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Vaccination : l'heure est venue de penser aux adultes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 16e Congrès international sur les maladies infectieuses

Le Cap, Afrique du Sud / 2-5 avril 2014

Le Cap - Au fil des années, la vaccination a suscité beaucoup d'intérêt en pédiatrie. Résultat? Les maladies évitables par la vaccination (MEV) sont maintenant très bien maîtrisées chez les jeunes enfants. Nous n'avons pas autant de succès chez les adultes, mais il faudrait viser le même objectif, la morbidité et la mortalité associées aux MEV étant de loin plus importantes que chez les nourrissons et les enfants. Selon diverses communications sur l'immunisation des adultes et les vaccins pour adultes présentées au congrès, les chercheurs estiment nécessaire de vacciner les personnes âgées contre diverses infections, notamment le zona et les infections à pneumocoque. Même si la vaccination n'offre pas une protection complète aux adultes, les données montrent qu'elle atténue la morbidité, ce qui représente un objectif viable dans le contexte des efforts que nous déployons pour maintenir la santé et la productivité des aînés.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

La vaccination des enfants est tellement répandue et ancrée dans notre réalité qu'elle a presque éclipsé la nécessité d'une réflexion sur la vaccination des adultes. Il est pourtant évident que les adultes doivent être vaccinés, si l'on en juge par les statistiques américaines montrant sans l'ombre d'un doute que les maladies évitables par la vaccination (MEV) sont une source fréquente de morbidité et de mortalité chez l'adulte. Chaque année, estiment les autorités américaines, environ 60 000 adultes – comparativement à seulement 300 enfants environ – meurent des suites d'une MEV, affirme le Pr Gregory Hussey, conseiller principal en recherche, Faculté des sciences de la santé, University of Cape Town, Afrique du Sud.

Les statistiques d'Afrique du Sud indiquent aussi que les taux de grippe sont élevés chez les nourrissons et les tout-petits. Il n'en demeure pas moins que 50 % de tous les cas de grippe en Afrique du Sud touchent des adultes de 25 ans ou plus. Wu et al. (Int J Public Health 2013;58:865-74) soulignent pour leur part que les deux tiers des 33 pays à revenu élevé ne s'étaient toujours pas dotés d'un programme complet de vaccination des adultes au moment où ils ont fait enquête (2010 à 2011), et la plupart des pays ne mesuraient pas la couverture vaccinale chez les adultes.

Il est important de prévenir les MEV chez l'adulte, mais ce n'est pas aussi facile que chez le nourrisson et l'enfant. Utilisant la réactivation du virus varicelle-zona (VZV) comme exemple, la Dre Adriana Weinberg, professeure titulaire de pédiatrie, de médecine et de pathologie, University of Colorado School of Medicine, Denver, Colorado, a rappelé aux congressistes que le corps humain se défend contre les virus en produisant des cellules T et une réponse anticorps contre l'envahisseur pathogène. «Les cellules T éliminent les virus des cellules infectées alors que la réponse anticorps empêche les virions libres de se frayer un chemin dans de nouvelles cellules», ajoute-t-elle.

Bien que la réponse anticorps contribue très étroitement à la prévention d'une ré-infection, «elle ne protège pas l'hôte contre le zona, la manifestation tardive de l'infection à VZV», affirme la Dre Weinberg. C'est plutôt l'immunité à médiation cellulaire qui protège l'adulte contre l'apparition d'un zona. Or, l'immunité à médiation cellulaire diminue assurément avec l'âge; c'est d'ailleurs pour cette raison que l'incidence du zona de même que la sévérité et la durée de l'épisode augmentent avec l'âge, précise-t-elle.

«Le zona est une manifestation du déclin de l'immunité cellulaire spécifique du VZV chez la personne âgée», souligne la Dre Weinberg. C'est donc dire qu'on ne peut pas s'attendre à prévenir les maladies chez l'adulte avec autant de succès que chez l'enfant. Par contre, «il est possible d'atténuer la morbidité; même si les vaccins ne préviennent pas tous les cas d'influenza, d'infection à pneumocoque ou de zona, nous avons de bonnes chances d'atténuer ces maladies chez le patient qui avance en âge», affirme le Dr Myron Levin, professeur titulaire de pédiatrie et de médecine, University of Colorado School of Medicine, Denver, Colorado.

Diminution de la sévérité de la maladie

Les résultats de l'étude SPS (Shingles Prevention Study) montrent avec éloquence qu'un vaccin peut atténuer la sévérité d'une maladie. Après avoir étudié environ 38 500 sujets de 60 ans ou plus, Oxman et al. (N Engl J Med 2005;352:2271-84) ont constaté que le vaccin contre le zona avait diminué de 51 % l'incidence du zona et de 66,5 % celle des névralgies post-zostériennes (NPZ) au sein de la cohorte globale, comparativement à un placebo. La stratification des résultats par groupe d'âge a révélé que l'efficacité du vaccin diminuait de façon assez substantielle avec l'âge, passant de 64 % entre 60 et 69 ans à environ 38 % chez les 70 ans ou plus.

L'histoire ne s'arrête pas là. «Chez les personnes âgées, l'un de nos principaux objectifs est d'atténuer la maladie plutôt que de la prévenir», souligne le Dr Levin. Au sein de la cohorte dans son ensemble, le vaccin a permis de prévenir 64 % de tous les épisodes de NPZ. La stratification des résultats par groupe d'âge a révélé que le vaccin avait permis de prévenir les NPZ chez un pourcentage quasi similaire de patients dans le groupe des 60 à 69 ans et le groupe des 70 ans ou plus. (Le vaccin a été moins efficace contre les NPZ chez les 80 ans ou plus, mais il était tout de même considérablement plus efficace qu'un placebo pour les prévenir).

