Comptes rendus

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Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 72e Assemblée annuelle de l’ACR (American College of Rheumatology)

San Francisco, Californie / 24-29 octobre 2008

L’interleukine-6 (IL-6) est un ligand clé dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et d’autres processus inflammatoires, explique le Dr Ernest Choy, directeur du Service de rhumatologie thérapeutique, Guy’s, King’s College and St. Thomas’ Hospitals, Londres, Royaume-Uni. Outre ses effets sur les lymphocytes B et T, l’IL-6 produite en quantité excessive exerce localement des effets qui entraînent de l’inflammation et des lésions articulaires (activation des ostéoclastes, recrutement et survie de polynucléaires neutrophiles, formation du pannus synovial), d’où un grand nombre de ses effets systémiques chez les patients atteints de PR (risque accru de maladies cardiovasculaires [CV], anémie, ostéoporose, effets sur l’humeur et fatigue). De plus, le taux d’IL-6 est corrélé beaucoup plus étroitement avec les marqueurs cliniques et radiologiques de l’atteinte articulaire que les taux de protéine C-réactive (CRP) et de facteur nécrose tumorale (TNF). L’IL-6 est donc une cible logique dans le traitement de la PR, fait valoir le Dr Choy.

Essais sur l’inhibition de l’IL-6

Le tocilizumab a fait l’objet de trois études de phase III (OPTION, LITHE et TOWARD) chez des patients dont la réponse aux agents de rémission traditionnels était insatisfaisante. Les résultats de ces études ont été très constants, fait remarquer le Pr Josef Smolen, Département de médecine interne (rhumatologie), Université de Vienne, Autriche. Lors des essais TOWARD et OPTION, la dose de 8 mg/kg a permis à environ 60 %, 40 % et 20 % des patients d’atteindre les critères de réponse ACR 20, ACR 50 et ACR 70, respectivement, après 24 semaines de traitement, vs environ 25 %, 10 % et 3 %, respectivement, des témoins sous placebo. Les résultats étaient semblables après 52 semaines dans l’essai LITHE de deux ans (en cours). Environ 30 % des sujets de chaque étude ont atteint un score DAS 28 <2,6 (rémission) vs environ 1 à 3 % des témoins.

Les échelles d’évaluation de la qualité de vie (HAQ-DI, SF-36 [volets santé physique et mentale], FACIT) ont toutes objectivé une amélioration significative sous l’effet de la dose de 8 mg/kg. «Les améliorations observées dans le groupe 8 mg/kg sont de l’ordre du double, voire du triple, de celles du groupe témoin», poursuit le Pr Smolen.

Dans l’essai RADIATE, on a évalué la réponse au tocilizumab chez des patients qui n’avaient pas répondu de façon adéquate à un ou à plusieurs anti-TNF. Les taux de réponse selon les critères ACR étaient légèrement plus faibles, note le Pr Smolen, mais le taux de rémission en fonction du score DAS était le même que dans les études ciblant des non-répondeurs aux agents de rémission traditionnels, soit 30 %. Chez les patients qui ont reçu la dose de 8 mg/kg, le taux de réponse ACR 20 est demeuré voisin de 50 %, sans égard au nombre d’anti-TNF antérieurs qu’ils ont reçus.

L’essai de phase III AMBITION – qui visait à prouver que le tocilizumab seul n’est pas inférieur au MTX seul chez des patients encore jamais exposés au MTX – a en fait objectivé sa supériorité après 24 semaines. «Nous n’avons jamais obtenu pareil résultat avec un anti-TNF, car ni l’adalimumab seul ni l’étanercept seul n’ont été supérieurs au MTX lors des essais PREMIER et TEMPO», rappelait le Pr Smolen à l’auditoire.

