le profil d’innocuité du tiotropium observé dans les études antérieures. Durant les quatre ans de l’étude, l’anticholinergique n’a été associé à aucun effet indésirable majeur ni n’a majoré le risque d’AVC ou d’infarctus du myocarde (IM). «Considérant la nature chronique du traitement, ces résultats sont très rassurants», de commenter le Dr Decramer.

Plan de l’étude

Parallèlement à leur publication, les résultats d’UPLIFT ont été présentés par le Dr Decramer et le Dr Donald Tashkin, professeur titulaire de médecine et directeur médical, laboratoire d’analyse de la fonction pulmonaire, David Geffen School of Medicine, University of California, Los Angeles, qui était coinvestigateur principal (Tashkin et al. N Engl J Med 2008; 359:1543-54).

L’étude s’appuyait sur les résultats d’études antérieures ayant démontré une amélioration aux chapitres de la tolérance à l’effort, de la QdVS et des taux d’épisodes dyspnéiques et d’exacerbations chez des sujets atteints de MPOC traités par le tiotropium sur une période allant de six semaines à 12 mois. Une analyse rétrospective des données à un an d’essais comparatifs avec placebo laissait supposer que le tiotropium pourrait ralentir le déclin du VEMS. «Nous voulions faire une étude en conditions réelles pour répondre à ces questions», indique le Dr Decramer. Par conséquent, les patients d’UPLIFT étaient autorisés à prendre n’importe quel médicament agissant sur les voies respiratoires durant l’étude, à l’exception d’autres anticholinergiques pour inhalation.

À partir de janvier 2003, 5993 patients provenant de 487 centres et 37 pays ont été randomisés en vue de recevoir, suivant un protocole à double insu, le tiotropium à 18 µg ou un placebo, tous deux administrés une fois par jour au moyen d’un inhalateur. La moyenne d’âge était de 65 ans et l’effectif comportait 75 % d’hommes et 30 % de fumeurs. Une forte proportion de sujets (46 %) présentaient une MPOC de stade II, selon la classification GOLD; 44 % présentaient un stade III, et 8 %, un stade IV. À la fin de l’étude, en février 2008, le groupe tiotropium comptait 1887 (74 %) patients, et le groupe placebo, 1648 (64 %) patients. Les taux d’abandons étaient semblables aux taux observés dans les autres essais cliniques sur la MPOC, signale le Dr Decramer. Au terme de l’étude, on a cessé l’administration du médicament et amorcé un suivi de 30 jours durant lequel les patients ont reçu l’ipratropium à 40 µg, quatre fois par jour, en mode ouvert.

Amélioration de la fonction pulmonaire

Tout au long de l’étude, la vitesse du déclin du VEMS, paramètre d’évaluation principal, n’a pas différé d’un groupe à l’autre. Ce déclin était très lent dans les deux groupes, ce que les investigateurs ont attribué à la forte utilisation de corticostéroïdes en inhalation ou de bêta-agonistes à longue durée d’action, dont le taux se chiffrait au départ à 62 % et à 60 %, respectivement, et a atteint 74 % et 72 % au cours de l’étude. L’analyse rétrospective des données sur les patients qui ne prenaient pas ces agents au départ a montré que le tiotropium avait autorisé un ralentissement moyen de 5 mL/an du déclin du VEMS avant bronchodilatation et de 7 mL/an du déclin du VEMS après bronchodilatation (p=0,048 vs témoins). Selon le Dr Decramer, il se produit peut-être un effet de plafonnement qui fait qu’on ne peut pas améliorer le VEMS au-delà de la vitesse normale du déclin (20-30 mL/an). Des améliorations similaires ont été notées pour les autres valeurs spirométriques, notamment la capacité vitale forcée (CVF) et la capacité vitale lente (CVL), et se sont maintenues pendant toute la durée de l’étude, même si le déclin n’a pas été ralenti.

On a observé une amélioration significative des paramètres secondaires définis comme les valeurs moyennes du VEMS, de la CVF et de la CVL, mesurées à un mois, puis tous les six mois (p<0,001 pour toutes les mesures). L’amélioration moyenne du VEMS avant et après bronchodilatation était de l’ordre de 87-103 mL et de 47-65 mL, respectivement. À ce chapitre, l’amélioration manifeste observée chez les patients au stade II de la classification GOLD est particulièrement intéressante (100-119 mL avant bronchodilatation, et 52-82 mL après bronchodilatation). «Il est rassurant de constater que, même aux stades précoces, on peut traiter la MPOC et le traitement est efficace», de faire observer le Dr Decramer. Chez les patients atteints d’une MPOC de stade II, le tiotropium a ralenti le déclin du VEMS de 6 mL/an en moyenne, et ce, de manière statistiquement significative par rapport aux témoins (p=0,02). «Il semble que la fonction pulmonaire décline plus rapidement au stade II de la classification GOLD qu’aux stades III et IV, ce qui plaide vigoureusement en faveur d’une intervention précoce», note-t-il.

