Comptes rendus

Volume prostatique et taux de PSA, deux prédicteurs de la progression de la maladie et de la réponse au traitement en présence de SBAU et d’HBP
RGO chez le sujet âgé : le point sur la prise en charge du risque

Vers une meilleure qualité de vie chez les patients atteints d’hémophilie avec inhibiteurs

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le XXVIIIe Congrès international de la Fédération mondiale de l’hémophilie (FMH)

Istanbul, Turquie / 1er-5 juin 2008

L’hémophilie A ou B sévère ou modérément sévère s’accompagne d’un risque élevé d’apparition d’anticorps anti-FVIII ou anti-FIX, respectivement. Ce risque est estimé à 20-30 % chez les patients atteints d’hémophilie A sévère. Les anticorps inhibiteurs peuvent apparaître à un très jeune âge et après seulement neuf à 12 traitements si l’atteinte est sévère. Certes, le risque diminue après 200 jours de traitement, mais il arrive que des inhibiteurs n’apparaissent que dans la cinquantaine. En présence d’inhibiteurs moins puissants (patients dits «faibles répondeurs»), la prise en charge repose souvent sur des produits de substitution du FVIII ou du FIX, alors que chez les patients qualifiés de «forts répondeurs», on doit opter pour une autre démarche thérapeutique afin d’activer la coagulation indirectement (on parle alors d’effet bypass).

Au nombre des options de traitement à la demande figurent le concentré du complexe prothrombique activé (CCPa) et le facteur VIIa activé recombinant (rFVIIa), lesquels court-circuitent le besoin spécifique de FVIII ou de FIX dans le processus de coagulation. Bien que les deux agents puissent court-circuiter l’étape dépendante du FVIII ou du FIX dans la coagulation, ils diffèrent quant aux mécanismes qui permettent d’obtenir cet effet bypass. Des données indiquent qu’un CCPa pourrait aussi contenir des traces de FVIII ou de FIX, lequel pourrait stimuler davantage la production d’anticorps (Astermark et al. Blood 2007;109[2]:546-51).

Le rFVIIa s’est aussi révélé efficace pour le traitement des hémorragies à la demande, la prévention des hémorragies opératoires et la prophylaxie, et il a entraîné moins d’épisodes de coagulation excessive que le CCPa. Comme il ne contient aucune trace de FVIII ou de FIX et qu’il ne devrait pas, en théorie, activer la formation d’autres anticorps anti-FVIII ou anti-FIX, le rFVIIa est aussi utile pour les enfants chez qui on pourrait envisager un protocole d’induction de tolérance immune. La Fédération mondiale d’hémophilie considère que le CCPa et le rFVIIa sont deux outils utiles pour la prise en charge des hémorragies consécutives à l’hémophilie en présence de titres élevés d’inhibiteurs.

Options de traitement

Au cours des séances scientifiques, le Pr Hervé Chambost, Centre régional de traitement des hémophiles de la Timone, Service d’hématologie pédiatrique, Centre hospitalier universitaire Timone, Marseilles, France, a discuté de la plus grande commodité d’une dose unique de rFVIIa pour le traitement des épisodes hémorragiques légers ou modérés chez les patients qui présentent des inhibiteurs anti-FVIII. Le schéma à dose unique est plus pratique que le schéma à doses multiples, s’adapte mieux au traitement à domicile, réduit le risque de perfusions omises ou retardées et est mieux toléré, à la fois par les enfants et les patients chez qui l’abord veineux est restreint.

On a mis sur pied la base de données ONE (Observational Registry of NovoSeven Used as On-Demand Treatment of Bleeds in Patients with Haemophilia A and B with Inhibitors) pour évaluer l’utilisation du rFVIIa en conditions réelles et pour comparer le schéma standard de rFVIIa à doses multiples (3 x 90 µg/kg) avec le schéma à dose unique (270 µg/kg) sur les plans de l’innocuité, de l’efficacité, de l’impact sur la qualité de vie (QdV) et de la satisfaction des patients. Le recrutement de cette étude prospective a commencé au début de 2008, et l’on prévoit recruter une centaine de patients dans un maximum de 30 centres européens d’hémophilie. Les paramètres d’efficacité principaux sont la proportion de traitements procurant une hémostase efficace et la proportion de traitements procurant un soulagement efficace de la douleur. Les paramètres secondaires sont la satisfaction du patient face au traitement, la commodité du traitement, les délais d’obtention de l’hémostase et de soulagement de la douleur, l’évaluation de la QdV et les effets indésirables. Des résultats partiels sont attendus d’ici la fin de 2008.

Le Dr Massimo Morfini, Agenzia per l’Emofilia, Azienda Ospedaliero Universitaria Careggi, Florence, Italie, a discuté de l’utilisation prophylactique des traitements qui court-circuitent les FVIII et FIX dans la pratique actuelle et a fait un tour d’horizon des données probantes à ce sujet. Si la prophylaxie primaire est une pratique courante dans le traitement de l’hémophilie sans inhibiteurs depuis plusieurs années déjà, elle est également explorée dans le traitement de l’hémophilie avec inhibiteurs. Parmi les publications récentes, citons la récapitulation de 13 cas (adultes et enfants) d’hémophilie avec inhibiteurs ayant été traités par le rFVIIa en prophylaxie secondaire. Dans cette série, la prophylaxie par le rFVIIa s’est révélée hautement efficace pour réduire le nombre d’épisodes hémorragiques; qui plus est, l’observance du traitement a été bonne et la QdV s’en est trouvée améliorée.