Selon une étude radiographique regroupant 306 patients (Ann Rheum Dis 2007;66:1162-7), le tocilizumab en monothérapie a amélioré le score de Sharp d’environ 60 % par rapport aux agents de rémission traditionnels. Cette conclusion a été confirmée par les résultats de l’étude LITHE, ajoute le Pr Smolen. Le score de Sharp modifié par Genant était environ 75 % meilleur que dans le groupe MTX seul, et on a observé des améliorations à la fois des lésions osseuses et cartilagineuses. De plus, chez 85 % des patients, on n’a noté aucune progression après un an selon le score total de Sharp, l’absence de progression étant définie comme une variation <u><</u>0 de ce score.

Regard sur l’innocuité de l’inhibiteur de l’IL-6

Nos données d’innocuité – qui proviennent d’environ 4000 patients – représentent l’équivalent d’à peu près 6000 années-patients, et il s’agit dans certains cas de données à long terme, explique le Dr Arthur Kavanaugh, professeur titulaire de médecine, University of California San Diego, La Jolla. Il est fréquent que les taux d’ALT et d’AST augmentent, mais ils se normalisent après chaque dose. Même chez les patients qu’on a retirés à la suite d’élévations excessives, les taux se normalisaient à l’arrêt du traitement. De même, si le nombre de polynucléaires neutrophiles avait tendance à diminuer après l’administration d’une dose, il remontait par la suite. L’élévation des taux lipidiques était aussi fréquente, mais comme ils augmentaient tous, le rapport C-LDL/C-HDL ne s’en trouvait pas altéré. L’incidence des effets indésirables graves – généralement de l’ordre de 13 pour 100 années-patients – n’a pas varié au fil du temps (1,5 an au plus) (n=2562). Des infections graves sont survenues à une fréquence comparable dans les études à long et à court terme. Par exemple, selon les données d’innocuité à six mois regroupées, le taux a atteint 3,2 pour 100 années-patients chez les patients sous tocilizumab à 8 mg/kg et 3,9 chez les témoins sous placebo plus un agent de rémission traditionnel, par comparaison à 3,8 pour le traitement de longue durée par le tocilizumab.

Inflammation et complications cardiovasculaires

L’une des conséquences les plus graves de la PR est un risque accru de maladie CV. L’IL-6 est reconnue pour stimuler la synthèse de la CRP. Le Dr Paul Ridker, directeur du Center for Cardiovascular Disease Prevention, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts, a expliqué que la CRP était un meilleur prédicteur du risque cardiaque que le C-LDL. En outre, la présence simultanée de taux élevés de C-LDL et de CRP entraîne un risque beaucoup plus élevé d’événement cardiaque que l’un ou l’autre pris isolément. Le Dr Ridker a lui-même démontré qu’un taux élevé d’IL-6 était aussi prédictif d’une maladie CV (Circulation 2000;101[15]:1767-72). Fisman et ses collaborateurs (Am J Cardiol 2006; 98[1]:14-8) ont pour leur part établi une corrélation entre un taux plasmatique élevé d’IL-6 et la morbi-mortalité cardiaque, l’incidence des infarctus du myocarde (IM) ou la mortalité étant passées d’environ 80 à 180 pour 1000 années-personnes. La PR a aussi pour effet de doubler ou presque le risque cardiaque (Arthritis Rheum 2006;54[12]:3790-8; Circulation 2003:107[9]:1303-7). L’augmentation du risque d’insuffisance cardiaque est comparable, ajoute-t-il.

Nous avons besoin de plus de données pour déterminer si les anti-inflammatoires utilisés dans le traitement de la PR peuvent également réduire le risque CV. «Les données publiées à ce jour proviennent en grande partie d’études d’observation sans randomisation, ce qui comporte un certain nombre de lacunes», fait remarquer le Dr Ridker. Nous avons des données encourageantes sur la réduction du risque associée à l’AAS et au MTX, mais les données sur les anti-TNF sont ambiguës. L’inhibition de l’IL-6 par le tocilizumab a par ailleurs entraîné «un bel effet proportionnel à la dose sur le taux de CRP» dans l’étude OPTION (Ann Rheum Dis 2007;66[suppl 2]:OP0117), enchaîne le Dr Ridker. À raison de 8 mg/kg, le tocilizumab a maintenu le taux de CRP à <u><</u>0,5 mg pendant 24 semaines. Le maintien du taux de CRP sous le seuil de 2 mg/L réduit le risque d’IM récidivant et de décès (N Engl J Med 2005;352[1]:20-8; Am Heart J 2008;155[1]:49-55).