 

Qualité de vie et exacerbations/hospitalisations

La QdVS, évaluée à l’aide du St. George’s Respiratory Questionnaire (SGRQ), s’est améliorée significativement sous l’effet du tiotropium lors de toutes les évaluations de l’étude (2,2 à 3,3 unités, p<0,001 vs placebo). Un nombre plus élevé de patients sous traitement actif ont présenté une amélioration du score SGRQ de <u>></u>4 unités— gain considéré comme cliniquement significatif— à un an, deux ans, trois ans et quatre ans (p<0,001 vs placebo pour toutes les comparaisons). L’amélioration des scores vs le placebo s’est vérifiée dans toutes les catégories du SGRQ.

Par rapport au placebo, le traitement actif a retardé significativement la survenue de la première exacerbation et réduit le risque d’exacerbation de 14 % (taux de risque [HR] : 0,86; IC à 95 % : 0,81-0,91; p<0,0001). De la même manière, le nombre moyen d’exacerbations par année-patient a baissé de 14 % (HR : 0,86; IC à 95 % : 0,81-0,91; p<0,001). Le nombre total d’hospitalisations pour le traitement d’exacerbations était faible durant cette étude, mais le risque d’exacerbation entraînant une hospitalisation a baissé de 14 % (HR : 0,86; IC à 95 % : 0,78-0,95; p=0,002). On n’a observé aucune différence quant au risque d’exacerbation entre les patients qui prenaient un anticholinergique au départ et ceux qui n’en prenaient pas, ce qui fait supposer que le retrait de ces agents au début de l’étude n’a eu aucune incidence.

Réduction significative de la mortalité

Comparativement au placebo, le tiotropium a réduit de 16 % la probabilité de mortalité toutes causes confondues entre le premier et le dernier jour de traitement, ce qui est significatif (HR : 0,84; IC à 95 % : 0,73-0,97; p=0,016). «C’est la première fois qu’un tel résultat est démontré avec un traitement pharmacologique», souligne le Dr Decramer. L’analyse en intention de traiter à 1440 jours a également fait ressortir une réduction significative de 13 % de la mortalité toutes causes confondues (HR : 0,87; IC à 95 % : 0,76-0,99; p=0,034). Vingt décès sont survenus durant le suivi, la plupart (16) dans le groupe tiotropium; neuf se sont produits moins de 35 jours après l’administration de la dernière dose, ce qui pourrait être attribuable au retrait du tiotropium, avance le Dr Tashkin. De plus, on a noté un recul significatif des événements respiratoires (voies inférieures), cardiaques et vasculaires mortels et de la mort cardiaque subite, soit une réduction de 19 % (p=0,033) à 1440 jours et de 17 % à 1470 jours (p=0,055).

Confirmation du profil d’innocuité

La sécheresse buccale et la constipation, effets indésirables connus du tiotropium, ont été les principales manifestations indésirables graves dans le groupe traitement actif. Ni l’analyse des sujets sous traitement ni l’analyse en intention de traiter n’ont fait ressortir d’accroissement du risque d’AVC tous types confondus; le ratio des taux était en effet <1 dans toutes les analyses, ce qui laisse à penser que le tiotropium était en fait associé à une diminution du risque d’AVC. «Absolument rien n’indique que le tiotropium augmente le risque d’AVC», confirme le Dr Tashkin. De même, le traitement n’a été associé à aucun accroissement du risque d’IM, les données ayant plutôt mis au jour une réduction significative de 29 % du taux d’IM (risque relatif : 0,71; IC à 95 % : 0,52-0,99; p<0,05) et de 16 % du taux global d’événements cardiaques graves. Le tiotropium a en outre autorisé une réduction significative de l’incidence des exacerbations, de la dyspnée et de l’insuffisance respiratoire (p<0,05 vs placebo pour toutes les comparaisons).

D’autres études s’imposent pour que l’on puisse déterminer si, en traitant la MPOC aux stades I et II définis selon les critères GOLD, on pourra prévenir la morbimortalité cardiovasculaire qui apparaît fréquemment au stade II. Pour vérifier cette hypothèse, croit le Dr Decramer, il conviendrait de comparer un traitement énergique à un traitement moins intense chez ces patients, dans le cadre d’une étude clinique randomisée.

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