Les auteurs d’une autre publication récente ont décrit les résultats obtenus chez des patients qu’ils ont d’abord suivis pendant une période de préprophylaxie afin de confirmer la fréquence élevée de leurs épisodes hémorragiques (Konkle et al. J Thromb Haemost 2007;5[9]:1904-13). En tout, 22 participants ont été randomisés de façon à recevoir chaque jour en prophylaxie 90 ou 270 µg/kg de rFVIIa pendant trois mois, après quoi ils ont fait l’objet d’un suivi en postprophylaxie de trois mois. La fréquence des épisodes hémorragiques a été réduite de façon significative, passant de 59 % en préprophylaxie à 45 % en prophylaxie (p<0,0001), et cette amélioration s’est maintenue pendant la période de postprophylaxie, les patients ayant signalé moins d’hospitalisations et de jours d’absence à l’école ou au travail. Tous les types d’hémorragies ont été réduits de façon comparable, mais c’est au chapitre des hémarthroses spontanées que l’effet a été le plus marqué. Ces études montrent qu’il est possible d’obtenir une réduction cliniquement pertinente de la fréquence des hémorragies grâce au traitement à la demande de l’hémophilie avec inhibiteurs par le rFVIIa.

Prévention des hémarthroses

La Dre Amy D. Shapiro, directrice médicale, Indiana Hemophilia and Thrombosis Center, Indianapolis, a exploré la possibilité de prévenir les hémarthroses chez des patients hémophiles avec inhibiteurs grâce à l’utilisation prophylactique du rFVIIa. Son équipe a évalué l’efficacité et l’innocuité du rFVIIa et du CCPa pour la maîtrise des hémarthroses dans le cadre d’un traitement à domicile. Les sujets de cette étude se voyaient attribuer aléatoirement le rFVIIa en schéma à dose unique ou à dose multiples ou encore, le CCPa en schéma à doses multiples. Le besoin d’un traitement hémostatique supplémentaire dans un délai de neuf heures, qui était le paramètre d’efficacité, était significativement moins prononcé dans le groupe rVIIa à dose unique (8,3 %) que dans le groupe CCPa (36,4 %) (p=0,032). Bien que le pourcentage de patients du groupe rFVIIa à doses multiples ayant eu besoin d’un traitement supplémentaire (9,1 %) ait été plus faible que dans le groupe CCPa, l’écart n’a pas atteint le seuil de signification statistique (p=0,05). Sur le plan de la réponse au traitement, aucun écart significatif n’a été observé par rapport à l’algorithme de réponse globale (p=0,173) et aucun problème d’innocuité n’a été repéré.

La Dre Shapiro en a conclu que le schéma de rFVIIa à dose unique est aussi sûr et efficace que le schéma à doses multiples et qu’il pourrait être considéré comme plus efficace que le CCPa pour le traitement des hémarthroses dans cette population.

Évaluation de la qualité de vie

Luciana Scalone, PharmD, Centre de pharmacoéconomie, Université de Milan et Université de Naples Federico II, Italie, s’est penchée sur la nécessité d’évaluer la QdV chez les patients atteints d’hémophilie avec inhibiteurs. «Laissez vos craintes et votre scepticisme de côté et évaluez la QdV de vos patients hémophiles, avec ou sans inhibiteurs. Dans le passé, l’objectif premier était la survie [...] alors qu’aujourd’hui, les patients vivent très très longtemps avec leur maladie.» Il est essentiel de commencer à voir la QdV comme un paramètre de la réussite du traitement, soutient-elle.

Lorsque son équipe a comparé les résultats des évaluations de la QdV chez des patients hémophiles aux résultats obtenus dans la population générale, elle a constaté que la QdV physique était nettement moindre chez les hémophiles, principalement à cause des arthropathies. La QdV psychologique des patients hémophiles n’était pas diminuée de façon aussi aiguë, par contre. Cela voudrait dire que la QdV globale des patients hémophiles est assez bonne, mais que leur QdV physique pourrait être améliorée, surtout au chapitre du fonctionnement de l’appareil locomoteur. La meilleure façon pour le médecin de surveiller la QdV est d’utiliser des instruments bien établis et standardisés en fonction des besoins du patient (par exemple, en fonction de son âge et de sa langue). L’utilisation d’un instrument générique d’évaluation de la QdV couplée à celle d’un instrument spécifique de l’hémophilie est optimale. Au nombre des instruments d’évaluation génériques figure l’échelle EQ-5D, outil simple comportant six questions.

Lorsqu’on tente de déterminer l’outil d’évaluation de la QdV le mieux adapté, en particulier pour l’évaluation des options de traitement, on doit se demander si cet outil permettra d’estimer l’indice d’utilité pour la QdV liée à la santé. L’indice d’utilité est très pratique dans les évaluations économiques. «Des contraintes budgétaires font souvent obstacle au choix des meilleures options, souligne Luciana Scalone. Il est essentiel de tenir compte des bénéfices et des coûts», et l’on parle ici à la fois des coûts réels du traitement et des coûts de l’absence de traitement. «Par exemple», poursuit-elle en faisant référence au traitement de l’hémophilie avec inhibiteurs, «la mise en oeuvre d’un traitement prophylactique se heurte parfois à des obstacles parce que le coût est plus élevé à court terme, mais on doit aussi soupeser les conséquences économiques du traitement prophylactique en regard de celles du traitement à la demande. Certes, la prévention des arthropathies par le traitement prophylactique requiert peut-être un investissement plus important à court terme, mais on doit également prendre en considération les économies éventuelles que l’on réaliserait à long terme en ayant une population de patients hémophiles en meilleure santé», conclut-elle.

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