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Vaccination de l’adulte : prévention primaire des névralgies post-zostériennes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Primary Care Today 2008

Toronto, Ontario / 8-10 mai 2008

Nul besoin de se torturer les méninges pour justifier l’importance d’une vaste couverture vaccinale contre le zona : un seul coup d’oeil sur la prévalence des épisodes aigus douloureux de zona suffira. Le vieillissement de la population a pour corollaire une incontournable augmentation du risque de névralgies post-zostériennes (NPZ) souvent atrocement douloureuses et réfractaires au traitement.

Physiopathologie

Comme l’explique le Dr Peter Watson, professeur adjoint de médecine, division de neurologie, University of Toronto, Ontario, la primo-infection par le virus varicelle zona (VZV, pour varicella zoster virus) se manifeste par la varicelle, mais une fois les lésions croûteuses disparues, le virus pénètre le corps cellulaire du neurone dans le ganglion de la racine dorsale où il persiste à l’état de latence.

Avec l’âge, l’immunité cellulaire anti-VZV spécifique décline et, une fois réactivé, le virus migre jusqu’à la peau où l’infection se manifeste par une éruption cutanée suivant les dermatomes atteints. En parallèle, le virus migre au niveau central vers la moelle épinière où il entraîne une inflammation hémorragique dans un ganglion et un nerf dorsaux ainsi que dans la corne dorsale de la moelle épinière, indique le Dr Watson. La corne dorsale enflammée émet des influx douloureux, probablement une combinaison de douleur inflammatoire et de douleur neuropathique.

Il a été démontré que les antiviraux, dont le valacyclovir, le famciclovir et l’acyclovir, n’atténuent que modérément la douleur aiguë et prolongée ainsi que l’éruption cutanée. De plus, note le Dr Watson, «on doit en amorcer l’administration dans les 72 heures suivant l’apparition de l’éruption cutanée, ce qui implique que le patient doit reconnaître qu’il souffre de zona; il peut aussi s’écouler un laps de temps entre l’apparition de l’éruption cutanée et la visite chez le médecin. Qui plus est, la douleur peut précéder l’éruption cutanée de plusieurs jours et le patient n’est alors pas nécessairement conscient de l’activité virale sous-jacente. Les NPZ résultent quant à elles de l’atteinte de la corne dorsale et du ganglion de la racine dorsale, où les neurones qui ont survécu jusque-là sont souvent lésés et irritables, ce qui provoque d’atroces douleurs.»

L’inflammation associée à l’épisode aigu de zona détruit les structures de la corne dorsale à jamais, réduisant ainsi le nombre de récepteurs que peuvent cibler les analgésiques, «ce qui pourrait expliquer l’inefficacité de ces derniers», fait valoir le Dr Watson. Le système nerveux, ainsi amorcé et devenu hyperexcitable, envoie des signaux douloureux au cerveau que celui-ci perçoit comme une douleur constante à type de brûlure caractéristique des NPZ, laquelle s’accompagne souvent d’une sensation de choc électrique et d’une douleur au moindre contact, comme celui d’un vêtement, voire d’un simple courant d’air.

Le traitement énergique d’un épisode aigu de zona peut aider à prévenir les NPZ. Cela dit, confirme le Dr Watson, il ressort d’essais comparatifs avec randomisation sur les antiviraux, les antidépresseurs et la gabapentine que ceux-ci sont dotés d’une efficacité modérée pour prévenir les NPZ. Environ la moitié des personnes âgées de plus de 60 ans en proie à un épisode aigu de zona développeront des NPZ après un mois, et ce pourcentage passe à 70 % après l’âge de 80 ans. Selon des essais comparatifs avec randomisation sur les antidépresseurs, les anticonvulsivants et les opioïdes, environ 50 % des patients ne répondent pas du tout au traitement ou ne bénéficient que d’un léger soulagement, fait observer le Dr Watson. «Ces résultats sont encore moins applicables à la pratique quotidienne, car la réponse est moins probable en présence de facteurs de comorbidité», ajoute-t-il. De plus, l’incidence du zona est appelée à augmenter non seulement parce que la population vieillissante est plus sujette aux épisodes de zona, mais aussi parce que les campagnes de vaccination de masse des enfants contre la varicelle privent les personnes âgées d’une stimulation de l’immunité contre le VZV résultant de l’exposition à un enfant atteint de varicelle. En Alberta, par exemple, l’incidence du zona a augmenté sans interruption de 1986 à 2002, et cette augmentation est plus rapide d’année en année.

