Comptes rendus

Traitement chronique de l’infection à VIH et qualité de vie
Prise en charge de l’hypertension : prévention et traitement de l’insuffisance cardiaque

Un vaccin à 13 valences pour combattre les sérotypes pneumococciques émergents

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 49e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

San Francisco, Californie / 12-15 septembre 2009

Aux États-Unis, selon des statistiques recueillies par les CDC (Centers for Disease Control), le taux de pneumococcies invasives (PI) chez les enfants de moins de 5 ans a chuté de près de 80 % (de 100 à 23 cas pour 100 000) entre 1999, année de la commercialisation du vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent (PCV7), et 2008. D’après ces données, l’introduction d’un vaccin antipneumococcique conjugué à 13 valences (PCV13) – qui englobe un grand nombre de sérotypes maintenant responsables des PI mais non ciblés par les vaccins actuels – entraînera une baisse supplémentaire de ce taux. Si l’on en juge par notre expérience avec le PCV7, le risque de PI diminuera également chez les adultes grâce à l’immunité collective.

«Compte tenu des éventuelles PI évitables grâce aux sérotypes couverts par le nouveau PCV13 mais non par l’actuel PCV7, nous nous attendons à ce que la transition vers le nouveau vaccin donne lieu à une réduction supplémentaire notable des PI qui pourrait même atteindre 50 %», affirme le Dr Pekka Nuorti, Direction des maladies respiratoires, CDC, Atlanta, Géorgie.

Augmentation des sérotypes à l’origine des PI

Les données provenant des pays où le PCV7 a été commercialisé au cours des 10 dernières années, dont le Canada, montrent que chez les enfants, la plupart des PI sont maintenant causées par des sérotypes non ciblés par le PCV7. Aux États-Unis, le sérotype 19A a été à l’origine de 42 % des cas en 2007. En Belgique, il est ressorti d’un nouveau rapport que l’incidence des PI causées par le sérotype 19A avait été multipliée par un facteur de neuf sur une période récente de 10 ans et que l’augmentation la plus abrupte et la plus constante avait été enregistrée après le lancement en 2007 d’un programme de vaccination universelle gratuite par le PCV7. De même, les sérotypes 7F et 1 – qui ne sont pas couverts par le PCV7 (mais qui le seront par le PCV13) – ont monté en flèche pendant la même période.

«La montée des sérotypes non vaccinaux 1, 7F et 19A a en partie neutralisé les retombées positives du PCV7», confirme le Dr Jan Verhaegan, médecine de laboratoire, Hôpital universitaire, Louvain, Belgique. Les sérotypes 1 et 19A ont commencé à devenir plus présents avant même que le programme de vaccination universelle ne soit mis sur pied, si bien qu’il est difficile d’affirmer que le vaccin est le seul facteur responsable de cette montée. Les vaccins qui contiennent ces sérotypes pourraient avoir d’importantes retombées sur l’incidence des PI lorsqu’ils seront commercialisés en Belgique, fait remarquer le Dr Verhaegen.

Retombées chez les adultes

On a observé un phénomène comparable au Danemark, l’incidence des PI causées par le sérotype 19A ayant commencé à augmenter avant la mise sur pied relativement récente d’un programme de vaccination universelle par le PCV7, mais ce sont les adultes qui ont été les plus touchés même si les vaccins étaient destinés aux enfants. Dans les cas signalés chez les adultes, on a noté une corrélation entre la mortalité et la présence d’affections concomitantes, mais près de la moitié des décès sont survenus chez des patients qui n’en présentaient aucune, d’où l’importance de vacciner les enfants pour prévenir la maladie chez les sujets plus âgés. Dans le cadre d’une étude portant expressément sur cette question, les taux de PI ont été évalués sur une durée de 12 ans subdivisée en trois périodes : avant le programme de vaccination par le PCV7 chez les enfants (1997-2000); les premières années du programme (2001-2004); et plusieurs années après l’implantation du programme (2005-2008).

«Par rapport à la période antérieure au programme de vaccination, on a enregistré une diminution de 24 % des sérotypes du PCV7 chez les sujets de plus de 65 ans au cours des premières années du programme et une diminution de 37 % au cours des années subséquentes. Cependant, même si les sérotypes non vaccinaux ont diminué de 16 % au cours des premières années, ils ont augmenté de 62 % au cours des années subséquentes», souligne la Dre Josefina Liñares, Service de microbiologie, Hospital Universitari de Bellvitge, Barcelone, Espagne. Entre autres, on a observé deux fois plus de PI dues au sérotype 16A, au-delà de trois fois plus de PI dues au sérotype 7F et cinq fois plus de PI dues au sérotype 24F.

«On avait déjà remarqué que les programmes de vaccination pédiatrique étaient associés à une diminution du risque dans d’autres groupes d’âge, surtout les patients âgés ou immunodéprimés, mais cette retombée devrait être mesurée plus rigoureusement dans les statistiques de santé publique», estime la Dre Liñares.