Les agents biologiques soulèvent des craintes à cause de l’élévation des taux lipidiques qu’ils entraînent, poursuit le Dr Ridker. Il y a lieu de voir si les statines, qui abaissent à la fois les taux lipidiques et de CRP, ne devraient pas être administrées en concomitance. L’essai JUPITER, qui visait à évaluer les effets de la rosuvastatine chez des patients normocholestérolémiques dont le taux de CRP était supérieur à 2 mg/L, a dû prendre fin trois ans plus tôt que prévu en raison de son efficacité. Une analyse détaillée a été présentée aux séances scientifiques de l’American Heart Association de 2008. Au dire du Dr Ridker, on proposera peut-être dans la nouvelle édition des recommandations pour les maladies CV (en préparation) d’administrer un traitement préventif par une statine à tous les patients de 45 ans et plus dont le taux de CRP est >2 mg/L. «On doit se demander si le bénéfice est d’ampleur telle qu’on ne devrait pas envisager ce traitement dans une toute autre population, celle de vos patients souffrant de PR et d’autres maladies inflammatoires, que l’on sait exposés à un risque vasculaire élevé», conclut-il.

Déterminants du choix thérapeutique

On n’a encore jamais comparé nez à nez des agents biologiques administrés à la dose optimale. Les essais comparatifs et randomisés publiés à ce jour ne peuvent pas être comparés directement en raison de différences dans leurs plans d’études et les profils démographiques de leurs effectifs. Tous les agents biologiques se ressemblent sur les plans de l’efficacité et de l’incidence des infections graves. Le choix d’un agent biologique n’est donc pas une mince tâche, affirme le Dr Edward Keystone, professeur titulaire de médecine, University of Toronto, Ontario. Pour différencier les agents biologiques, il suggère la prise en compte de facteurs comme le délai d’action, la nécessité d’une administration concomitante de MTX, les résultats radiographiques et la durabilité de l’effet du traitement. Le risque d’infection granulomateuse et opportuniste et de cancer est un facteur à considérer, tout comme la facilité d’administration. «En fin de compte, ajoute le Dr Keystone, ce sont le coût et l’accès au médicament qui semblent déterminants.»

La diminution apparente de la réponse aux anti-TNF successifs, en particulier selon les critères de réponse ACR 50 et ACR 70, est au nombre des préoccupations, tout comme le risque d’infection grave qui augmente au fil des anti-TNF administrés. Un faible risque de réactivation de la tuberculose et d’infection opportuniste, comme c’est le cas pour l’étanercept, et la possibilité d’épargne du MTX pourraient aussi peser dans la balance. Un court délai d’action et une administration moins fréquente sont les avantages qu’offrent les anticorps monoclonaux. Le certolizumab, par exemple, atteint un plateau après environ 14 semaines et entraîne peu de douleur au point d’injection.

Si l’abatacept, autre agent biologique, offre l’avantage d’un effet durable et de réactions peu fréquentes à la perfusion, précise le Dr Keystone, le rituximab offre quant à lui les avantages d’une administration peu fréquente et d’un bon profil d’innocuité en présence d’un risque élevé de tuberculose, de connectivite et de lymphome. Le tocilizumab est le seul agent en monothérapie qui se soit révélé supérieur au MTX et qui ait été associé à un taux élevé de rémission selon le critère DAS 28 dans de multiples études, conclut-il.

Nota : Au moment de la mise sous presse, le tocilizumab n’était pas commercialisé au Canada.

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