L'aptitude du vaccin à prévenir la perte d'activités de la vie quotidienne, généralement à cause des NPZ, ne diminuait pas significativement avec l'âge non plus, l'efficacité du vaccin à cet égard étant passée de 0,73 chez les sujets de 60 à 64 ans à 0,62 chez ceux de 75 à 79 ans. «Étant donné que la sévérité du zona s'accroît avec l'âge, l'effet du vaccin sur la sévérité de la maladie joue un rôle grandissant  en préservant la qualité de vie des sujets vaccinés qui développent un zona, insiste le Dr Levin. L'effet d'atténuation est plus important chez les aînés.»

La prévention du zona est plus efficace chez les sujets de 50 à 59 ans que chez les sujets plus âgés. Environ 20 % de tous les cas de zona surviennent chez les 50 à 59 ans, soulignent Schmader et al. (CID 2012;54[7]:922-8); le vaccin anti-zona a réussi à prévenir près de 70 % des épisodes de zona comparativement au placebo et a été bien toléré dans ce groupe de patients. Un peu plus de la moitié des 1330 patients suivis en médecine générale ont dit qu'ils se feraient probablement vacciner contre le zona sans devoir y être incités par leur omnipraticien, affirme le Dr John Litt, professeur agrégé de médecine générale, Flinders University, Adelaïde, Australie.

Si, en revanche, leur omnipraticien leur recommandait le vaccin, la probabilité qu'ils se fassent vacciner était au-delà de 20 fois plus élevée, selon une analyse non ajustée. «Si le médecin dit, "ce serait bien que vous vous fassiez vacciner", le patient se sent davantage interpellé et il est alors beaucoup plus susceptible d'agir, à plus forte raison s'il était ambivalent, voire réticent à l'égard du vaccin», poursuit le Dr Litt. 

Infections à pneumocoque

Chez les adultes de 65 ans ou plus, outre le vaccin antigrippal annuel, on recommande le vaccin antipneumococcique. Ce dernier permet notamment de prévenir les pneumonies communautaires (PC) –  un faible pourcentage de cas étant liés au pneumocoque –, les pneumonies à pneumocoque et les infections invasives à pneumocoque (IIP). Dans la revue qu'elle a publiée en ligne le 31 janvier 2013(Cochrane Summaries) sur la prévention des IIP grâce au vaccin antipneumococcique polysaccharidique 23-valent (Pneu-P-23), la Collaboration Cochrane a conclu que le vaccin était efficace à 74 % contre les IIP.

L'efficacité du vaccin contre la pneumonie toutes causes confondues n'était que de 26 %, mais, précise le Dr Bresnitz, la majorité des cas de pneumonie ne sont pas causés par un pneumocoque. Dans le cadre d'une étude récente (CID. Publiée en ligne pour la première fois le 14 février 2014), des chercheurs espagnols ont constaté que le Pneu-P-23 avait réduit de 62 % le risque de PC à pneumocoque bactériémique et d'environ 50 % le risque de PC à pneumocoque non bactériémique et le risque de PC à pneumocoque tous types confondus) chez des sujets de 60 ans ou plus qui avaient été vaccinés moins de 5 ans avant leur admission à l'étude, comparativement à des témoins non vaccinés. Le même vaccin a aussi réduit de 25 % le nombre de PC toutes causes confondues.

Ont également été présentés au congrès les résultats de l'étude CAPiTA (Community-Acquired Pneumonia Immunization trial in Adults). Les chercheurs, Bonten et al., ont montré que le vaccin antipneumococcique conjugué 13-valent (Pneu-C-13) avait permis de prévenir environ 45 % des PC causées par un pneumocoque de souche vaccinale et des PC non bactériémiques/non invasives causées par un pneumocoque de souche vaccinale chez des adultes de 65 ans ou plus, comparativement à des témoins sous placebo.

Le même vaccin a été efficace à 75 % pour protéger les sujets contre les IIP liées à un pneumocoque de souche vaccinale, encore là comparativement à un placebo. Comme le fait remarquer le Dr Bresnitz, l'utilisation généralisée du Pneu-C-7 chez les enfants a pavé la voie à une «importante immunité collective» chez les patients âgés. 

Résumé

L'immunosénescence, comme son nom l'indique, est un phénomène lié au vieillissement : à mesure qu'une personne avance en âge, son immunité cellulaire décline, et les vaccins sont alors moins susceptibles de lui offrir une protection complète. Il importe néanmoins de souligner que la vaccination contre le zona a atténué la sévérité de l'infection, en a abrégé la durée et a réduit le risque de NPZ indépendamment de l'âge ou presque, ce qui en soi constitue un objectif viable dans un contexte où l'on souhaite maintenir le capital santé de la population vieillissante.

 

D'après les communications présentées durant les séances scientifiques suivantes du Congrès international sur les maladies infectieuses de 2014 : J. C. B. Litt et al. - Australian zoster study: GP and patient views about herpes zoster (shingles), its complications, and the likely acceptance of a zoster vaccine. Samedi 5 avril 2014 – Séance 63 (résumé n° 63.015)
M. Bonten - Community-acquired pneumonia immunization trial in adults (CAPiTA). Jeudi 3 avril 2014 – Séance 9 (résumé n° 09.004).

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