Les données à l’appui d’une augmentation des taux de portage des sérotypes non couverts par le PCV7 chez les enfants, même en l’absence d’une maladie active, pourraient expliquer les effets de la vaccination pédiatrique chez les adultes. En France, une enquête nationale sur le portage du pneumocoque couvrant une période de deux ans récente a révélé que le portage du sérotype 19A était passé à 10 % dans une population d’enfants de 6 à 24 mois vaccinés par le PCV7 (taux de vaccination de 97,9 %) qui étaient en bonne santé ou qui présentaient une otite moyenne aiguë (OMA). L’évaluation des facteurs de risque a révélé que l’utilisation récente d’antibiotiques augmentait les taux de portage du sérotype 19A de près de 50 % (taux de risque [HR] de 1,48; IC à 95 % : 1,09-2,01; p<0,01). La présence d’une OMA (HR de 1,83; IC à 95 % : 1,1-3,03) et la fréquentation d’une garderie (HR de 1,6; IC à 95 % : 1,17-2,18) augmentaient aussi le risque de manière significative. Par contre, l’existence d’un aîné dans la fratrie réduisait le risque de portage du sérotype 19A (HR de 0,52; IC à 95 % : 0,38-0,71). De l’avis des chercheurs, il est probable que l’introduction d’un vaccin ciblant le sérotype 19A réduirait le risque de portage et d’infection non seulement chez les enfants, mais aussi dans d’autres groupes d’âge.

Efficacité clinique et efficience

En matière de prévention des maladies, l’efficacité clinique est prédictive du rapport coût-efficacité, ou efficience, comme l’a montré une étude visant à mesurer l’effet du PCV7 au Québec. Selon des données recueillies à partir de bases de données de surveillance et de nature administrative, l’introduction du PCV7 en 2004 a permis de prévenir environ 20 000 cas de PI chez des enfants et des adultes au cours de l’année 2006-2007, souligne une équipe de chercheurs dont fait partie le Dr Jacques Pépin, Département de microbiologie, Université de Sherbrooke. À en juger par ce taux d’infection, les 23 millions de dollars consacrés au programme de vaccination se rapprochent très étroitement des économies estimées à 23 millions de dollars pour la société. Dans leurs calculs du rapport coût-efficacité pour le système de santé, les auteurs ont estimé l’augmentation du coût d’une année de vie sans invalidité (QALY) à 18 000 $, ce qui est bien en deçà des limites de l’efficience selon la plupart des définitions.

L’évaluation de l’efficience du PCV13 nécessitera des données réelles quant aux retombées du vaccin sur les infections après l’introduction de cette forme de prophylaxie, mais il sera important de tenir compte du risque à la fois chez les adultes et les enfants, comme on l’a fait dans l’étude québécoise. L’immunité collective se traduira peut-être par une diminution significative de la morbi-mortalité chez les sujets âgés et les sujets affaiblis par une maladie chronique, si l’on en juge par les taux croissants de PI dues au sérotype 19A chez les adultes âgés.

Le potentiel de la vaccination à la naissance

L’avènement du PCV13 devrait donner lieu à une baisse supplémentaire du risque de PI. Un groupe demeure toutefois vulnérable : les enfants de moins de 60 jours, le calendrier de vaccination multi-dose ne commençant qu’à cet âge. Bien que l’infection pneumococcique ne soit pas une cause de mortalité fréquente chez les nourrissons du Canada et d’autres pays industrialisés, jusqu’à 60 % des infections observées avant l’âge de six semaines sont liées à une colonisation pneumococcique dans certains pays tropicaux en développement, explique le Dr David Goldblatt, Institute of Child Health, University College London, Royaume-Uni, qui présentait en séance de dernière heure des données sur un programme de vaccination à la naissance mis sur pied au Kenya.

«C’est la première fois qu’on étudie l’administration d’un vaccin conjugué à la naissance», fait remarquer le Dr Goldblatt, précisant que le paramètre clé de l’étude était l’innocuité. Dans le cadre de cette étude, 300 nourrissons de mère infectée par le VIH ont été randomisés de façon à recevoir une dose du PCV7 dès la naissance, puis les doses habituelles à partir de l’âge de six semaines. Le vaccin s’est avéré sûr, mais, en outre, le taux de portage des sérotypes ciblés était plus faible chez les enfants vaccinés tôt pendant la période de vulnérabilité initiale, précise le Dr Goldblatt. Par ailleurs, les titres d’anticorps protecteurs contre la plupart des sérotypes ciblés étaient plus élevés à 36 semaines dans le groupe ayant été vacciné précocement que dans le groupe ayant été vacciné selon le calendrier habituel; toutefois, la différence était significative seulement dans le cas du sérotype 4.

«L’ennui du délai de six semaines, c’est qu’on rate l’occasion de prévenir la PI chez un pourcentage élevé d’enfants», enchaîne le Dr Goldblatt. Même si son étude n’est qu’une première étape dans le processus d’évaluation de la vaccination du nouveau-né, les résultats sont prometteurs.

Résumé

En termes de santé publique, le programme de vaccination universelle par le PCV7 a été un grand succès, mais il a aussi ouvert la porte à une augmentation des taux de sérotypes non vaccinaux. La mise au point du PCV13, qui contient un grand nombre des principaux sérotypes étant devenus plus présents après l’introduction du PCV7, comme le sérotype 19A, devrait donner lieu à une diminution supplémentaire substantielle du risque de PI. La protection devrait s’étendre non seulement aux enfants vaccinés mais aussi, par la voie de l’immunité collective, aux autres groupes d’âge, notamment les personnes âgées.

Nota : Au moment de la mise sous presse de cet article, le PCV13 n’était pas commercialisé au Canada.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.