«Je travaille dans ce domaine [thérapeutique] depuis de nombreuses années et j’ai vu tellement de patients en proie à des NPZ souvent impossibles à soulager que la lutte contre le zona me tient maintenant à coeur, enchaîne le Dr Watson. À mon sens, la vaccination contre le zona représente un pas en avant très important dans cette maladie.»

Population cible

La vaccination de la population que l’on recommande actuellement de cibler, c’est-à-dire les patients de 60 ans et plus, incombe en grande partie au médecin de famille, qui voit probablement ces personnes à répétition. L’éducation est essentielle à l’inauguration optimale d’une campagne de vaccination contre le zona. Comme le souligne la Dre Vivien Brown, médecin de famille associé, Mount Sinai Hospital, Toronto, le patient doit comprendre que, contrairement aux vaccins de la petite enfance, les vaccins administrés aux adultes ne préviennent pas toujours l’infection, mais ils en atténuent la gravité si elle est contractée.

Par exemple, l’étude SPS (Shingles Prevention Study) a révélé que chez les près de 39 000 adultes admis à l’étude, le vaccin avait réduit l’incidence du zona de plus de 50 % par rapport au placebo et celle des NPZ, de 66,5 % (Oxman et al. N Engl J Med 2005;352[22]:2271-84). Fait tout aussi important, le vaccin a réduit la fréquence, la gravité et la durée de l’infection de plus de 60 %, précise la Dre Brown. Le patient doit donc savoir que, comme le vaccin antigrippal, le vaccin contre le zona ne prévient pas nécessairement tous les épisodes de zona, mais il en diminue la fréquence, la gravité et la durée. «Pour toute personne qui a déjà vécu un épisode de zona, une diminution de la fréquence, de la gravité et de la durée représente un progrès de taille», poursuit-elle.

Il est aussi essentiel que le médecin avalise le vaccin et qu’il le recommande à ses patients, car la recommandation d’un vaccin, peu importe lequel, par le médecin augmente radicalement la probabilité d’acceptation par le patient. Selon une enquête nationale menée au Canada en 2006 sur l’immunisation des adultes, plus de 90 % des adultes à risque avaient reçu le vaccin antipneumococcique lorsque celui-ci avait été recommandé par le médecin de famille, par comparaison à une fraction de ce pourcentage en l’absence de recommandation par le médecin. Enfin, le médecin doit aussi encourager le patient à prendre son immunisation en main et à savoir quels vaccins lui seraient bénéfiques.

Plusieurs stratégies pourraient sensibiliser les adultes à leurs besoins en matière d’immunisation, notamment : leur faire remplir un questionnaire sur la vaccination lors de leurs visites prévues chez le médecin; et les amener à avoir dans leur porte-monnaie la fiche de la Coalition canadienne pour la sensibilisation et la promotion de la vaccination (CCSPV) afin que chaque vaccin reçu – que ce soit à la clinique, aux urgences ou au cabinet du médecin – soit documenté et que leur carnet personnel de vaccination soit toujours à jour (la fiche peut être téléchargée à partir du site Web de la CCSPV).

Chaque visite chez le médecin est un moment opportun pour discuter des besoins de vaccination, estime la Dre Brown. En particulier, il serait approprié d’offrir le vaccin contre le zona au moment de la vaccination antigrippale, car il a été démontré dans le cadre d’études que l’administration concomitante de ces deux vaccins ne compromet pas la réponse immunitaire à l’un ou à l’autre. Les patients peuvent recevoir le vaccin contre le zona à partir de l’âge de 60 ans, même s’ils ont déjà eu un épisode de zona, précise-t-elle.

Prévention primaire

La principale contre-indication du vaccin contre le zona est la présence d’une immunodéficience innée ou acquise, qu’il s’agisse d’une hémopathie maligne, du SIDA ou de toute autre affection nécessitant un traitement immunosuppresseur. On peut aussi rassurer le patient en lui disant que lors de l’étude SPS, un effet indésirable grave a été signalé chez seulement 0,1 % des sujets vaccinés et que ce pourcentage était identique dans le groupe placebo. «On ne saurait trop insister auprès du patient sur l’utilité du vaccin pour prévenir ou atténuer la maladie la vie durant, de conclure la Dre Brown, et la prévention primaire est maintenant à notre portée.»

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